Maroc

La taxe contre les catastrophes portée à 1,5% : les implications concrètes

Dans un contexte d’accélération des aléas climatiques, le Maroc prend une mesure forte pour pérenniser son système d’indemnisation des catastrophes. Le relèvement de la taxe FSEC à 1,5% constitue une réponse pragmatique pour sécuriser un filet de sécurité devenu indispensable. Zoom sur ce qui change concrètement pour le citoyen lambda…

Depuis le 26 septembre 2025, un taux légèrement plus élevé s’applique à la taxe au titre du «Fonds de solidarité contre les évènements catastrophiques (FSEC)». Une hausse qui impacte directement vos primes d’assurance automobile, habitation et autres branches, afin de faire face à l’explosion des sinistres. En effet, en application du décret publié au Bulletin officiel n°7440 version arabe du 18 septembre 2025, le taux de cette taxe a été revu de 1% à 1,5%, avec entrée en vigueur à la date précitée.

Conformément aux dispositions dudit décret n° 2.24.1123, l’ensemble des branches, primes, cotisations et opérations concernées sont désormais assujetties à ce nouveau taux. Une révision à la hausse qui constitue une réponse pragmatique à l’explosion des coûts liés aux aléas climatiques. Elle vise explicitement à renforcer la résilience financière du dispositif du FSEC.

Le fonds est confronté à une double pression structurelle : d’une part, la multiplication des événements extrêmes (inondations, sécheresses, incendies), dont la fréquence a augmenté de 30% depuis 2020 selon les données de la troisième Contribution déterminée au niveau national (CDN 3.0) du Maroc pour la période 2026-2035 ; d’autre part, la flambée des coûts de réassurance sur les marchés internationaux, accentuée par des catastrophes majeures comme le séisme d’Al Haouz en 2023, qui a «doublé la charge financière du risque sismique» selon le même document stratégique.

Une décision gouvernementale qui repose sur un constat chiffré sans équivoque : les pertes économiques directes liées aux catastrophes climatiques au Maroc dépassent désormais 450 millions USD annuels (Banque mondiale, 2022), tandis que le Programme des Nations Unies pour l’environnement (UNEP) évalue à l’échelle mondiale ces pertes annuelles à 202 milliards de dollars, frappant disproportionnellement les pays en développement comme le Maroc.

Ce qui change concrètement pour les assureurs et les entreprises
La hausse de la taxe FSEC à 1,5% impose aux assureurs et entreprises une adaptation immédiate de leurs modèles financiers. L’assiette élargie de la taxe, couvrant les assurances automobile, maritime, incendie et autres branches, entraîne mécaniquement une augmentation des primes pour tous les contrats non réglés après le 26 septembre 2025.

Dans un contexte où les coûts de réassurance ont déjà bondi de 20% en 2025, selon la CDN 3.0, les compagnies d’assurance devront arbitrer entre absorber ce surplus ou le répercuter sur leurs clients, impactant ainsi leur compétitivité.

Parallèlement, l’obligation légale de garantie contre les catastrophes naturelles (loi 110-14 de 2020) étend la couverture aux dommages matériels et corporels, renforçant la protection des assurés. Cependant, certaines niches demeurent préservées par des exonérations spécifiques, notamment pour l’assurance-vie des non-résidents et les contrats couvrant des risques à l’étranger, limitant l’universalité de cette mesure.

Ce qui change concrètement pour les citoyens
Les ménages subiront des répercussions tangibles avec l’entrée en vigueur du nouveau taux. Un contrat automobile ou habitation verra sa prime augmenter de 0,5% en moyenne. Pour un foyer payant 5.000 DH/an d’assurance, cela représente 25 DH supplémentaires. Pour les non-assurés, majoritairement issus des zones rurales où 80% des ménages sont vulnérables, selon la CDN 3.0, le FSEC constitue un filet de sécurité vital en indemnisant jusqu’à 250.000 DH pour la perte d’une résidence principale et 70% des dommages corporels des assurés.

