Maroc

Médecins privés : la tension monte

Instaurer une nouvelle tarification médicale, revoir la contribution à la CNSS, promulguer un code de la responsabilité médicale, telles sont les principales revendications des médecins libéraux. Pour se faire entendre, le Collectif des médecins libéraux a adressé des correspondances aux ministères de la Santé et de la Justice ainsi qu’à la CNSS, réclamant leur intervention urgente afin de redresser la situation.

Les médecins du secteur privé reviennent à la charge, exprimant leurs craintes quant aux problèmes auxquels le secteur reste confronté. C’est ainsi que le Collectif national des médecins libéraux a adressé  des correspondances diverses détaillant les contraintes auxquelles les cabinets médicaux privés font face.

Une tarification obsolète
Les médecins déplorent principalement la situation financière dégradée des cabinets médicaux. Une baisse des revenus a été constatée ces dernières années, aggravée par une augmentation des coûts de gestion ainsi que par des charges fiscales lourdes et variées. L’imposition de contributions auprès de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), que les médecins libéraux jugent injuste, demeure nettement plus élevée que celle imposée aux autres professions libérales. Autre souci majeur, une tarification de référence désuète. Ils rappellent que cette dernière n’a pas été mise à jour depuis 18 ans, ce qui la rend inadaptée.

«Elle porte préjudice aussi bien au médecin qu’au citoyen, qui est remboursé sur cette base. Dans ce contexte, toute amélioration de l’efficacité de la couverture médicale obligatoire passe nécessairement par une révision urgente de cette tarification, ainsi que par une augmentation de la part de prise en charge des frais médicaux par la CNSS, pour la porter de 70% à 80% voire 90%, notamment après l’intégration de la fonction publique dans ledit régime», précise le collectif.

L’hégémonie de certains investisseurs dans le secteur médical privé, l’apparition de pratiques non éthiques et la prolifération d’une concurrence déloyale constituent d’autres griefs. Les médecins libéraux pointent du doigt l’ouverture désordonnée du secteur privé aux médecins du secteur public, dans un vide législatif manifeste, en attendant la promulgation de lois encadrant le partenariat entre secteurs public et privé. Cette situation profite principalement à certains investisseurs du secteur privé, au détriment des cabinets médicaux déjà accablés par d’importantes charges de gestion et de fiscalité.

Pour le collectif, la pratique médicale dans le secteur privé est en voie de devenir un simple commerce, en raison de la volonté de certains investisseurs de dominer le marché et d’éliminer leurs concurrents. Des pratiques contraires à l’éthique sont apparues, au vu et au su de tous, sans oublier l’émergence d’associations pratiquant la «mise en relation» de patients assurés vers certaines cliniques, sans leur faire supporter leur part de contribution. Ce qui constitue une infraction flagrante à la loi et une concurrence déloyale, nécessitant une intervention urgente du ministère de tutelle.

La responsabilité médicale
Quant à la couverture sociale, le collectif a soumis une plainte à la CNSS, appelant l’administration à procéder à une révision urgente de ces contributions, comme cela a été promis précédemment aux syndicats signataires. Une convention – qui comprend également des mesures incitatives, incluant, entre autres, la prise en charge partielle des frais de couverture médicale – a été évoquée.

Les médecins libéraux ont également attiré l’attention sur une pratique consistant à valider des demandes de prise en charge, et ce, sans procéder à une vérification préalable du numéro d’identification national. Un acte qui ouvre grand la porte à la pratique illégale de la médecine et à une concurrence déloyale. Les revendications ne sont pas limitées au secteur de la santé. Les médecins libéraux ont revendiqué la promulgation d’un Code de la responsabilité médicale auprès du ministère de la Justice.

Ce code, qui encadrerait les pratiques et les responsabilités dans le domaine de la santé, à l’instar de nombreux autres pays, permettrait d’éviter de recourir au Code pénal pour juger les médecins à propos de «complications» survenues lors de l’exercice de leur profession.

«Dans la situation actuelle, marquée par un vide juridique, prouver une erreur médicale requiert des recherches médicales, techniques et juridiques. Le recours à l’interprétation jurisprudentielle et l’évaluation arbitraire des indemnisations peuvent conduire à des jugements sévères ainsi qu’à des montants de réparation qui peuvent surprendre. L’urgence d’aborder ce dossier est d’autant plus manifeste que notre système de santé connaît des changements importants, notamment avec l’établissement de nouvelles lois», dixit le collectif des médecins libéraux, lequel insiste sur la définition des responsabilités et des obligations de chaque partie, ainsi que sur la nécessité de faire la distinction entre une complication, un incident, une erreur médicale et un acte criminel.

La nature et l’ampleur du préjudice devraient aussi être précisées. Une approche qui permettrait d’encadrer le montant des indemnisations et d’éviter les évaluations arbitraires, comme c’est déjà le cas pour les codes régissant les accidents de la route ou du travail.

Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO



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