Maroc

Mehdi Tazi: « La démarche de la banque de projets est à dupliquer » (Made in Morocco)

Entretien avec Mehdi Tazi. Vice-président général de la CGEM

Comment les chefs d’entreprise ont-ils accueilli le lancement de la banque de projets ?
Avec beaucoup d’enthousiasme et d’espoir. Il s’agit d’une démarche rassurante car elle précise les besoins du marché en termes de substitution et donne de la visibilité sur les opportunités existantes tout en proposant une démarche structurée par filière. Cette banque de projets constitue également une réponse pragmatique et concrète à la question de la préférence nationale. À titre de rappel, 238 projets d’investissement ont été retenus dans le cadre de celle-ci avec un potentiel de substitution de 15 MMDH et d’autres projets sont en cours.

Que pensez-vous des incitations mises en place pour encourager les entrepreneurs à investir dans ces industries de substitution ?
Nous estimons que les incitations offertes dans le cadre de la banque de projets sont satisfaisantes. Ce projet de relance industrielle arrive avec un package (des mécanismes de financements, dons et dettes, un accompagnement à la formation, une mise à disposition du foncier), ce qui rend l’investissement industriel attractif dans le cadre de celle-ci. Toutefois, pour encourager l’investissement de manière encore plus forte et en dehors de la banque de projets, plusieurs chantiers prioritaires doivent encore être menés.

Quels sont, justement, ces chantiers ?
Tout d’abord, il est important de disposer d’une politique de commerce extérieur claire et assumée avec une déclinaison sectorielle. Le bilan des accords de libre-échange est loin d’être satisfaisant et ne permet pas aux opérateurs nationaux d’en tirer avantage. Ce déséquilibre est dû à de multiples facteurs allant de la faible compétitivité de l’offre exportable marocaine à l’incohérence des politiques commerciales et douanières. Notre doctrine à la CGEM est de protéger l’industrie locale en augmentant les droits de douane sur des produits finis importés lorsqu’il y a une production locale équivalente, sans que ça se fasse au détriment du consommateur, en évitant de taxer les matières premières pour garantir la compétitivité de la production locale. Il est également nécessaire d’agréger les dispositifs. En l’absence d’un guichet unique, le parcours de l’investisseur reste très compliqué et fastidieux. L’expérience que nous vivons actuellement avec la Banque de projets du MICEVN exécutée par la War Room nous démontre qu’il est tout à fait possible d’accélérer l’accompagnement de l’investisseur via un suivi rapproché en mode projet. Des modèles similaires sont pratiqués dans des pays comme Singapour qui est aujourd’hui l’un des pays les plus industrialisés dans le monde. Nous devons aussi mener le chantier de la R&D en instaurant un dispositif d’accompagnement des entreprises à innover pour une meilleure qualité de l’offre intérieure et exportable. À cet effet, des centres techniques sectoriels ou des centres d’excellence avec une exigence élevée en matière d’expertise, à l’instar de l’expérience des pays partenaires, devraient être mis en place. Cela permettra in fine de résorber le déficit commercial avec nos partenaires. D’autres leviers, non moins importants, sont aussi à activer pour encourager davantage l’investissement et relancer notre économie. Je citerai le Small Business Act pour permettre à la TPME d’accéder au financement et à la commande publique, l’innovation en matière d’accompagnement financier des entreprises, l’investissement dans le capital humain, la lutte contre l’informel, l’application des recommandations des Assises de la fiscalité ainsi que la promotion de l’économie verte.

La préférence nationale est-elle appliquée ?
La circulaire du chef de gouvernement adressée à l’ensemble des départements ministériels et donneurs d’ordres publics, en septembre dernier, est venue souligner l’importance d’appliquer ce mécanisme dans ce contexte particulier et nous nous en réjouissons. Toutefois, la mise en œuvre de cette importante mesure de relance requiert un soubassement réglementaire et juridique que les textes en vigueur ne prévoient pas. Le décret n°2-12-349 relatif aux marchés publics n’exige l’application de préférence nationale que pour les collectivités territoriales et les administrations de l’État, alors que la part majeure de la commande publique émane des entreprises et établissements publics (EEP). À ce titre, la CGEM recommande d’exiger les règles de l’article 155 à l’ensemble des donneurs d’ordres publics tels que les EEP, ou d’actualiser des règlements de passation des marchés de ces EEP en généralisant l’application de la préférence nationale à tout type de marché, que ce soit en matière de fournitures, de travaux ou de services.

Qu’en est-il de la promotion de l’investissement dans les régions ?
Parmi les 12 recommandations des premières Assises de la régionalisation avancée figure l’accélération de la mise en œuvre des principes de la charte de déconcentration administrative. Aujourd’hui, nos régions ont besoin de plus de ressources, de compétences et de moyens pour pouvoir répondre à la demande et aux attentes des entreprises et des investisseurs. Les plans de développement régionaux (PDR) constituent une réelle opportunité pour les régions de mieux marketer l’offre territoriale et de la rendre plus attractive, à l’instar de la Région Casablanca-Settat qui constitue aujourd’hui un hub économique par excellence à l’échelle nationale et africaine. Chaque région est désormais chargée de la mise en œuvre du PDR avec une enveloppe budgétaire pour les 12 régions de 400 MMDH. Aujourd’hui, avec la pression budgétaire de l’État et suite aux différentes problématiques soulevées par la crise de la Covid-19 le financement de ces PDR constitue un frein à la réalisation de ces projets structurants. Il est donc urgent d’innover en matière de financement, et de sortir rapidement avec des financements en partenariat public-privé (PPP). En dépit de l’avancée en termes de gouvernance à l’échelle des régions, l’acte d’investir reste aussi conditionné par trois paramètres, à savoir la disponibilité du foncier et de l’infrastructure nécessaire, une fiscalité locale simplifiée et claire pour l’investisseur, ainsi que des moyens de financements adéquats et encourageants (subventions à l’investissement des régions, fonds d’investissement régionaux…)

S.R.


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