Les syndicats veillent au grain
La réforme du statut général de la fonction publique risque de se heurter à la résistance des syndicats qui appréhendent cette refonte. Sceptiques, les partenaires sociaux appellent à inscrire ce dossier au menu du dialogue social. La réforme de ce texte qui date de 1958 s’impose.
Le gouvernement compte revoir, de fond en comble, le statut général de la fonction publique qui remonte aux premières années de l’indépendance. Les quelques modifications introduites au texte, au fil des années, ont porté sur des domaines spécifiques et sont, par conséquent, insuffisantes. Il est grand temps de mettre fin aux mesurettes sans impact concret sur le système de la fonction publique. Néanmoins, la réforme risque de se heurter à la réticence des syndicats qui affichent leur scepticisme. Les syndicalistes craignent de cantonner l’administration publique à un rôle purement régulateur et de mettre en place un système qui ne garantit pas la stabilité professionnelle des fonctionnaires sous prétexte de faire valoir la mobilité, le rendement et la contractualisation. Abderrahim El Handouf, responsable syndical à l’Union marocaine du travail (UMT), n’y va pas avec le dos de la cuillère accusant le gouvernement de vouloir revenir sur les acquis des salariés en brandissant cette réforme du statut général de la fonction publique. «Au lieu de s’attaquer aux véritables lacunes, on s’attend à ce que la réforme annoncée par le gouvernement soit faite au détriment des fonctionnaires à l’instar de ce qui s’est passé pour d’autres dossiers», dit-il aux Inspirations ÉCO.
Appel au dialogue
Les partenaires sociaux espèrent négocier la réforme dans le cadre du dialogue social pour pouvoir accorder leurs violons autour des points-clés. Le parlementaire de la Confédération démocratique du travail (CDT), Mbarek Sadi, estime que le gouvernement ne doit pas prendre des mesures unilatérales, car il s’agit d’un texte qui touche directement les salariés. L’espoir des partenaires sociaux est de pouvoir mettre fin aux grandes disparités des rémunérations non seulement entre les différents départements et administrations publics, mais aussi entre les catégories de fonctionnaires. «On aspire à une véritable justice salariale entre les fonctionnaires», tient à souligner le conseiller de la CDT. Il faut dire que le système actuel de rémunération n’est pas équitable. Les fonctionnaires de certaines administrations sont plus privilégiés que les autres, alors que la rémunération devra être fixée en fonction du niveau de qualification, de la nature des responsabilités, de la complexité de l’emploi et l’effort réellement fourni par le fonctionnaire. Le gouvernement va-t-il se mettre à la table des négociations avec les centrales syndicales autour de ce dossier épineux ? En tout cas, les premières concertations à distance sont déjà lancées. Le ministère de la Réforme de l’administration et de la fonction publique vient de lancer un forum numérique dédié aux fonctionnaires pour entreprendre une large concertation sur les dysfonctionnements et la vision de réforme. Les syndicats sont aussi appelés à envoyer leur mémorandum au gouvernement pour pouvoir entamer la refonte du statut général de la fonction publique afin d’y introduire la formation continue, l’évaluation des fonctionnaires, la gestion prévisionnelle des compétences…Les résultats du sondage devront être discutés lors d’une rencontre prévue le mois prochain sur la réforme de la haute fonction. Une méthodologie pointée du doigt par certains syndicalistes qui appellent à des réunions formelles et directes avec les syndicats pour discuter tous les points ayant trait à la refonte du statut général de la fonction publique.
Une vision déjà arrêtée
Une vision est déjà élaborée par l’ancien Exécutif. Elle est basée sur deux axes : institutionnel et managérial. La fonction publique devra être soumise à des principes généraux solennels régissant son déploiement et son fonctionnement en définissant notamment les critères de qualité du travail et les conditions pour garder l’unité de la fonction publique pour éviter, d’une part, de créer des sources d’inquiétude et de revendications et, d’autre part, pour faciliter la gestion. À cela s’ajoute la nécessité de préciser le degré d’homogénéité statutaire ainsi que les impératifs de la concentration et de la déconcentration. Sur le volet managérial, la réforme devra combler les lacunes du texte actuel relatives aux aspects de management du travail et des ressources humaines au niveau de la fonction publique. Par ailleurs, la réforme des rémunérations est parmi les points les plus importants. Il s’avère nécessaire de réviser l’environnement juridique régissant l’organisation actuelle de la fonction publique. Nombre de principes sont à intégrer au nouveau statut: une rémunération de l’emploi effectivement occupé, une prise en compte de la performance, du mérite et des enjeux de motivation individuels, le renforcement de l’équité et de la transparence ainsi que le rétablissement du sens et de la prééminence du salaire dans la rémunération des fonctionnaires civils. Le nouveau système de rémunération devra se baser sur la méritocratie et permettre une individualisation des rémunérations dont le pilotage devra nécessairement être décentralisé.