Patrimoine et spiritualité : les grandes mosquées, dépositaires de la tradition

Pendant le mois de ramadan, les grandes mosquées du Maroc et d’ailleurs se transforment en véritables centres spirituels et communautaires. Des joyaux architecturaux comme Al-Qarawiyyîn et la Koutoubia ne sont pas seulement des lieux de prière, mais aussi des espaces d’enseignement et de cohésion sociale. Leur histoire et leur rôle contemporain témoignent d’une évolution marquée par les influences culturelles et religieuses de chaque époque.
Les grandes mosquées du Maroc sont bien plus que des monuments. Elles sont les témoins imposants d’une spiritualité qui traverse les générations et de traditions qui s’ancrent dans le quotidien des fidèles. Durant chaque ramadan, elles accueillent, protègent, enseignent… Elles résonnent des prières des croyants, illuminent les nuits des Tarawih, offrant chaleur et solidarité.
Plus qu’un lieu de culte, elles sont une maison commune, où chacun, riche ou pauvre, jeune ou vieux, trouve un espace de recueillement et de partage. Chaque soir, des milliers de fidèles, parfois venus de loin, convergent vers ces édifices majestueux pour prier, écouter des prêches et partager un moment de spiritualité. Les grandes mosquées ne sont pas seulement des lieux de culte, elles sont des refuges, des espaces de transmission, de savoir et de solidarité.
À travers les siècles, elles ont façonné la vie spirituelle des Marocains et continuent aujourd’hui de jouer un rôle central dans le quotidien des croyants. Parmi elles, certaines bâties depuis des siècles demeurent des repaires de spiritualité et d’influence religieuse. Leur architecture et leur fonction ont évolué au fil du temps, reflétant les dynamiques politiques et culturelles du monde musulman.
Un patrimoine architectural marquant
D’après le ministère des Habous, les mosquées marocaines se distinguent par une diversité architecturale qui témoigne des influences andalouses, maghrébines et orientales. À travers les siècles, les dynasties successives ont imprimé leurs marques sur ces sanctuaires.
Al-Qarawiyyîn à Fès, fondée au IXe siècle, est à la fois un centre religieux et une université, formant des savants depuis plus d’un millénaire. La Koutoubia, avec son minaret emblématique, domine Marrakech et demeure un modèle de l’architecture almohade. Selon les recherches historiques, chaque mosquée est le reflet de son époque.
Pour le ministère des Habous, «la mosquée marocaine est ainsi devenue le repère d’une époque historico-architecturale, et le dépositaire de pratiques singulières qui permettent de reconnaître l’empreinte des différentes dynasties».
Un rôle clé pendant le ramadan
Durant le mois sacré, ces édifices prennent une dimension encore plus importante. Outre les prières quotidiennes, la veillée spirituelle des Tarawih attire des milliers de fidèles. Dans des édifices comme la grande mosquée Hassan II à Casablanca, la capacité d’accueil est mise à rude épreuve face à l’afflux massif des croyants.
Les grandes mosquées jouent aussi un rôle social. Elles deviennent des lieux de distribution de repas aux plus démunis et organisent des cercles de lecture du Coran ainsi que des conférences théologiques. Al-Qarawiyyîn, par exemple, perpétue son rôle d’institution du savoir, accueillant des prêcheurs et des érudits qui partagent leurs connaissances avec le public.
L’héritage du mobilier et des arts islamiques
L’influence historique de ces mosquées ne se limite pas à leur architecture. Elles renferment aussi des trésors d’artisanat. Selon l’ouvrage «Le mobilier des mosquées médiévales du Maroc» d’Abdeltif El Khamar, la mosquée Al-Qarawiyyîn a connu plusieurs minbars remarquables. Le premier, en bois de pin, fut fabriqué en l’an 956 de l’Hégire, suivi d’un second en bois d’ébène et de vigne sous le gouvernement des Omeyyades, puis d’un troisième en ivoire et bois précieux sous les Almoravides.
La Koutoubia, quant à elle, abrite un minbar exceptionnel, réalisé en Andalousie avant d’être transféré à Marrakech sur ordre du calife almohade Abd al-Mu’min Ibn ‘Alî. «Il était de grandes proportions et taillé en bois de santal bicolore», précise El Khamar.
L’éclairage des mosquées, élément central de leur aura mystique, a lui aussi évolué avec le temps. Autrefois, les bougies et les cierges jouaient un rôle prépondérant dans la mise en valeur des intérieurs. Certaines mosquées possédaient des lustres majestueux suspendus à des chaînes de bronze ou d’argent, tandis que les chandeliers sculptés en laiton illuminaient les nefs.
Dans les grandes mosquées comme celle d’Al-Qarawiyyîn, la préparation des cierges pour le ramadan était un rituel en soi. Ces bougies, souvent fabriquées à partir de cire d’abeille pure, étaient offertes par les notables et disposées autour du mihrab.
Aujourd’hui encore, la tradition de l’éclairage des mosquées persiste, bien que modernisée. De nombreux sanctuaires historiques ont remplacé les chandeliers en cire par des luminaires électriques imitant la douce lueur des flammes anciennes, tout en préservant l’esthétique et la symbolique de l’éclairage sacré.
Une influence qui dépasse les frontières
L’impact des mosquées marocaines ne se limite pas au Royaume. En 1927, le sultan Moulay Youssef inaugure la Grande mosquée de Paris, illustrant l’ouverture de l’architecture religieuse marocaine vers l’international. Plus tard, sous l’impulsion du Roi Hassan II, des mosquées ont été construites dans plusieurs pays africains et européens, perpétuant l’expertise des artisans marocains au-delà des frontières.
Durant chaque ramadan, les grandes mosquées deviennent des cœurs battants de la spiritualité musulmane. Qu’il s’agisse d’Al-Qarawiyyîn, de la Koutoubia ou de mosquées plus récentes comme la Grande mosquée Hassan II, leur impact dépasse le simple cadre du culte. Elles sont le reflet d’une histoire, d’un savoir-faire et d’une transmission culturelle qui continue d’inspirer les fidèles, au Maroc et bien au-delà.
La mosquée Hassan II, un phare spirituel et architectural
Inaugurée en 1993, La grande mosquée Hassan II de Casablanca est l’une des plus grandes du monde. Capable d’accueillir plus de 100.000 fidèles, elle est un symbole de l’excellence de l’artisanat marocain et de la continuité des traditions architecturales islamiques.
Sa salle de prière, ornée de zelliges, de plâtres sculptés et de bois de cèdre, reflète un savoir-faire unique. Le minaret, culminant à 210 mètres, est le plus haut du monde et dispose d’un faisceau laser pointé vers La Mecque.
Chaque année durant le ramadan, la mosquée Hassan II devient le centre névralgique de la vie spirituelle casablancaise. Des milliers de fidèles y viennent pour accomplir les prières de Tarawih, dans une atmosphère de recueillement impressionnante. Le complexe comprend également une école coranique et une bibliothèque, affirmant ainsi son rôle de transmission du savoir islamique.
Faiza Rhoul / Les Inspirations ÉCO