Néanmoins, cette protection n’immunise pas contre les risques systémiques de précarisation, amplifiés par les sécheresses chroniques et les inondations (responsables du déplacement de 22.000 personnes entre 2008 et 2024). Des phénomènes qui pèsent particulièrement sur le secteur agricole, où les femmes, représentant 40% de la main-d’œuvre mais seulement 5% des propriétaires terriens, subissent de plein fouet l’exode rural et la fragilisation des moyens de subsistance.

Ce qui change concrètement pour l’État et le FSEC
L’État et le Fonds de solidarité bénéficieront d’une capacité de réponse significativement renforcée grâce à cette réforme. L’augmentation des ressources disponibles permettra au FSEC d’intensifier ses interventions d’urgence et d’indemniser plus largement les victimes de catastrophes, répondant ainsi à l’urgence climatique croissante.

Toutefois, cette mesure bute contre des limites structurelles incontournables. Les pertes côtières annuelles liées à l’érosion s’élèvent déjà à 434 millions USD selon la CDN 3.0, tandis que le déficit chronique de financement des politiques de prévention persiste, avec moins de 1% des budgets publics nationaux dédiés à la réduction des risques, selon les données 2025 de l’UNEP.

Dans ce contexte, la hausse de la taxe, bien que nécessaire, reste une solution partielle face à l’ampleur des besoins, nécessitant des investissements complémentaires massifs pour sécuriser durablement les territoires vulnérables.

Le révélateur d’au moins trois vulnérabilités critiques
La hausse de la taxe FSEC à 1,5% agit comme un révélateur des tensions structurelles du système face à des risques climatiques systémiques. Elle expose trois vulnérabilités critiques : la sous-estimation chronique des risques, où les bases de données internationales (EM-DAT, Sendai) dénoncent l’absence d’un système national fiable de suivi des pertes, compromettant toute tarification optimale des risques.

Les vulnérabilités territoriales s’y trouvent exacerbées, avec les régions côtières – concentrant 65% de la population et 90% de l’industrie – et les zones oasiennes, déjà durement frappées par la destruction de 4.500 palmiers en 2021, subissant de plein fouet l’impact de phénomènes extrêmes comme les vagues de chaleur historiques de 2025 (49,2°C à Laâyoune).

Des pressions qui creusent les inégalités de résilience : petits agriculteurs et pêcheurs, confrontés à l’effondrement des stocks aquacoles lors des canicules marines, restent démunis face aux chocs, tandis que les grands assureurs transfèrent les coûts vers les consommateurs. Comme le souligne un analyste, «cette taxe est un pansement nécessaire sur une artère ouverte, mais elle ne guérit pas le patient. Sans investissements massifs dans la prévention – surveillance météo ou infrastructures résilientes –, le FSEC restera un bouclier fissuré», soulignant l’urgence de solutions systémiques.

Pourquoi pas un New deal climatique ?

Le relèvement de la taxe à 1,5% constitue une réponse rationnelle à l’accélération des risques climatiques, sécurisant le FSEC contre des sinistres toujours plus coûteux, à l’image des incendies ayant dévasté 10.000 hectares entre 2021 et 2023.

Toutefois, cette mesure ne doit pas occulter trois impératifs stratégiques : «l’optimisation des ressources du fonds exige un ciblage prioritaire des territoires les plus vulnérables (littoral érodé, zones montagneuses déshydratées) ; le déficit de données nécessite la création urgente d’un observatoire national des pertes pour calibrer les politiques ; et la réduction des risques doit être intégrée systématiquement dans tous les investissements, conformément aux préconisations de l’UNEP, notamment dans l’agriculture (14% du PIB) et les infrastructures». Tel est en substance le commentaire que nous recueillons auprès d’observateurs de la finance climatique et la gestion des risques. Cela dit, au-delà de la taxe, c’est un New deal climatique qui s’impose.

Face à des pertes projetées de 69,5 milliards de dirhams d’ici 2050 pour la seule sécheresse, selon le CDN 3.0, le temps des rustines est révolu. Seules des transformations structurelles alignées sur l’Accord de Paris pourront faire face à l’ampleur des défis.

Bilal Cherraji / Les Inspirations ÉCO



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