La réforme de la santé : l’USMBA se penche sur les défis à venir
L’Université Sidi Mohammed Ben Abdellah (USMBA) de Fès a initié la première rencontre internationale sur le système de protection sociale et le management hospitalier au Maroc. L’objectif est l’étalage des différents outils et méthodes du management hospitalier permettant sa mise en exergue comme outil principal pour accompagner la généralisation de la protection sociale.
Plusieurs dizaines de chercheurs et d’experts dans le domaine de la santé, des finances et du management public se sont réunis dernièrement à Fès lors de la première Rencontre internationale sur les recherches en financement et management public des systèmes de santé sous le thème: «Le système de protection sociale et le management hospitalier au Maroc: regards croisés ».
Cette rencontre qui est initiée par l’Université Sidi Mohammed Ben Abdellah (USMBA) et la Faculté des Sciences juridiques, économiques et sociales de Fès, via son Laboratoire interdisciplinaire de recherche en économie, finance et management des organisations (LIREFIMO), a été organisé en partenariat avec la Faculté de Médecine, de pharmacie et de médecine dentaire de Fès, le Centre hospitalier universitaire Hassan II-Fès, l’Institut de recherche sur le cancer (IRC) et l’École nationale de santé publique.
Les participants à cette rencontre internationale ont tenté d’élucider les contours et les enjeux du système de la protection sociale nouvellement adopté au Maroc, tout en cernant le cadre législatif et réglementaire de la protection sociale au Maroc.
«Notre objectif est de porter les éclaircissements nécessaires sur les fondements théoriques et conceptuels du management hospitalier et les spécificités de ce dernier dans le contexte marocain, ainsi que l’étalage des différents outils et méthodes du management hospitalier permettant sa mise en exergue comme outil principal pour accompagner la généralisation de la protection sociale», précise Radouane Mrabet, président de l’USMBA.
Dans le cadre du chantier de mise à niveau du système national de santé, qui se base sur la généralisation de la protection sociale pour les classes sociales solidaires et résilientes, les intervenants ont fait remarquer que l’élargissement de la couverture médicale et l’institution d’un régime de retraite pour les travailleurs indépendants constituent des leviers de taille pour lutter contre les inégalités, la pauvreté et promouvoir une croissance durable et inclusive.
Intervenant à cette rencontre, El Hiri Abderrazak, directeur du laboratoire LIREFIMO, a rappelé que «la politique de généralisation de la protection sociale a été dictée par les divers dysfonctionnements constatés dont en particulier les disparités territoriales en matière de répartition des infrastructures, l’important déficit en ressources humaines et leur inégale répartition géographique, les carences en matière de gouvernance hospitalière, la pression exercée sur les structures d’urgence, l’absence de mécanismes permettant d’assurer un suivi efficace tels que les systèmes d’information hospitaliers, l’insuffisance du budget alloué au secteur de la santé et le faible taux d’encadrement médical».
Rappelons que la généralisation de la protection sociale devrait permettre dans un premier temps d’intégrer près de 22 millions de Marocains à l’Assurance maladie obligatoire. Cette généralisation concernera par la suite les allocations familiales, l’indemnité pour perte d’emploi ainsi que la retraite. Ce chantier, qui devrait coûter 51 milliards de dirhams par an à l’État d’ici 2025, s’insère parfaitement dans la stratégie 2012-2022 de la Banque mondiale en matière de protection sociale.
Insuffisance de ressources financières
Autres points importants qui entravent le développement du secteur de la santé, l’absence de mécanismes d’incitations au profit du secteur privé pour l’amener à investir au niveau territorial et l’énorme manque à gagner pour le secteur public. En effet, les établissements publics de santé qui fournissent 77% du nombre de lits ainsi que le plus grand nombre de services médicaux ne bénéficient que de 27,3% des dépenses totales de santé. Les hôpitaux publics ne bénéficient du tiers payant (organismes gestionnaires de l’assurance maladie) qu’à hauteur de 10,3% contre 65% pour les cabinets et cliniques privées.
Par ailleurs, le problème du financement des systèmes de santé figure parmi les obstacles qui se dressent devant la mise à niveau du secteur et la généralisation de la protection sociale nécessitant un effort financier supplémentaire. Ceci rejoint les recommandations de la Commission spéciale sur le modèle de développement (CSMD) qui a plaidé pour la mise en place d’une politique financière donnant la priorité à l’allocation des ressources au capital humain tout en réorientant les coûts de compensation vers les mécanismes intégrés en matière de protection sociale.
Des défis à relever
Pour réussir cet ambitieux chantier, les intervenants à cette rencontre ont insisté sur le fait que la généralisation de la protection sociale requiert la capacité à relever un ensemble de défis dont en particulier la valorisation des ressources humaines, le renforcement de l’attractivité du secteur et de la dimension territoriale de l’offre sanitaire, ainsi que l’adoption d’une nouvelle gouvernance et de mécanismes de financement innovants. Il sera également question de développer un système intégré d’information, la réhabilitation de l’hôpital public pour qu’il devienne plus attractif, ainsi que la mise en place de la facturation réelle des services et le recentrage de la prise en charge sur les soins primaires, notamment à travers la mise en place du médecin traitant, la formation des ressources humaines et la réorganisation des métiers médicaux et paramédicaux.
De plus, la généralisation requiert l’opérationnalisation du Registre social unifié (RSU) qui est présenté comme une des solutions pour mieux coordonner les différents programmes sociaux et mieux cibler leurs bénéficiaires. Elle devra également devenir un levier essentiel d’insertion du secteur informel dans le tissu économique national, qui représente aujourd’hui la majorité de l’emploi dans le pays ainsi qu’une part importante de l’économie. Avec l’intégration de la quasi-totalité des Marocains à ce dispositif, le système de santé sera confronté à une augmentation sans précédent de la demande.
Les pouvoirs publics devront réussir le pari de mettre en place une couverture sanitaire universelle tout en engageant une profonde réforme du système de santé.
Mehdi Idrissi / Les Inspirations ÉCO