Maroc

Loi organique sur la grève. Abdellatif Komat : “Ce nouveau projet va dans le sens de l’équilibre”

L’adoption du projet de loi sur le droit de grève par la Chambre des représentants marque une avancée attendue depuis 60 ans. Pour Abdellatif Komat, doyen de la Faculté des sciences économiques, sociales et juridiques de Casablanca, ce texte, qui vise un équilibre entre droits des travailleurs, continuité économique et service public, suscite espoir et débat. Selon lui , son passage à la Chambre des conseillers incarne une étape cruciale pour consolider la démocratie participative et répondre aux impératifs économiques et sociaux du Maroc, tout en renforçant l’attractivité du pays pour les investisseurs.

Que vous inspire l’adoption du projet de loi sur le droit de grève par la Chambre des représentants  ?
C’est un nouveau projet qui va dans le sens se l’équilibre. Ce projet est attendu depuis 60 ans, et nous sommes dans une dynamique qui doit lui permettre d’aboutir. La deuxième dimension est économique. Elle appelle à préserver la continuité de l’activité tout en respectant le droit des travailleurs. La troisième dimension est sociale, portant notamment sur la continuité du service, pour le bien des citoyens.

Sur l’ensemble de ces trois volets, les choses sont bien avancées. Après l’adoption, et malgré les amendements, nous allons vers un équilibre qui permet de prendre en considération les dimensions tant économique que sociale tout en préservant l’intérêt du citoyen.

Finalement, lequel est le mieux protégé, le droit des employeurs ou celui des travailleurs ?
On cherche un moyen de ne pas interdire la grève, tout en permettant de protéger la continuité du travail. Ainsi, on évitera aux entreprises de ne pas être obligées de se tourner vers des travailleurs intérimaires et autres stagiaires, dans le seul but d’empêcher la grève de se dérouler chez elles.

Concernant les peines privatives de liberté et la suppression des sanctions pénales, elles vont dans le sens de la liberté syndicale. Il s’agit d’une disposition qui figurait déjà dans l’ancien texte et là, les choses vont dans le sens où elles empêchent d’aller vers des sanctions sévères et de procéder à des licenciements abusifs. C’est un satisfécit pour les syndicats qui le réclamaient depuis longtemps.

À présent, le projet est à la Chambre des conseillers. Pensez-vous que des retouches, voire des blocages, y sont possibles ?
C’est une étape cruciale, surtout que la Chambre des conseillers comprend à la fois les syndicats et le patronat. Donc, la discussion doit prendre une dimension professionnelle. Mais c’est cela aussi la logique de la démocratie participative. Même s’il y a des amendements à prévoir, ce sera dans le sens d’un débat responsable, avec une prise de conscience partagée pour ce qui est de la nécessité de faire aboutir ce projet.

Cela, à l’heure où il faut accélérer dans la réalisation des chantiers comme la nouvelle Charte de l’investissements et l’implémentation du Nouveau modèle de développement. Si l’on respecte la logique du respect des intérêts nationaux et de chaque partie, cela ne fera que fédérer davantage les parties prenantes autour de ce projet.

Donc, ce projet de loi organique est d’une importance majeure pour la visibilité des investissements…
Effectivement, car l’investisseur a besoin de visibilité et de savoir ce qu’il faut prévoir en termes de calendrier social. Il y va de l’intérêt de l’entreprise et des travailleurs, en réalité. Donc, cette loi va davantage rassurer les investisseurs que le Maroc continue d’attirer.

L’économique et le social vont de pair et cela rejoint la vision royale consistant à faire évoluer le Maroc en parallèle sur les dimensions tant économique que sociale. Cela va aider à faire évoluer et accélérer le cadre réglementaire du travail, afin de permettre au pays d’atteindre ses objectifs.

D’ici quelques années, nous serons appelés à organiser de grands événements, notamment la Coupe du monde de football en 2030. Tout ce dispositif va permettre à l’entreprise d’avoir de la visibilité et de contribuer à atteindre les objectifs d’amélioration du climat des affaires tout en relevant l’ensemble des défis qui se posent à notre économie.

Chambre des conseillers : des débats âpres en perspective

Le projet a été adopté par la Chambre des représentants mais il appartient désormais à celle des conseillers de donner son feu vert. Et sur place, les débats s’annoncent âpres. Déjà, lors de son passage à la chambre basse, des divergences sont apparues. Si les groupes de la majorité ont salué l’approche participative et l’esprit de compromis qui ont marqué le processus d’élaboration de ce texte, les groupes de l’opposition ont relevé que «ce projet de loi n’a pas répondu aux attentes».

Malgré tout, tous se félicitent de l’approche participative adoptée par le gouvernement lors de son examen, notamment à partir des séances de dialogue social avec les syndicats et divers acteurs politiques.

Pour sa part, Younes Sekkouri, ministre de l’Inclusion économique, de la Petite entreprise, de l’Emploi et des Compétences, se veut rassurant, estimant que le projet de loi sera développé et amélioré, en ce qui concerne les sanctions, pour le rendre plus équilibré.

Abdellah Benahmed / Les Inspirations ÉCO



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