Maroc

Les limites de la discrimination positive

Pour provoquer le changement, il faut aller au-delà des quotas pour instituer la parité tant escomptée. Une étude menée en 2017 montre les limites des mécanismes de promotion de la participation politique des femmes. Il est temps de réfléchir sur un nouveau mécanisme innovant et surtout contraignant.

La promotion de la représentativité politique des femmes demeure un vœu pieux. Difficile de briser le plafond de verre et d’atteindre la parité tant escomptée. Le système de quotas a certes permis aux femmes d’accéder aux instances élues après une longue période de vide absolu. Mais, il a montré ses limites et il est grand temps de franchir un nouveau palier. Un constat confirmé encore une fois par une étude de terrain portant sur «L’évaluation des mécanismes de promotion de la représentation politique des femmes au Maroc», menée entre février et octobre 2017 par l’association Joussour -Forum des femmes marocaines en partenariat avec la Fondation Friedrich Ebert et dont les résultats viennent d’être rendus publics, le jeudi 5 avril. Il en ressort que, toutes les mesures prises, jusque-là, n’ont pas donné les résultats tant espérés, particulièrement celui d’atteindre le seuil de 30%, à l’exception des élections régionales. Les militantes de l’association Joussour comptent prendre leur bâton de pèlerin pour aller prêcher la bonne parole auprès de tous les acteurs concernés en cette année 2018, dans la perspective de mettre en place un mécanisme contraignant visant à atteindre, enfin, la parité escomptée à partir des législatives de 2021.

La mobilisation s’impose pour mettre fin aux obstacles qui empêchent les femmes de percer aux élections. Plusieurs freins sont pointés du doigt par l’étude, à commencer par le système électoral. Certes, le scrutin proportionnel est généralement plus favorable aux femmes. Mais, il peut être également un obstacle lorsqu’il s’agit de circonscriptions réduites. Le maintien du seuil de 35.000 habitants exclut de facto les femmes des communes rurales dont la quasi-totalité n’atteint pas ce seuil. Il est, ainsi, recommandé de réduire ce seuil dans les circonscriptions où les élections se font au scrutin uninominal et s’assurer de l’équilibre démographique entre l’effectif de la population et le nombre de sièges. Peu de femmes arrivent à être élues sans les mécanismes de discrimination positive. Seules 10 femmes ont été élues dans les circonscriptions locales aux dernières législatives et 203 femmes dans les élections communales sans quota. Il est certain que les mesures de discrimination positive boostent la représentation politique des femmes. Néanmoins, elles favorisent les femmes peu engagées dans la politique, ou sans aucune formation. Une grande responsabilité incombe aux partis politiques -principaux acteurs de l’égalité en matière de représentation politique- pour favoriser la participation politique des femmes. Les formations partisanes sont pointées du doigt par l’étude, car elles fournissent peu d’effort pour promouvoir la présence politique féminine dans les instances élues. Le recours à des quotas ou à des sièges réservés aux femmes les décharge de leurs responsabilités démocratiques envers les femmes. Pis encore, les partis politiques instaurent une compétitivité femme-femme au lieu de créer une véritable dynamique. Sur le volet du financement, il s’avère aujourd’hui, on ne peut plus, nécessaire de mener une étude approfondie sur les dépenses des partis politiques pour les campagnes électorales des femmes. L’argent est en effet le nerf de la guerre électorale, alors que c’est le parent pauvre des campagnes électorales des candidates aux élections.

La formation est aussi un élément clé. Cette mission incombe, en premier lieu, aux partis politiques qui la délèguent, bien souvent, aux sections de femmes ou aux ONG sans moyens financiers. L’étude salue le rôle de la société civile ainsi que l’importance du réseautage qui est un levier d’amélioration de la représentativité des femmes en politique régionale et locale. On assiste aujourd’hui à une maturation et une disposition plus forte des femmes élues locales à s’engager pour la création du réseau national. Les médias ont aussi un grand rôle à jouer dans la promotion de l’égalité des chances. À l’heure actuelle, la présence des femmes dans les médias concerne plutôt les membres du gouvernement et les parlementaires, alors que les élues locales sont très peu médiatisées bien qu’elles soient les plus proches de la population. Pourtant, les médias peuvent pallier le financement qui manque aux femmes candidates en leur donnant plus de visibilité. Par ailleurs, la mise en œuvre de la Constitution est vertement critiquée. L’étude précise que le législateur est ambitieux, mais le juge constitutionnel reste timide, comme en témoignent quelques arrêts de la Cour constitutionnelle. Le juge a en effet une large interprétation et peut s’opposer à la parité.

La temporalité de la production des textes législatifs et réglementaires, régissant les élections, est aussi soulevée comme un frein majeur à la représentation politique des femmes. À cet égard, le CNDH recommande l’adoption des lois régissant les éléments fondamentaux du droit électoral six mois au moins avant l’échéance électorale. À cela, s’ajoutent les mécanismes de promotion de la participation politique des femmes qui ne sont pas obligatoires. Aucune mesure coercitive n’accompagne les lois organiques, et aucun organe institutionnel n’existe pour superviser l’applicabilité des législations. C’est d’ailleurs, l’un des rôles que devrait assumer l’APALD (Autorité pour la parité et la lutte contre toutes formes de discrimination). Multiples sont les recommandations de l’étude. Il s’agit, entre autres, de la nécessité de préserver les acquis, de créer un mouvement national unifié et progressiste et d’instaurer la parité. L’élaboration d’une loi-cadre visant la promotion de la parité dans toutes les dimensions est l’une des pistes proposées. La parité pourrait être atteinte grâce à l’alternance femme/homme dans les listes électorales des Conseils régionaux, préfectoraux et provinciaux et des Conseils des communes soumises au scrutin de liste. De meilleurs résultats auraient pu être atteints lors des dernières échéances électorales si les mécanismes de discrimination positive avaient été accompagnés de mesures coercitives ou renforcés par d’autres mesures telles que les listes alternées. 


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