Lois organiques : Obstacles à la pelle pour les pétitions
Les deux nouveaux textes, fixant les conditions et les modalités d’exercice du droit de présenter des pétitions aux pouvoirs publics, ainsi que des motions en matière législative, viennent d’être publiés au Bulletin officiel. Un grand pas pour la concrétisation des ambitions de la Constitution de 2011 qui doit toutefois faire face à des obstacles considérables qui risquent d’en réduire considérablement les effets.
La montagne aurait-elle accouché d’une souris, concernant l’affaire des lois organiques sur le droit de pétitions et de motions législatives ? Plusieurs voix s’élèvent auprès de la société civile et du monde académique pour exprimer leur déception, quant au contenu de ces deux textes promulgués le 18 août dernier au Bulletin officiel. «L’un des défis de la Constitution de 2011 était de permettre de passer le cap de la démocratie représentative pour aller vers une vraie démocratie participative grâce à l’intégration de la capacité de présenter des pétitions et des motions directement de la part des citoyens», commente un professeur de droit.
C’est dans cette optique que la loi fondamentale a prévu la mise en place d’une loi organique réglementant le droit de pétitions et de présentation de motions en matière législative. Les nouveaux textes, récemment entrés en vigueur, semblent toutefois imposer un certain nombre de conditions qui risquent de limiter l’impact de ces deux nouveaux outils. D’abord, le droit de présenter des pétitions ou des motions est réservé aux seuls citoyens inscrits aux listes électorales. Une condition qui avait été critiquée par le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) dans le cadre de ses recommandations présentées au Conseil constitutionnel en début 2016.
Ce dernier a d’ailleurs rejeté la plupart de ces exceptions maintenant un texte quasi-identique pour la promulgation. Ainsi, le texte maintient un seuil minimal de signatures, jugé difficile à atteindre selon le CNDH. Il est de 5.000 signatures pour le cas des pétitions et de 25.000 pour celui des motions. À noter que les signataires ne doivent pas forcément être inscrits aux listes électorales. Un simple numéro de CIN suffit pour donner son accord à une motion ou pétition. Malheureusement, le texte ne prend pas en compte le cas des pétitions électroniques. Il est encore difficile aujourd’hui de prouver son identité sur le net malgré la mise en place de l’infrastructure nécessaire pour la démocratisation des signatures électroniques (Barid Al-Maghrib a obtenu, depuis quelques années, l’agrément de l’ANRT pour la commercialisation de ce genre de technologies, notamment auprès des entreprises).
En attendant, il faudra donc également compter sur un obstacle administratif, contenu dans les différents documents à réunir, avant de faire parvenir ces motions ou pétitions aux organes habilités. Il s’agit en l’occurrence d’une commission rattachée au chef de gouvernement et de bureaux ad hoc, créée au sein des deux Chambres du Parlement, chargée de recueillir les pétitions. L’organisation et le fonctionnement de ces organes sera fixé par voie réglementaire pour le cas de la commission et via le statut des Chambres pour le cas des comités rattachés au Parlement. À noter que les voies de recours sont inexistantes, surtout dans le cas des motions législatives, où le texte stipule expressément dans son article 10 «qu’aucun recours n’est admis».
Pour le cas des pétitions, aucune mention n’est faite quant aux voies de recours, ce qui laisse la voie ouverte pour une annulation devant les tribunaux administratifs. Précisons que les deux textes intègrent des dispositions relatives à la protection des données personnelles des rédacteurs et signataires de ces motions ou pétitions.
Champs d’application
Les textes adoptés interdisent le recours à ces deux outils pour des contenus spécifiques relatifs à la stabilité politique et sécuritaire du pays. C’est le cas des questions portant atteinte aux piliers de la nation, notamment, les questions religieuses, de régime politique ou de questions de souveraineté territoriale. Les textes interdisent également le recours aux pétitions et motions pour les questions touchant la sécurité nationale du pays tant sur le plan territorial qu’étranger ou pour les affaires en cours de traitement devant la justice ou les commissions d’enquête parlementaires. «Les motions et pétitions doivent viser l’intérêt général et être rédigées de manière claire», précise les deux textes.