Maroc/Algérie. Une main tendue sans preneur
Le roi qui ne cesse de militer pour l’ouverture des frontières entre les deux pays vient une nouvelle fois de proposer son aide au peuple algérien, confronté à de terribles incendies. Une main tendue sans preneur. Et c’est bien dommage pour l’économie régionale.
Au moment où nous écrivions ces lignes, deux Canadairs marocains étaient prêts à décoller pour rejoindre les forces algériennes, déployées dans la Kabylie pour lutter contre d’immenses feux de forêt qui ravagent tout sur leur passage dans la région. Il suffit d’un simple «télégramme» de la part des autorités algériennes pour que ce soutien proposé par le roi Mohammed VI se matérialise.
Ce geste, énième tentative marocaine pour le rétablissement des relations entre le Maroc et son voisin immédiat, l’Algérie, vient s’ajouter à une longue liste de mains tendues du royaume. Dans son traditionnel discours à l’occasion de la fête du Trône, le Souverain a consacré une grande partie de son allocation à la nécessité des deux pays à ouvrir un dialogue sans conditions préalables avant de rappeler la notion de fraternité entre les peuples marocain et algérien. «Dans le droit fil de cette approche, nous renouvelons notre invitation sincère à nos frères en Algérie, pour œuvrer de concert et sans conditions à l’établissement de relations bilatérales fondées sur la confiance, le dialogue et le bon voisinage», a notamment insisté Sa Majesté avant de rappeler que «je n’ai eu de cesse, depuis 2008, de clamer haut et fort cette idée et de la réaffirmer à maintes reprises et en diverses occasions».
Des appels qui semblent tomber dans l’oreille d’un sourd. Jusqu’ici, c’est silence radio de l’autre côté de la frontière. Mais curieusement, contrairement à ce qu’on pourrait penser, et ce, malgré des tensions politiques récurrentes entre Rabat et Alger, le business n’a jamais cessé. En 2020, en Afrique, l’Algérie était encore le deuxième partenaire commercial du Maroc. Le volume d’échanges commerciaux entre les deux pays a atteint 5,3 MMDH. Si ce volume représente une petite goutte d’eau dans le gigantisme du flux des importations et exportations marocaines, la nature des produits échangés entre le Maroc et l’Algérie renseigne cependant sur la nature des relations entretenues par les deux États.
Si les Marocains raffolent des dattes, produits chimiques et ouvrages de verres algériens, ils envoient de l’autre côté de la frontière une large gamme de produits allant des engrais au café en passant par l’acier, le fer sans oublier les textiles. Un volume de marchandises important qui transite cependant via des routes de contournement en raison des relations tendues entretenues par les deux pays. Une perte de temps immense qui influence forcément sur le prix des produits échangés. À titre d’exemple, pour expédier des tomates marocaines d’Oujda à Tlemcen en Algérie, il faut passer par une route de 2.000 km.
Or, seuls 60 km séparent les deux villes. Une aberration que dénonce le responsable de l’engagement social à «The Americas, World Economic Forum», Wadia Ait Hamza, pour qui au lieu de se concurrencer ou d’exporter vers l’Europe, les pays de l’Afrique du Nord, le Maroc et l’Algérie en particulier, gagneraient mieux à œuvrer pour une libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux, avec l’ouverture de leurs frontières fermées depuis 1994.
Appelant les pays maghrébins à s’investir dans les formes de collaboration et de coopération afin d’attirer les investisseurs étrangers ainsi que les touristes, la stabilité politique et la sécurité, Ait Hamza souligne dans la foulée que ces derniers sont tenus de voir plus grand. Un discours qui s’aligne parfaitement avec la conviction du Roi du Maroc pour qui la fermeture des frontières heurte un droit naturel et un principe juridique authentique, consacré par les instruments internationaux, notamment le Traité de Marrakech, texte fondateur de l’Union du Maghreb arabe qui prévoit la libre circulation des personnes, des services, des marchandises et des capitaux entre les pays constitutifs de l’espace maghrébin.
Au contraire, la fermeture des frontières ne rompt pas la communication profonde entre les deux peuples. Mais elle nourrit plutôt une fermeture d’esprit, amplifiée par l’influence néfaste des contrevérités relayées par certains médias, telle, celle selon laquelle la pauvreté serait le lot des Marocains dont les moyens de subsistance se résumeraient à la contrebande et au narcotrafic, dira Mohammed VI, qui ne cesse de militer pour mettre un terme à la non-intégration maghrébine qui coûte aux 5 pays de l’Union, à savoir Maroc, Tunisie, Algérie, Libye et Mauritanie. Avec un manque à gagner estimé à 5 points de PIB, le commerce entre les pays du Maghreb représente seulement 4,8% de leur volume commercial global.