Maroc

Placement : coup de grâce aux stratégies conservatrices ?

L’inflation ressortirait à 4,7% en 2022, et il est difficile de savoir si cette poussée des prix à la consommation sera transitoire ou durable. Ce contexte pourrait nécessiter quelques ajustements de la part des épargnants pour se protéger. L’environnement de taux bas et la poussée de l’inflation requièrent, en tout cas, une stratégie plus agressive.

Au cours des dix dernières années, les investisseurs n’ont pas eu à s’inquiéter de l’inflation. Celle-ci s’est établie à 1,1% en moyenne avec un pic à 1,9%. Mais, cela risque de changer. Pour 2022, Bank Al-Maghrib anticipe une hausse des prix à la consommation de l’ordre de 4,7% avec de nombreuses incertitudes entourant cette prévision.

La sécheresse et la guerre en Ukraine sont venues exacerbées les tensions inflationnistes nées de la reprise rapide post-Covid et des perturbations dans les chaînes d’approvisionnement. Il est encore difficile de savoir si cette poussée des prix à la consommation sera transitoire ou durable. Cet environnement rend les prévisions très fragiles. Toutes les banques centrales sont obligées d’adapter les leurs au fur et à mesure de l’évolution de la conjoncture.

Pour l’heure, il faut remonter à 1995 pour retrouver un taux d’inflation plus élevé que les projections actuelles. Si ce contexte perdure, il va contraindre les épargnants à revoir leur stratégie d’épargne et les obliger à prendre un peu plus de risque pour mieux fructifier leur capital. Un épargnant au profil conservateur porté sur les placements sans risque sera plus enclin à changer de fusil d’épaule pour dynamiser le rendement de son portefeuille. En termes réels, la rémunération des placements sans risque, déjà maigres, va s’effondrer.

Pour le compte sur carnet, le plus plébiscité avec un encours de 175 milliards de DH, le rendement, après prise en compte de l’impôt et de l’inflation, s’enfoncerait en territoire négatif aux alentours de -4%.  L’assurance-vie pourrait profiter de cette conjoncture pour grignoter des parts de marché. Cependant, les contrats libellés en dirhams ne rapportent plus autant que par le passé, soit aux alentours de 3% aujourd’hui.

Toutefois, l’assurance-vie regorge d’autres avantages (fiscalité, succession…) qui compensent la baisse de la rémunération. En revanche, la diversification vers  les contrats en unités de compte, plus risqués mais offrant des perspectives de gains plus élevés, pourrait s’accélérer. Jadis snobés, ces contrats sont actuellement en vogue et sont désormais proposés par pratiquement toutes les compagnies. Par contre, ils sont commercialisés auprès des clients patrimoniaux.

Regain d’intérêt pour la Bourse ?
Entre 2006 et 2008, où 25 entreprises se sont introduites en Bourse, les ménages généraient près du tiers des transactions sur le marché central. Mais, la trajectoire baissière empruntée par le marché par la suite, le manque de transparence de certains émetteurs et la rareté des introductions en bourse ont quelque peu éloigné les particuliers de la Bourse.

Ces dernières années, le travail du régulateur pour renforcer la crédibilité de la Place et l’environnement de taux bas pourraient faire bouger la position de cette catégorie d’investisseurs. D’ailleurs, ils ont démontré qu’ils étaient prêts à s’engager pour des opérations claires et porteuses de valeur. Ils avaient, par exemple, misé plus de 3 milliards de DH sur TGCC lors de son introduction en Bourse en décembre dernier.

En février dernier, plus de 3.100 avaient souscrit plus de 372 millions de DH lors de l’augmentation de capital de Mutandis (taux de satisfaction de 44%). Sur un horizon long, les actions restent l’un des placements les plus rentables. Dans le contexte actuel, «le marché actions peut constituer une protection contre l’inflation à condition d’être sélectif et défensif», note un gérant de fonds.

En tout cas, pour trouver de la performance il n’y a pas beaucoup d’alternatives. Une partie de la solution pourrait venir de l’immobilier, encore faut-il que la hausse des loyers soit suffisante pour compenser l’inflation.

Le compte sur  carnet plébiscité, l’assurance-vie gagne du terrain

Hors investissement immobilier, les ménages laissent dormir leur argent dans les comptes courants où le placent dans le compte sur carnet. Ce placement permet de disposer rapidement de l’argent pour saisir une opportunité où pour faire face à des imprévus, comme une inflation forte. Les plus avertis s’orientent vers l’assurance-vie et les valeurs mobilières. Pour les ménages les plus modestes, il est plus difficile de mettre de l’argent de côté. Au quatrième trimestre, seulement 15% des ménages disent pouvoir épargner au cours des prochains mois dans l’enquête du HCP.

Le solde d’opinion sur la capacité future des ménages à épargner est resté négatif à -69,5 points. Avec l’accélération de la hausse des prix à la consommation, certains sont contraints de puiser dans leur bas de laine pour boucler les fins de mois. Toutefois, malgré le contexte anxiogène, les Marocains maintiennent un effort  d’épargne constant.

Le compte sur carnet a accumulé 5 milliards de DH supplémentaires sur un an à fin janvier à 175 milliards de DH. Le niveau élevé d’incertitudes et la situation sur le marché du travail poussent les ménages à modérer leur consommation et renforcer leur épargne.

Dans le même contexte, en 2008, où l’inflation avait été de 3,9%, ils avaient aussi renforcé leur épargne de précaution, l’encours ayant augmenté de 7 milliards de DH à l’époque. En 2021, la collecte en assurance-vie est restée très dynamique.

L’épargne en dirhams a augmenté de 12% à plus de 18 milliards de DH alors que la collecte sur les supports en unités de compte s’est renforcée de 20% à 1,7 milliard de DH. Il faudra voir si la dynamique se poursuit en ce début d’année. Au total, 100 milliards de DH étaient logés dans ces produits à fin 2020. Quant aux placements en valeurs mobilières, ils se chiffraient à 57 milliards de DH à fin 2020 (derniers chiffres disponibles)

Frank Fagnon / Les Inspirations ÉCO


whatsapp Recevez les actualités économiques récentes sur votre WhatsApp

Évolution des prix des fruits et légumes à Casablanca



Rejoignez LesEco.ma et recevez nos newsletters



Bouton retour en haut de la page