Maroc

Migration irrégulière. Le Maroc dit stop !

Après les assauts répétés contre les frontières à Melilla et Sebta, les autorités marocaines ont décidé de refouler vers le sud tous les migrants. Des associations dénoncent des abus. Le gouvernement défend sa position sécuritaire.

Le 22 octobre dernier, le ministère de l’Intérieur annonçait sa décision de «refouler vers leurs pays d’origine tous les migrants subsahariens ayant participé à l’assaut du préside occupé de Melilla». Cette tentative avait eu lieu le 21 octobre. Elle s’est soldée par la mort et de 22 blessés parmi les migrants.  Douze membres des forces de l’ordre ont été également hospitalisés pour des blessures plus ou moins graves. La décision marocaine est prise «conformément aux lois en vigueur», précisait le département Laftit. Que prévoient exactement «ces lois» ? Et quelle protection de ces migrants assurent-elles ?

Que prévoit la loi 02-03 ?
La loi relative à l’entrée et au séjour des étrangers, à l’émigration et l’immigration irrégulières donne de larges prérogatives à «l’administration» (Intérieur) pour refouler ou expulser un migrant. L’article 21 précise que «la reconduite à la frontière peut être ordonnée par l’administration». Les 114 migrants concernés tombent sous l’article 21 ou encore l’article 25 qui dit que «l’expulsion peut être prononcée par l’administration si la présence d’un étranger sur le territoire marocain constitue une menace grave pour l’ordre public». Pour l’association GADEM, cette dernière notion est «floue…et ouvre la voie à l’arbitraire». La décision de refoulement doit-elle être motivée par la justice ? À priori oui, si on se réfère à l’article 23 du texte. «L’étranger qui fait l’objet d’une décision de reconduite à la frontière peut dans les quarante-huit heures suivant la notification demander l’annulation de cette décision au président du tribunal administratif». Une personne qui fait l’objet d’une décision de reconduite à la frontière doit être informée de ses droits et mise en mesure d’avertir un avocat ou son consulat (article 24). Dans les faits, cette procédure ne semble pas être respectée. «Les personnes arrêtées et ainsi éloignées du territoire ne sont pas informées des raisons de leur renvoi et elles ne reçoivent aucune notification de la décision», observe le GADEM dans sa note sur ce sujet intitulée «Expulsions gratuites».

Combien de retours depuis août 2018 ?
Le GADEM recense 89 personnes expulsées en dehors du territoire national entre septembre et début octobre 2018, dont au moins 6 mineurs, «un chiffre jamais atteint depuis les événements de Sebta et Melilla de septembre et octobre 2005», précise l’association. En tout, 142 personnes dont une dizaine de mineurs ont été arrêtées et maintenues au commissariat central de Tanger en vue de leur éloignement du territoire national. «Ce recensement n’est pas exhaustif mais concerne la période allant de mi-septembre au 9 octobre 2018», ajoute l’association. À cela s’ajoute le deuxième groupe du 22 octobre. Groupe qui est aujourd’hui détenu dans un centre d’estivage du ministère de la Jeunesse et des sports à Akerman près de Nador.  .

Comment se déroulent ces refoulements ?
Au commissariat central de Tanger, la journée démarre pour les migrants arrêtés par un «appel» quotidien visant les personnes à refouler durant la journée. Par la suite, des fouilles sont réalisées dans les toilettes, les téléphones confisqués jusqu’à la montée dans l’avion avec les documents d’identité. Les migrants sont transférés de Tanger en avion jusqu’à Casablanca. «Des personnes conduites à l’aéroport Mohammed V tentent de résister pour ne pas être expulsées. Certaines parviennent à stopper la procédure et sont ramenées au commissariat, s », accuse le GADEM. Interrogé par Les Inspirations ÉCO, Driss El Yazami, président du Conseil national des droits de l’Homme dit «ne pas pouvoir donner de garanties sur le respect de la loi 02-03 lors de ces expulsions». Il préfère temporiser et dit «attendre les conclusions d’un rapport que le CNDH prépare sur ce sujet».


Abderrahman Tlemçani
Président du Groupe antiracisme d’accompagnement et de défense des étrangers et migrants (GADEM)

«Il faut préserver le droit des migrants»

Lors des opérations de déplacement ou de refoulement, la loi 02-03 est-elle respectée ?
Absolument pas. Les refoulements se déroulent sans passage chez le juge et sans la présence d’un traducteur. Des migrants se voient obligés de signer un soit-disant document attestant que c’est un retour «volontaire»

Comment avez-vous pu vérifier qu’il n’y a pas de respect de cette procédure ?
Nous avons mené un travail de terrain durant des semaines. Ensuite, nous avons pris contact avec des avocats de Tanger et Tétouan pour nous confirmer l’absence de procédures judiciaires !

Dans ce contexte, quel est l’avenir de la Stratégie nationale d’immigration et d’asile (SNIA) ?
C’est la question que l’on se pose. À l’annonce de la SNIA en 2013, nous étions enthousiastes. Nous avons siégé dans la commission de recours et nous avons contribué à cette stratégie. Aujourd’hui, le gouvernement avance vouloir lutter contre les trafiquants d’êtres humains. Or ceci ne passe pas par l’arrestation d’étudiants ou travailleurs détenteurs d’une carte de séjour. Hélas, ces arrestations sont d’abord basées sur le faciès. 


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