Made in Morocco : la plasturgie tient sa vengeance
Face à des intrants dont les prix connaissent une flambée exceptionnelle et à la baisse du pouvoir d’achat des Marocains, le ministère de l’Industrie et du commerce veut intégrer toutes les filières, y compris celle de la plasturgie, tout en évitant au maximum les déséquilibres. Objectif : faire en sorte que la production Made in Morocco bénéficie d’avantages compétitifs plus importants ou ait au moins autant de chance que celle qui est importée.
Loi Zéro Mika, campagnes contre le plastique… Attaqué de toute part, surtout des écologistes, «la durabilité était le «tout sans plastique»». Quelques années après, la donne change. «La durabilité aujourd’hui, c’est le plastique recyclé, et on en a besoin partout».
C’est donc un secteur qu’on a enterré un peu trop tôt. Le développement de notre pays est aujourd’hui fortement dépendant de votre capacité à délivrer toutes les matières dont on a besoin, dans tous les secteurs industriels», souligne Ryad Mezzour, ministre de l’Industrie et du commerce, aux professionnels de la Fédération marocaine de plasturgie (FMP), lors de la 10e édition du Forum-Expo international de plasturgie.
Cette déclaration résume à elle seule la résilience dont ont fait preuve ce secteur et le plastique, un produit tant décrié mais dont on a du mal à se défaire, au bonheur des acteurs du secteur. L’engouement dont bénéficie le secteur de la plasturgie est évident.
«Dans chaque produit pratiquement, et chaque produit fini, il y a une composante qui vient de la plasturgie, si ce n’est pas tout», souligne Mezzour.
Le secteur connaît un développement important, si bien que le ministère de tutelle dit avoir du mal à raccorder les chaînes de valeur entre elles, tant cette industrie est diversifiée. «Comme vous servez tout le monde, on finit par ne plus savoir qui vous servez, à partir de quels intrants et quels ingrédients, pour pouvoir mieux vous accompagner, mieux vous soutenir et mieux diriger les chaînes de valeur», reconnaît le ministre.
Selon l’Office des changes, le Maroc a importé 2,168 MMDH de matières plastiques en avril dernier sous forme de demi-produit. De janvier à avril 2022, nos importations ont grimpé de 46,4% d’une année à l’autre, bondissant de 2,30 MMDH. Entendez par demi-produit, des produits partiellement élaborés à partir de la matière première, appelée à être reconditionnée ultérieurement.
Parmi les raisons de cette hausse de la facture de nos importations de matières plastiques figure la hausse des prix du pétrole. En effet, le plastique est un dérivé du pétrole. Pour obtenir, par exemple, 1 kilo de polyéthylène téréphtalate (PET), le plastique transparent des bouteilles d’eau ou de soda, il faut environ 2 kilos de pétrole. Et dans le contexte actuel où le cours du pétrole est à la hausse, celui du plastique grimpe également.
Un stock important de plastique peu exploité
Face à l’importance des enjeux, à la fois économiques, écologiques, environnementaux, la tutelle veut encourager davantage les acteurs du secteur à transformer localement le stock important de plastique qui pollue notre environnement. Des audits de déchets menés par l’association Zéro Zbel sur les plages, en montagne et dans le désert sur plus de 50.000 unités de déchets collectées et caractérisées, ont montré que les déchets plastiques sont systématiquement la catégorie la plus présente (en moyenne 74%).
Dans Les Inspirations ÉCO n°3133 du vendredi 1er juillet 2022, nous soulignions un regain d’intérêt pour les déchets valorisables à travers un ensemble de mesures, notamment l’exigence d’autorisation pour désormais exporter les déchets valorisables. Pour ce faire, la tutelle veut plus de lisibilité et de précision.
«On a besoin de travailler de manière plus précise. Le plastique étant un mot générique relatif à énormément de produits et intrants, il est aujourd’hui temps qu’on développe, pas un seul, mais plusieurs écosystèmes dans plusieurs filières. Et à plusieurs étages de transformation», a annoncé le ministre de l’Industrie.
Mais le Maroc n’a pas la matière première dont sont issus les nombreux produits dérivés. Comme indiqué plus haut, le plastique est un dérivé du pétrole.
Dans le contexte actuel où le cours du pétrole est à la hausse, pourquoi ne pas tirer profit de la matière secondaire issue du recyclage. Selon l’association Zéro Zbel sur les plages, le plastique représente 10% de nos déchets ménagers au Maroc, soit une quantité d’environ 690.000 tonnes par an. Il est aussi très présent dans les déchets issus de l’industrie (granulés, déchets d’emballage industriel…) et du secteur agricole. Seulement une partie minime est recyclée. Les déchets plastiques de toutes sortes sont les déchets les plus visibles dans les campagnes et les divers espaces naturels au Maroc.
Allant dans la même logique, Ryad Mezzour rappelle la position des acteurs du recyclage. «Nos amis du recyclage disent qu’on a beaucoup de matière secondaire, qu’on ne gère pas forcément bien et qu’on ne récupère pas forcément de la meilleure des façons. Et les dizaines de milliers de récupérateurs ne sont pas aussi traités de la meilleure des façons qui soient.
Il y a une organisation qui a démarrée, mais qui doit se structurer de manière intelligente, dans l’inclusion, avec un travail de tous et une mobilisation de tous. Pour que ces récupérateurs aient des conditions de vie acceptables, et qu’ils bénéficient de toutes les protections sociales ou environnementales.
C’est un enjeux extrêmement important au moment où l’on se penche sur la traçabilité de cette matière, et les enjeux sociaux et environnementaux relatifs à cette matière et les produits finis qui en découlent. Il faut qu’on se mette à la transformation».
Créer un maximum de valeur
Pour le ministre, l’enjeu consiste à transformer le plastique recyclé au bon endroit en tenant compte des règles. Pour le faire, «il va falloir orienter cette matière de manière à créer de la valeur au Maroc. Mais aussi, travailler pour qu’il y ait des étapes supplémentaires de valorisation avant de sortir cette matière de notre territoire», souligne Mezzour, qui propose aux professionnels de la plasturgie l’aide de la tutelle sur le volet réglementaire, sachant que «ces règles sont partiellement contournées par certains» opérateurs.
«On peut travailler de manière plus intelligente pour que le circuit soit plus fluide et s’oriente de manière naturelle, avec des avantages pour tous, en déconnectant probablement quelques intermédiaires pour que la chaîne fonctionne un peu mieux, et que cette matière première soit valorisée dans notre pays».
Raccorder les chaînes de valeur
Le deuxième enjeu est de raccorder les chaînes de valeur, « intégrer toutes les filières sans qu’il y ait des distorsions » et gérer les intrants de la manière « la plus intelligente qui soit ». Le Maroc a déjà travaillé sur des filières exportatrices comme l’automobile, l’aéronautique, en intégrant au fur et à mesure des écosystèmes.
A cela s’ajoutent des filières historiques qui sont en train de créer des transformations supplémentaires et de s’intégrer. Dans la plasturgie, par exemple, le ministre de l’industrie indique que son département travaille aujourd’hui sur «plus de 65 projets, qui vont encore créer quelque 5.000 emplois directs et 15.000 emplois indirects», soulignant qu’en réalité, le potentiel est «10 fois plus important».
Modeste Kouamé / Les Inspirations ÉCO