Maroc

Maroc-Sénégal : comment renforcer un partenariat économique fécond

Ancrées dans l’histoire et consolidées au fil du temps, les relations économiques entre le Maroc et le Sénégal, qui couvrent plusieurs secteurs, sont érigées en modèle de coopération Sud-Sud. Aujourd’hui, de nouvelles opportunités s’offrent aux deux pays pour leur permettre de renforcer ce partenariat.

Le 27 mars 1964, le Maroc et le Sénégal signaient une Convention d’établissement afin de renforcer leurs relations bilatérales. Ce texte, paraphé par les ministres des Affaires étrangères des deux pays à l’époque, Doudou Thiam et Ahmed Réda Guedira, jeta les bases d’une coopération exemplaire qui, au fil du temps, s’est solidifié pour devenir un véritable modèle de coopération Sud-Sud.

Cet accord garantit un statut particulier aux ressortissants des deux pays, notamment en matière d’intégration économique et professionnelle. Elle garantit aussi une facilité de circulation des biens et des personnes et un accès aux emplois publics et privés pour les ressortissants marocains établis au Sénégal et vice-versa.

Dans le cadre du 60e anniversaire de cette convention, la Caisse de dépôt et de gestion (CDG), en partenariat avec le Timbuktu institute-african center for peace basé à Dakar et l’Université internationale de Rabat (UIR), a organisé le 7 avril, à Rabat, un séminaire qui a réuni plusieurs experts universitaires, diplomates, acteurs institutionnels des deux pays.

Placé sous le thème : «Maroc-Sénégal : pour une communauté de destin», cet évènement scientifique a permis de faire le point sur les relations maroco-sénégalaises, notamment dans les domaines culturel, économique, religieux et géopolitique. Après les acquis, place aux perspectives.

L’agroéconomiste sénégalais Cheikh Ahmed Tidiane Sy, président de Guess think tank, a plaidé pour le renforcement de la coopération entre les entreprises du secteur privé des deux pays, particulièrement dans l’industrie aéronautique, les mines, le transport et les énergies, pour mieux faire face aux défis actuels de la mondialisation.

Lors des échanges, Kenza Khalil, secrétaire générale de l’Agence marocaine de développement des investissements et des exportations (AMDIE), et Latifa Echihabi, secrétaire générale de la CDG, ont également insisté sur la nécessité de renforcer cette coopération économique pour mieux se positionner dans la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf).

Des projets communs entre les caisses de dépôt
Et cette dernière de citer, à titre d’exemple, le partenariat entre la filiale de la CDG Ewane, et le ministère sénégalais de la communication, des télécommunications et du numérique, signé le 21 mars 2024, à Dakar, visant à soutenir la plateforme Sénégal connect park dans l’exploitation et la gestion de cette importante infrastructure technologique. Ambition : attirer les géants mondiaux de l’offshoring et promouvoir l’innovation et le développement de services numériques. Rappelons que la CDG et son homologue sénégalais, la Caisse des dépôts et consignations (CDC), ont noué en septembre dernier, à Casablanca, une convention de coopération, dans le cadre du 60e anniversaire de la convention d’établissement.

Paraphée par les directeurs généraux des deux institutions, Khalid Safir et Fadilou Keita, ce partenariat prévoit une coopération dans l’ingénierie civile et les infrastructures, à travers une collaboration entre Novec, filiale de la CDG, et le Consortium africain de conseil et d’organisation (CACO), filiale de la CDC. Objectif : développer des projets d’infrastructures dans les secteurs de l’énergie, de l’eau, de l’agriculture et de l’environnement.

Cet accord englobe aussi un partage d’expertise sur des sujets liés à l’ingénierie financière, au montage de projets et aux meilleures pratiques «pour garantir une efficacité opérationnelle accrue et maximiser l’impact sur les territoires et les entreprises».

La mutualisation des expertises technologiques et numériques figure également dans leur agenda. Une collaboration qui se traduira par des projets conjoints dans les domaines du blockchain, de l’intelligence artificielle (IA) et de la robotique, qui sera pilotée par le LAB digital de la CDG et Synapsys SA de la CDC. Les deux partenaires envisagent en outre la mise en place d’un mécanisme commun pour le cofinancement, le codéveloppement et la gestion de projets stratégiques.

Renforcer les échanges commerciaux
Au cours des cinq dernières années, les échanges commerciaux entre le Maroc et le Sénégal ont connu d’importantes hausses. La valeur des exportations marocaines est passé de 2 milliards de dirhams (MMDH) en 2019 à plus de 3 MMDH en 2023, selon l’Office des changes. En sens inverse, celle des importations du Royaume en provenance de Dakar a atteint 294 millions de dirhams (MDH) en 2023, soit plus que le double des 106 MDH enregistrés quatre ans plutôt.

