Maroc

M’jid El Guerrab: des visas délivrés en 48h au Maroc, pourquoi pas ?

M’jid El Guerrab. Député dans la neuvième circonscription des Français établis hors de France.

Pour les Maghrébins et les Subsahariens, la demande d’un visa pour la France relève généralement du parcours du combattant. Deux députés de l’hexagone viennent de présenter un rapport visant à faciliter le processus. Il s’agit de Sira Sylla, élue de Seine-Maritime et spécialiste des questions liées aux diasporas africaines, et de M’jid El Guerrab, député des Français de l’étranger dont la circonscription couvre l’Afrique du Nord et de l’Ouest. Ce dernier explique comment la France pourrait «révolutionner» sa politique des visas et en faire un instrument au service de l’attractivité de la France.

Votre mission d’enquête sur la politique des visas a été lancée en janvier 2020. Qui en a eu l’idée, et quel était votre objectif ?
Nous sommes régulièrement sollicités par des personnes désirant se rendre en France qui rencontrent quelques difficultés dans la procédure de demande de visa. Ce ressenti est la conséquence d’une importante demande, liée aux relations historiques entre la France et le continent africain qui se matérialise par une surcharge de travail sur les consulats français. Malgré cela, il faut le dire, ils réalisent un travail remarquable. L’idée de ce rapport partait donc d’une question simple : comment fluidifier et dédramatiser la procédure ?

Vous l’avez intitulé «Mission flash». Pourquoi ?
Il s’agit d’un terme technique pour signifier que la mission devait être durer moins de six mois. Malheureusement, la crise sanitaire liée à la Covid-19 a temporairement suspendu la mission. Toutefois, nous faisons la proposition qu’une enquête plus large soit menée sur ce sujet primordial pour notre attractivité. Aujourd’hui, vous le savez, la question des visas est un sujet de politique étrangère puissant…

Quelles ont été les difficultés rencontrées durant la collecte d’informations, notamment pendant la crise sanitaire ?
Comme tout le monde, nous avons continué à travailler à travers les moyens nouveaux qu’offre la visioconférence. Durant tout le confinement, nous n’avons cessé de nous entretenir avec tout le personnel consulaire et diplomatique, nos élus consulaires, les étudiants, les opérateurs publics comme Campus France, toutes les personnes concernées par le sujet. Je profite d’ailleurs de l’occasion qui m’est donnée pour les remercier toutes et tous pour leur disponibilité et la qualité des échanges.

En 2017, le président Macron promettait une France plus ouverte aux Africains. Trois ans plus tard, cette ambition ne s’est pas réalisée. Pourquoi, à votre avis ?
Comme dans tout projet ambitieux, il se peut que le ressenti ne corresponde pas à l’espoir suscité. Or, la France considère la mobilité entre le Nord et le Sud comme un élément essentiel de sa politique de rayonnement. Le président a parlé de mobilité circulaire, de partenariat reconstruit. Par ailleurs, depuis le mois de septembre à l’Assemblée nationale, nous avons examiné et voté deux textes fondateurs de la nouvelle relation que la France souhaite avoir avec le continent africain : le projet de loi portant sur la restitution des biens culturels au Sénégal et au Bénin ainsi que la convention intergouvernementale mettant fin au franc CFA. C’est une nouvelle page que nous souhaitons ouvrir avec l’Afrique. Ma collègue et moi-même sommes par ailleurs physiquement les symboles de cette nouvelle page… Les diasporas. Le visa est l’un des irritants principaux de cette nouvelle relation. Nous allons donc réformer ce système et, là aussi, rejoindre l’ambition du président de la république.

