Le Maroc peut mieux faire
Insuffisance des ressources humaines, budget sectoriel dérisoire, manque de convergence entre les différents départements, difficultés linguistiques…Autant de contraintes à surmonter par le Maroc pour promouvoir la recherche scientifique qui peine à décoller alors que son développement est un enjeu majeur. Il faut aussi miser sur l’amélioration du système d’évaluation du secteur en tant que catalyseur de développement de la recherche.
Le Maroc qui aspire à atteindre l’émergence économique est appelé à donner un véritable coup de fouet à la recherche scientifique ; un secteur qui joue un rôle fondamental dans le développement des nations. Or, jusque-là, les résultats ne sont pas à la hauteur des aspirations. Le secteur pâtit, en effet, de bon nombre de problématiques comme l’insuffisance des ressources aussi bien humaines que financières ainsi que du manque de convergence entre les politiques de recherche scientifique menées par les différents départements.
Le professeur universitaire Abdelhafid Debbarh estime nécessaire de mettre en place un dispositif national convergent en matière d’évaluation de la performance de la recherche scientifique. «Il faut une certaine convergence entre les différentes structures pour mettre en place un dispositif national standardisé convergeant basé sur l’évaluation scientifique qui nécessite une productivité, une efficience et une motivation en matière de recherches», précise-t-il. L’ouverture sur de nouveaux horizons s’impose à travers le renforcement de l’apprentissage de l’anglais ; la langue de prédilection de la recherche scientifique sur le plan international. Les pouvoirs publics doivent travailler sur plusieurs volets, à commencer par les ressources financières. Il faut dire que le Maroc ne peut atteindre le niveau souhaité sans augmentation du budget dédié à la recherche scientifique qui reste, pour le moment, on ne peut plus dérisoire. Le montant alloué par le ministère de tutelle au programme de la recherche scientifique et technique (environ 181 MDH) ne dépasse pas 1,69% du budget total du département de l’enseignement supérieur à l’heure où l’université devra être la structure la plus appropriée pour porter le flambeau de la recherche scientifique au Maroc. Il s’agit, certes, d’une augmentation de 6,56% par rapport à 2017 mais de grands efforts doivent encore être déployés sur le plan financier.
Le Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique avait déjà tiré la sonnette d’alarme dans la vision stratégique de la réforme 2015/2030 plaidant pour l’augmentation progressive de la part du PIB affectée au financement de la recherche scientifique pour atteindre 1% à court terme, 1,5% en 2025 et 2% en 2030, tout en s’orientant vers la diversification des sources de financement dans les établissements de l’enseignement supérieur ciblant essentiellement la recherche-action. Le conseil recommande aussi la mise en place d’incitations fiscales pour les entreprises qui initient et pilotent des recherches ayant des retombées économiques ou sociales pour la nation ainsi que le renforcement du fonds national de soutien à la recherche, financé par l’État, le secteur privé et la coopération internationale. Des efforts ont été déployés par l’Exécutif en la matière. Néanmoins, les actions entreprises restent timides par rapport aux besoins et ambitions économiques du Maroc même si la volonté est affichée par le gouvernement pour promouvoir le secteur. L’heure est à la mobilisation pour repenser les objectifs fixés ainsi que la méthodologie menée au Maroc par les différentes structures. Outre le volet financier, la promotion du secteur passe par l’étape cruciale de l’évaluation qui constitue un enjeu fondamental. Le Maroc doit s’inspirer des expériences internationales les plus réussies pour perfectionner son évaluation et être en phase avec les standards internationaux. Le CSEFRS est conscient de ce défi et de l’importance de la recherche scientifique dans le développement des pays et convaincu du rôle que doit jouer l’évaluation dans l’amélioration du système universitaire national et la production scientifique du Maroc, comme le souligne son président Omar Azziman.
À ce titre, le conseil a organisé un colloque international sur «l’évaluation de la recherche scientifique : enjeux, méthodes et instruments». L’objectif est de pouvoir concevoir les outils et les instruments appropriés pour conduire l’évaluation de la recherche scientifique en vue de faire des recommandations pour hisser le niveau de la recherche nationale, accroître son efficacité et augmenter son impact socio-économique. Le Maroc a aujourd’hui plus que jamais fortement besoin d’améliorer l’évaluation de la recherche scientifique. Des évaluations ont été déjà entreprises durant la décennie 2000. La première, rappelons-le, a été axée sur les sciences et les technologies en 2003. Quant à la seconde, menée en 2009, elle a fait un focus sur le recherche en sciences humaines. Un programme d’urgence a été élaboré et mis en œuvre pour la période 2009/2012 visant le renforcement des universités nationales en matière d’infrastructures et moyens en vue de faire face aux défis de massification, d’amélioration du rendement, de l’employabilité des lauréats et de valorisation de la recherche scientifique…Des contrats-programmes ont été signés entre les universités marocaines et le CNRST mais force est de constater que le Maroc peut mieux faire en matière de promotion de la recherche scientifique. Les universités marocaines doivent s’ouvrir sur de nouvelles perspectives et être au service des besoins du pays à tous les niveaux. Pour ce faire, tous les acteurs concernés doivent s’accorder sur un programme concerté pour booster la recherche scientifique. Le perfectionnement de l’évaluation du secteur auquel tend le Conseil supérieur de l’éducation pourrait permettre l’élaboration d’une nouvelle vision adaptée aux exigences nationales tant économiques que sociales et scientifiques.