D’après le Bureau d’information et de communication du gouvernement sénégalais (BIC-Gouv), les principaux produits importés par le Sénégal en provenance du Maroc portaient essentiellement sur les autres huiles lubrifiantes (13%), suivis des sacs d’une largeur à la base de 40cm /plus (12%), et les médicaments (6%). Quant aux exportations sénégalaises, elles concernaient essentiellement les conserves de thons listaos et sardes (53%). Bien qu’ayant emprunté un trend haussier, ces échanges pourraient être renforcées, si l’on sait qu’en 2023 le Sénégal n’était que le cinquième partenaire économique du Maroc derrière l’Egypte, Djibouti, la Côte d’Ivoire et la Tunisie.

Le renforcement de la coopération énergétique, par l’entremise du futur Gazoduc Nigéria-Maroc, renommé Gazoduc Africain Atlantique, qui traversera treize pays africains, dont le Sénégal (devenu producteur de pétrole et de gaz), pourrait constituer un volet stratégique dans les relations futures entre les deux pays et permettre de stimuler cette relation économique.

Grands projets : Dakar veut s’inspirer de Rabat
Les nouvelles hautes autorités sénégalaises, élues en mars 2024, souhaitent s’inspirer du Maroc pour réaliser de grands projets qui figurent dans son référentiel «Sénégal 2050». En attestent les visites de benchmarking effectuées par des ministres sénégalais au Maroc, en août et octobre 2024.

Cette valse diplomatique a démarré le 29 août avec la visite du ministre sénégalais des Infrastructures et des Transports terrestres et aériens, Malick Ndiaye, accompagné du directeur général de la Société nationale de gestion du patrimoine du Train express régional du Sénégal (SENTER), Cheikh Ibrahima Ndiaye, et celui des Chemins de fer du Sénégal (CFS), Ibrahima Ba.

Au menu : une coopération axée notamment sur l’exploitation et la maintenance ferroviaire, dans le cadre de la mise en place d’un réseau de chemin de fer maillant l’ensemble du territoire national, à travers la construction d’une gare ferroviaire dans chaque pôle économique du pays. Des partenariats miniers avec le Groupe OCP sont aussi dans le pipe.

En septembre, une délégation conduite par le ministre sénégalais de l’Industrie et du Commerce, Serigne Gueye Diop, s’était rendue à la mine de Khourigba, à l’Université Mohammed VI polytechnique (UM6P) et à la plateforme industrielle de Jorf Lasfar. Objectif : collaborer avec le géant minier marocain pour mieux valoriser les réserves de phosphate du Sénégal, développer la transformation locale de cette ressource et exploiter des produits dérivés tels que l’uranium, afin de satisfaire les besoins nationaux en engrais et réduire les importations de cet intrant d’ici 2026.

Seynabou Dial
Ambassadrice du Sénégal au Maroc

«Les relations entre le Sénégal et le Maroc remontent à des siècles et sont ancrées dans l’histoire. Elles ont traversé le temps et consacrés, après les indépendances, par la signature de la convention d’établissement. La convention a donné des fruits, puisque sa mise en œuvre a été effective. Aujourd’hui, de nombreux compatriotes qui résident et travaillent au Maroc et qui se sont parfaitement intégrés. Cette convention a amélioré, encadré et structuré l’intégration entre les deux pays dont les secteurs privés doivent renforcer leur partenariat pour matérialiser la volonté des deux chefs d’État qui souhaitent développer davantage la relation bilatérale. Il est important d’élargir le cadre de coopération pour faire mieux faire face aux défis de la globalisation.»

Plusieurs accords pour renforcer la relation économique

Le Maroc et le Sénégal ont noué plusieurs partenariats économiques pour consolider leur relation bilatérale. Sur cette liste, on trouve les accords de coopération économique et commerciale sur la période 2005-2010 pour encourager les investissements marocains au Sénégal dans les secteurs des infrastructures, de l’énergie et de l’agriculture.

Ces conventions ont été signées dans la foulée de la mise en place, en 2004, d’un conseil d’affaires maroco-sénégalais. Aujourd’hui, on note une forte présence des entreprises marocaines sur le territoire sénégalais dans les BTP, les services, l’agroalimentaire, la pharmacie et l’énergie.

En 2013, lors de la visite du Roi Mohammed VI à Dakar, les deux pays ont aussi conclu sept accords dans les domaines, entre autres, de la religion islamique, du tourisme, du transport maritime, de l’investissement et de l’aquaculture.

Trois ans plus tard, en 2016, Rabat et Dakar renforçaient leur coopération dans le domaine de l’énergie (2016) en paraphant des accords sur les énergies renouvelables, qui prévoient une forte coopération dans la production d’énergie solaire et éolienne. Les deux pays figurent aussi parmi les pays fondateurs de la Banque arabe pour le développement en Afrique (BADEA) en 1980, une institution multilatérale de développement.

Elimane Sembene / Les Inspirations ÉCO



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