Vous vous dites convaincu que les visas doivent être un instrument au service de l’attractivité de la France. Mais, sur le terrain, les demandes de visa relèvent plus que jamais du parcours du combattant… au point qu’étudiants, opérateurs et touristes se tournent vers d’autres contrées. Comment renverser cette tendance?
À travers nos échanges avec les différentes diasporas, nous constatons qu’il existe plus que jamais véritable «une envie de France». Les gens veulent venir en France, veulent faire des affaires avec les Français. Il ne s’agit pas de nier les difficultés, mais nous n’avons pas le sentiment qu’il existe un rejet entre la France et le continent africain, dans un sens comme dans l’autre. Cette demande est une source d’opportunités formidable pour notre pays. Il peut y avoir des ignorances de part et d’autres, et c’est aussi cela qu’il faut lever. Afin de remédier aux difficultés, nous proposons par exemple qu’il soit possible d’obtenir un visa en 48h pour certains pays africains comme c’est le cas en Chine. Et pourquoi pas demain au Maroc ? Nous œuvrons également à plus de fluidité administrative pour les multi-demandeurs.

En traitant la problématique de la politique des visas, vous ne souhaitez pas engager le débat sur la politique migratoire. Pourtant, ces questions semblent aujourd’hui étroitement liées. Comment limiter le poids de la lutte contre la migration illégale dans la politique des visas ?
Attention ! Nous ne sommes pas des «hurluberlus» souhaitant ouvrir les frontières françaises à tous vents. Non. Nous faisons de la lutte contre l’immigration illégale une priorité, comme chaque nation du monde, et de son corollaire, l’insécurité. Mais entre cette attention accrue et le peu de cas qui est fait de l’attractivité de la France, nous pensons qu’il y a un juste milieu. Un rééquilibrage à opérer. Les visas dépendent ainsi de deux ministères : l’Intérieur et les Affaires étrangères. On constate que depuis plus d’une décennie, ce sont les préoccupations sécuritaires qui ont pris le pas sur l’attractivité. Nous pensons que c’est une erreur et que cela nuit à l’image de la France, notamment en Afrique. Pour limiter le poids sécuritaire sur la délivrance des visas, nous proposons par exemple d’instaurer un système de garant, nous proposons de délivrer plus de passeports talents, plus de visa multi-entrées, etc. Bref, il faut fluidifier et faciliter la circulation notamment pour les personnes qui ne présentent aucun risque migratoire.

Pour atteindre ce que vous appelez la «révolution de la mobilité», vous préconisez de rééquilibrer le pilotage de la politique de visas au profit du ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Pourquoi «écarter» le ministère de l’Intérieur de ce dossier ?
Il ne s’agit pas d’écarter le ministère de l’Intérieur de ce dossier, comme je le dis précédemment. Parlons plutôt de rééquilibrage au profit du ministère des Affaires étrangères pour l’Afrique. Cela permettra d’insister sur l’expérience vécue par les demandeurs de visa plutôt que de se focaliser sur le volet sécuritaire. Prenez par exemple la Chine, où l’on constate que le Quai d’Orsay a réellement la main. Des visas sont délivrés en 48h, pourquoi ne pas imaginer cela pour l’Afrique ? Nous le proposons.

Pensez-vous que la pandémie et la mise en place d’un passeport sanitaire vont davantage restreindre la mobilité des Africains vers la France ?
Évidemment, le monde est bloqué. Les allers-retours sont devenus exceptionnels. L’espace Schengen s’est depuis plusieurs mois fermé. Cela ne concerne pas uniquement les Africains mais le monde entier. Pour l’instant, il ne s’agit pas de mettre en place un passeport sanitaire, mais simplement de s’assurer que les personnes qui viennent en France n’apportent pas de virus ou de nouvelles souches de virus avec elles. Tant que nous n’aurons pas vaincu cette pandémie, oui, il faudra s’attendre à des restrictions très sévères.

Vous avez présenté quinze propositions qui devraient assouplir la politique des visas du gouvernement français. Pensez-vous que vous serez entendus ?
À travers son discours de Ouagadougou, le président de la république a réaffirmé l’importance de la mobilité entre la France et le continent africain. Nous sommes certains que notre rapport sera suivi de près par l’Exécutif. Nous sommes en lien permanent avec les ministres du gouvernement et, dès cette semaine, nous allons avoir des échanges avec Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État au Tourisme, aux Français de l’étranger et à la francophonie, et avec Franck Riester, ministre délégué chargé du Commerce extérieur et de l’attractivité. 

Fatima El Ouafi / Les Inspirations Éco



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