Oujda : repenser les marchés pour relancer la dynamique commerciale

La capitale de l’Oriental entreprend une vaste opération de réhabilitation de ses marchés traditionnels, avec l’ambition de les inscrire dans une nouvelle logique de développement urbain et économique, en phase avec les exigences d’un commerce moderne et durable.
À Oujda, la trame urbaine porte les traces vivantes d’un commerce séculaire. Si les centres commerciaux récents s’imposent désormais dans les lieux stratégiques de la ville, les marchés traditionnels, souvent à ciel ouvert, continuent d’occuper une place centrale dans les usages et les mémoires. Mais à l’épreuve de l’urbanisation rapide, de la mutation des modes de consommation et de la montée en puissance du commerce structuré, ces espaces ont vu leur attractivité décliner, fragilisant tout un pan de l’économie locale.
Un tournant impulsé par l’INDH
Pour répondre à ces mutations, les autorités locales, soutenues par l’Initiative nationale pour le développement humain (INDH), ont lancé un programme de modernisation ambitieux. Réhabilitation des marchés existants, intégration des marchands ambulants dans des espaces organisés, construction de nouveaux pôles commerciaux : autant d’initiatives qui cherchent à redonner souffle à un tissu marchand fragilisé.
Treize marchés pilotes ont été rénovés dans ce cadre, accompagnés de la création de points de vente structurés, de la distribution de chariots commerciaux et de l’aménagement de zones adaptées à la vente de poissons, avec un budget avoisinant les 3 millions de dirhams. Plus de 3.380 personnes bénéficient déjà de ces interventions, selon la préfecture d’Oujda-Angad.
«Ce processus de réhabilitation repose sur une coordination étroite entre les services de la wilaya et les acteurs territoriaux», explique Anass Salah, chef de la Division de l’Action sociale à la préfecture. «L’objectif est de structurer durablement l’activité des marchands informels, longtemps laissés en marge, en leur assurant des conditions de travail dignes, respectueuses des normes de qualité et de sécurité alimentaire».
Modernisation des infrastructures et intégration sociale
Cette reconfiguration ne se limite pas à l’aspect architectural. Elle ambitionne également de réconcilier les commerçants avec leur environnement urbain. Les marchés rénovés sont désormais dotés d’installations modernes : parkings, sanitaires, système d’éclairage optimisé, points de paiement électronique… Une transformation qui modifie en profondeur l’expérience d’achat et renforce l’attractivité de ces lieux auprès des usagers.
Mourad Chaikh, membre de l’Association des commerçants du marché pilote Al Qods, en témoigne :
«Grâce au soutien de l’INDH, le marché a connu un vrai bond qualitatif. Les infrastructures ont été renforcées, le réseau électrique fiabilisé, le système d’assainissement revu. Tout cela nous permet de rivaliser avec les standards des grandes villes».
Les commerçants, autrefois installés dans des conditions précaires, opèrent aujourd’hui dans des espaces structurés, sûrs et adaptés à leur activité. Les clients, eux, saluent les améliorations visibles : propreté, circulation fluide, meilleure organisation.
«On se sent enfin dans un marché digne de ce nom, agréable à fréquenter et rassurant pour nos achats», affirme une habitante du quartier Al Qods.
Vers une nouvelle carte des marchés
Au-delà de la réhabilitation des marchés historiques, la municipalité a également entrepris le transfert de certains sites vers de nouveaux emplacements, dans une logique de décongestion des zones résidentielles et de rééquilibrage du développement urbain.
Objectif : améliorer la circulation, réduire les nuisances sonores et la pollution, tout en offrant des conditions optimales aux commerçants comme aux clients. La création de nouveaux marchés hebdomadaires illustre cette volonté d’aménagement concerté.
À Ahl Angad, un projet phare voit le jour sur 12 hectares, avec un investissement de près de 10 millions de dirhams. D’autres initiatives similaires, pour un montant global estimé à 70 millions de dirhams, sont à l’étude ou en cours de réalisation dans différents quartiers de la ville.
Ces transformations s’inscrivent dans un schéma global de modernisation du secteur commercial, fondé sur une approche participative.
«Il ne s’agit pas seulement d’aménager des infrastructures, mais de créer un modèle économique viable et inclusif», estime Anass Salah. «Cela suppose d’associer les usagers, les commerçants, les élus et les services techniques, dans une logique de gouvernance concertée».
Un modèle reproductible ?
À travers ces projets, Oujda affirme sa volonté d’inscrire son développement dans la durabilité. La requalification des marchés devient ici un levier de modernisation urbaine, mais aussi de cohésion sociale, en revalorisant des espaces longtemps négligés.
Si la réussite du programme repose encore sur sa capacité à maintenir dans le temps l’équilibre entre offre commerciale et usages populaires, l’expérience d’Oujda pourrait, à terme, inspirer d’autres villes confrontées à la dualité entre formel et informel.
S.N. / Les Inspirations ÉCO