Maroc

L’euro/dollar à parité : la facture pour le Maroc

Un euro s’échangeait contre un dollar hier mardi 12 juillet. C’est la première fois, depuis la mise en circulation de la devise européenne il y a vingt ans. Cette appréciation du dollar qui s’inscrit dans la durée selon les analystes, met sous pression le Budget et les réserves de change, la cotation du dirham étant indexée à 60% à l’euro et 40% au dollar. Au ministère des Finances et à Bank Al-Maghrib, on sort la calculette.  

Pour la première fois en vingt ans, c’est-à-dire depuis sa mise en circulation, l’euro est tombé mardi 12 juillet à un dollar, une parité symbolique qui n’inquiète pas seulement les opérateurs économiques en Europe, mais également les entreprises marocaines et les autorités monétaires. Cela tient au poids de la devise européenne dans le panier de cotation du dirham (60%).

Ses mouvements sur le marché, qui sont particulièrement suivis par les entreprises, inquiètent pour leurs marges ainsi que les pressions inflationnistes résultant de l’appréciation du dollar dont la pondération est de 40% dans le panier de cotation du dirham peut embraser une facture énergétique qui devrait battre tous les records cette année. Mardi 12 juillet à la mi-journée, 1 euro valait 10,29548 dirhams sur le marché spot et 1 dollar s’échangeait contre 10,2745 dirhams, soit une hausse de 0,78%.

Si l’appréciation du billet vert se poursuit comme le prévoient la plupart des analystes des marchés de change, le Maroc peut redouter une explosion de sa facture énergétique. À fin mai, celle-ci culminait déjà à 116 milliards de dirhams alors que les prévisions sur l’année pleine sont de 123 milliards (source : Bank Al-Maghrib). Autant dire que ces projections risquent d’être pulvérisées malgré une première détente observée ces derniers jours sur les cours du pétrole brut car la guerre en Ukraine et le débranchement du tuyau du gaz russe dans plusieurs pays européens exercent une pression sans précédent sur les marchés.

Pour faire fonctionner son industrie, le Maroc importe non seulement des produits pétroliers finis en milliards de DH, mais aussi du charbon, du gaz et beaucoup d’intrants payés en dollar. Aux Finances, au ministère du Budget et au quartier général de Bank Al-Maghrib à Hay Ryad à Rabat, on scrute la courbe d’évolution de la devise américaine avec calculette en mains. Pour le gouvernement, chaque appréciation du billet vert sur le marché de change signifie de l’argent en plus à affecter à la subvention du gaz butane domestique.

Actuellement, sur chaque bouteille de 12 Kg (la plus utilisée en ville) vendue 40 dirhams à l’épicerie, le Budget de l’Etat supporte un peu plus de 100 dirhams contre 70 il y a un an. Par ailleurs, avec un dollar fort entretenant la hausse des matières premières, le gouvernement peut s’attendre à faire face à des revendications sectorielles, comme celles des routiers qui sont écrasés par les charges du gasoil.

Pour l’instant, il a réussi à les calmer en débloquant une aide directe qui a coûté 2 milliards de DH. Un effort financé par des dizaines de milliards de DH de plus-values de recettes douanières sur les importations des produits pétroliers dont l’assiette de calcul suit la courbe de la hausse des cours internationaux.

Le gouvernement peut également compter sur des économies réalisées sur le service de la dette libellée en dollars (1/3 de l’encours) et les excédents en devises que rapportent les exportations des phosphates dérivés vers la zone dollar en Asie et aux Etats-Unis. Plus le dollar s’apprécie, plus l’OCP va engranger des recettes dont l’ampleur dépendra de la stratégie de couverture du risque de change du groupe.

Ce qui est certain, c’est que le dollar va continuer à gagner du terrain face à l’euro mais aussi face aux monnaies à économies «vulnérables face au risque énergétique», prédisent les analystes. Son statut de valeur refuge en période de soubresauts géostratégiques poussent actuellement les investisseurs à acheter massivement le billet vert pour «se mettre à l’abri».

En mars dernier, soit quelques semaines après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’euro valait autour de 1,2 dollar. Au total, la monnaie européenne a perdu 13,2% sur un an. Cette dépréciation de l’euro inquiète les marchés et les investisseurs car ils redoutent une crise énergétique majeure en Europe malgré les assurances des gouvernements.

Pour BAM, tout va flamber

Depuis son Conseil tenu le 21 juin dernier, la Banque centrale se prépare au scénario de la poursuite de la surchauffe des marchés des matières premières. Ses experts l’ont intégré dans les estimations de l’inflation. Les restrictions sur les exportations russes et la reprise de la demande émanant de la Chine accentuent la flambée des prix des produits énergétiques et alimentaires.

Le cours du baril du Brent (le pétrole de référence de la mer du Nord) devrait ressortir à 107 dollars en moyenne sur l’ensemble de l’année, avant de revenir à 93,9 dollars en 2023. Ceux du charbon et du gaz naturel devraient marquer de nouvelles augmentations de 127,1% et 111%, respectivement, puis accuseraient des baisses de 29,3% et 26,5% en 2023.

Pour les produits alimentaires, les cours termineraient l’année avec une progression moyenne de 34,3% et reculeraient de 9,2% en 2023. S’agissant du phosphate et de ses dérivés, leurs prix continueraient d’évoluer sur des cours de 175 dollars cette année et de 160 dollars/tonne en 2023 pour le phosphate brut et de 900 dollars/tonne, puis 800 dollars pour le DAP.

Les importations s’accroîtraient de 24,2% en 2022, une hausse entraînée par l’alourdissement de la facture énergétique qui atteindrait 122,4 milliards de dirhams, avec l’augmentation prévue des acquisitions des produits bruts et des demi-produits.

En parallèle, les exportations s’amélioreraient de 22% en 2022 et de 0,8% en 2023, portées principalement par les ventes de phosphate et dérivés et du secteur automobile qui s’établiraient respectivement à 102,7 milliards et 114,7 milliards de dirhams en 2023.

Sous l’hypothèse notamment de la concrétisation des financements extérieurs prévisionnels du Trésor, les avoirs officiels de réserve se situeraient à 342,5 milliards de dirhams à fin 2022 et à 346,4 milliards à fin 2023, assurant ainsi une couverture autour de 6 mois d’importations de biens et services.

Abashi Shamamba / Les Inspirations ÉCO


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