Maroc

Nomination aux hautes fonctions. Benchaâboun liste les dysfonctionnements

Manque de stabilité en matière des nominations dans certains secteurs, non différenciation entre les «poids» des responsabilités des postes de même rang administratif, manque d’incitations financières, clientélisme…Autant de dysfonctionnements qui minent le système de nomination aux hautes fonctions, selon le ministre de tutelle. La réforme s’impose.

C’est une réforme qui tarde à voir le bout du tunnel depuis des années. Avant la fin de son mandat, le gouvernement est appelé à mettre sur les rails cette réforme prônée par le souverain.

Une évaluation minutieuse du système, mis en place depuis 2012, s’impose avant de procéder à la révision législative escomptée, selon le ministre de l’Économie, des finances et de la réforme de l’administration. Un premier bilan est déjà dressé.

Mohamed Benchaâboun vient de lister devant les députés de la commission de la législation et des droits de l’Homme une série de dysfonctionnements qui émaillent le système de nomination aux hautes fonctions, à commencer par le manque de stabilité des hauts fonctionnaires dans certains secteurs, en raison de leurs changements répétitifs par le ministre ou le secrétaire général.

Or, un haut fonctionnaire a besoin de temps et de stabilité pour pouvoir bien assimiler ses fonctions et accomplir comme il se doit sa mission, d’après le responsable gouvernemental.

À cela s’ajoute la nécessité d’assurer la continuité au sein de l’administration marocaine, abstraction faite du changement des gouvernements. La non différenciation entre les « poids » et le volume des responsabilités des postes de même rang administratif est un autre dysfonctionnement qui devra être pris en considération lors de la révision de la législation. Benchaâboun donne pour exemple le poste des directeurs centraux qui n’ont pas forcément ni la même charge de travail ni la même expérience.

Certains postes sont en effet plus stratégiques que d’autres. Pourtant, la procédure de nomination et la rémunération de ces hauts fonctionnaires sont similaires. Le manque d’incitations financières est également une problématique de taille. La réforme des rémunérations devra passer par la révision de l’environnement juridique régissant l’organisation actuelle de la fonction publique en vue d’intégrer bon nombre de principes dont la nature du poste et la prise en compte de la performance, du mérite et des enjeux des motivations individuelles.

Promouvoir l’égalité des chances par ailleurs, le clientélisme dans les nominations est un fait avéré, comme le laisse entendre le chef du département de la réforme de l’administration.

«La loi organique ne règle pas ce problème», précise-t-il. L’expérience démontre que la transparence n’est que de façade tandis que la réalité est autre. La procédure actuelle ne répond pas en effet aux principes constitutionnels. L’article 92 de la loi fondamentale met l’accent sur les critères d’égalité de chances, de mérite, de compétence et de transparence. Ces principes devaient être incarnés dans la loi organique relative à la nomination aux fonctions supérieures de 2012. Sauf que cette loi n’était pas précise dans la mise en œuvre des principes constitutionnels et est marquée par un vide juridique qu’il conviendrait de combler.

La loi organique s’est contentée d’énumérer des principes tout en laissant au décret le soin de fixer les différentes modalités. Ce texte, rappelons-le, stipule la création auprès de l’autorité gouvernementale concernée d’une commission chargée de définir les critères de sélection des candidats aux fonctions supérieures. A cet égard, de grandes disparités sont constatées entre les départements dans la définition des conditions d’accès aux hautes fonctions. Les ministres disposent en effet d’une grande marge de manœuvre.

Ils peuvent constituer la commission de nomination de leur choix et orienter la sélection en déterminant des critères taillés sur mesure pour le candidat souhaité. Les critères de sélection sont fixés par chaque commission créée auprès de l’autorité gouvernementale concernée. Ainsi, on a de plus en plus tendance à politiser l’administration en nommant des cadres appartenant aux partis politiques de la majorité gouvernementale. A compétences égales avec des «concurrents» appartenant à des partis politiques de la coalition gouvernementale, de nombreux fonctionnaires apolitiques se sentent exclues de la procédure de nomination aux hautes fonctions.

Une situation vertement critiquée car on estime que le fonctionnaire doit être neutre et impartial même si l’administration est un organe d’exécution des orientations stratégiques du gouvernement. En vue de faire valoir les règles de la transparence, plusieurs recommandations ont été émises lors du forum national de la haute fonction publique qui s’est tenu en février 2018.

Mais jusque-là, ces recommandations demeurent lettres mortes, malgré leur plus haute importance. Rappelons à cet égard que ces assises ont prôné la nécessité d’élaborer un descriptif des compétences pour chaque type de haute fonction pour rationaliser la gestion des ressources humaines et atteindre l’efficacité souhaitée dans la gestion publique. Le gouvernement est appelé à élaborer un guide pour définir minutieusement les missions et les rôles des hauts fonctionnaires dans les divers secteurs relevant de l’administration publique.

Le Maroc entend s’inspirer des expériences internationales réussies pour unifier les critères de sélection des candidats et instaurer la transparence et l’équité des chances tant espérées. Sous d’autres cieux, c’est une commission indépendante qui est chargé de définir les critères de sélection et de choisir les candidats pour les postes de responsabilité dans la fonction publique.

La cour des comptes a cité l’expérience de la Belgique qui est dotée d’un organe central spécialisé chargé de recruter les collaborateurs statutaires pour les services publics fédéraux, les communautés et les régions. Ce bureau publie régulièrement des offres d’emploi. Pour pouvoir être engagés, les candidats doivent passer par un processus de sélection pour établir un classement. Cet organe spécialisé dispose d’une liste qui fait office de réserve de recrutement. En matière de gestion, la contractualisation devra être un élément essentiel pour faire valoir le principe de la reddition des comptes sur la base d’objectifs précis.

Féminisation des fonctions supérieures une grande responsabilité incombe également à l’Exécutif pour régler la problématique de la faiblesse de représentativité des femmes dans les fonctions supérieures. Le taux des femmes nommées depuis 2012 dans les fonctions supérieures ne dépasse pas 11,40 %.

De nombreux défis restent encore à relever pour réaliser la parité entre les hommes et les femmes en matière d’accès aux hautes fonctions tout en prenant en compte le critère de la compétence. Selon une étude du département de la réforme de l’administration, il s’agit notamment du dispositif juridique et institutionnel de la fonction publique qui, -bien qu’il soit basé sur la neutralité et l’égalité des chances entre les deux sexes-, ne tient pas suffisamment compte des aspirations des femmes.

Des entraves systémiques perdurent en dépit de la réaffirmation d’une politique délibérée visant à encourager une féminisation accrue des postes de responsabilité dans la fonction publique. L’étude recommande la nécessité du renforcement du leadership au féminin. Il faut aussi réviser l’arsenal juridique et institutionnel, instaurer un environnement favorable permettant de concilier vie familiale et vie professionnelle, renforcer des modalités de reporting sur la féminisation des postes de responsabilité, consolider des actions d’incitation et d’accompagnement, développer le réseautage…

Jihane Gattioui / Les Inspirations Éco



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