L’Afrique n’est pas épargnée
Suite au scandale des «Panama Papers», Thabo Mbeki, président du Groupe de haut niveau sur les flux financiers illicites, est monté au créneau pour rappeler la gravité des fuites de capitaux en Afrique.
«Les «Panama Papers» révèlent que le quatrième paradis fiscal le plus utilisé par cette société [ndlr, Mossack Fonseca] est un pays africain». Le constat émane de Thabo Mbeki, président du Groupe de haut niveau sur les flux financiers illicites, et non moins ancien chef d’État de l’Afrique du Sud. Sa sortie fait suite à la fuite de plus de 11 millions de documents dans la presse internationale, dans le cadre de ce qui est communément appelé «Panama Papers». Pour Thabo Mbeki, la publication de ces documents secrets doit enfin alerter les pays africains et le monde entier sur la gravité du phénomène de fuite des capitaux. Il en appelle à l’ouverture d’enquêtes dans tous les pays afin de faire la lumière sur ce scandale planétaire. «Il faut poursuivre ces efforts particuliers pour exercer une pression politique sur les pays qui permettent l’opacité financière à haut niveau ou qui ont des lois qui permettent le secret bancaire et l’enregistrement de sociétés fictives», plaide l’ancien président sud-africain.
Plus que l’aide au développement
En tout cas, ces dernières années, les différents rapports n’ont cessé d’alerter sur la gravité de la fuite des capitaux sur le continent. À en croire un rapport publié en 2015 par la Commission économique des Nations-Unies pour l’Afrique (CEA), entre 30 et 60 milliards de dollars de capitaux illégaux quittent annuellement le continent vers d’autres destinations de la planète. Ces transferts de fonds sont désignés par les «flux financiers illicites», eux-mêmes définis comme «des capitaux acquis, transférés ou utilisés illégalement». En 2012, le montant de ces flux a dépassé celui de l’aide au développement, plafonné à un peu plus de 46 milliards de dollars.
Concentration
Selon ce document, le Nigeria représente la part la plus importante des flux financiers illicites en provenance de l’Afrique de l’Ouest (79% du total pour cette région), alors que l’Égypte et l’Algérie font sortir 66% des capitaux en provenance d’Afrique du Nord. En dehors des pays exportateurs de l’or noir, on retrouve des États comme l’Afrique du Sud, le Maroc, la Côte d’Ivoire et l’Éthiopie qui «enregistrent aussi des niveaux élevés de flux financiers illicites entre 1970 et 2008» observe le rapport. Globalement, l’étude affirme que ces flux sont remarquablement concentrés dans quelques pays, dont les 10 premiers représentent 79% du total sur la période 1970-2008. Il est à noter que 33,9 milliards de dollars sont illégalement sortis du Maroc, soit 4,7% du total africain.
Thabo Mbeki
Président du Groupe de haut niveau sur les flux financiers illicites
Les «Panama Papers» font minutieusement ressortir les problèmes que le Groupe de haut niveau sur les flux financiers illicites (IFF) en provenance de l’Afrique de l’Union africaine (UA) et de la Commission économique pour l’Afrique (CEA) a souligné avec force dans les conclusions de son rapport publié et approuvé par les chefs d’État et de gouvernement africains, en janvier 2015. L’une des conséquences de ces conclusions et non la moindre concerne les questions relatives aux paradis fiscaux et/ou compétences territoriales disposant du secret financier et le manque de transparence en ce qui concerne la véritable propriété des sociétés. Les informations publiées dans les «Panama Papers» jusqu’ici confirment effectivement les conclusions du rapport du groupe de haut niveau. Ils confirment, à plus forte raison, l’existence d’un réseau de comptes offshore et des voies d’investissement complexes qui conduisent à l’évasion et la fraude fiscales. Jusqu’à présent, les avertissements contre ces méthodes ont été pris à la légère. Les sommes astronomiques de pratiques illicites et le nombre important d’acteurs mondiaux exposés par le scandale de Panama démontrent que les gouvernements africains et le reste du monde ne peuvent éviter une action ferme contre les paradis fiscaux. Le fait indéniable est que les flux financiers illicites qui proviennent de la fraude fiscale méritent toute notre attention aux niveaux continental et mondial.
Impact sur le développement
Concernant l’origine des fonds acheminés illégalement hors d’Afrique, on note que «ces flux résultent essentiellement d’opérations commerciales, de l’évasion fiscale et d’activités délictueuses (blanchiment d’argent, trafic de drogues et d’armes et traite des êtres humains), de la corruption et de l’abus de fonction». Quant aux facteurs qui incitent à la fuite des capitaux, les rapporteurs parlent du «désir de dissimuler une richesse illicite». Aussi, il y a «l’impératif de cacher les moyens grâce auxquels cette richesse illicite a été créée, et qui rendent le repérage des flux associés difficile». Enfin, il faut savoir que l’impact des flux financiers illicites sur le développement africain est considérable. Certains de ces calculs montrent que le stock de capital de l’Afrique aurait augmenté de plus de 60% si ces fonds étaient restés sur le continent. Pour sa part, le PIB par habitant aurait augmenté de 15%.