Maroc

Investissements : Jouahri déplore la faible rentabilité

Selon le wali de Bank Al-Maghrib, qui intervenait mardi à la Chambre des représentants, lors d’une rencontre avec la Commission des finances et du développement économique, «les investissements sont quantitativement suffisants dans le Royaume, c’est plutôt leur rentabilité qui fait défaut». En effet, l’investissement s’est accéléré au cours des vingt dernières années, enregistrant un taux d’accroissement moyen de 6,7% par an, entre 2000 et 2019. Sur la même période, la croissance économique n’a cependant évolué qu’à une moyenne annuelle de 4,1%. Pourquoi ? Les raisons.

Lors de sa rencontre, tenue mardi à Rabat, avec les membres de la Commission des finances et du développement économique de la Chambre des représentants, sur le thème de «L’investissement dans le Royaume», le wali de la Banque centrale, Abdellatif Jouahri a rappelé… une lapalissade. Il s’agit de la faiblesse de la rentabilité de l’investissement dans notre pays. S’exprimant à ce propos, le patron de Bank Al-Maghrib (BAM) a notamment relevé que «l’effort d’investissement du Royaume, en termes de valeur, à atteint 32,3% du produit intérieur brut (PIB) entre 2000 et 2019 contre 25,6% comme moyenne mondiale, soit un chiffre «en principe suffisamment significatif» pour permettre d’atteindre une certaine croissance économique et un niveau d’investissement équivalent à celui enregistré dans des pays ayant réalisé «des miracles économiques»». Poursuivant son propos, le wali de BAM a ajouté que «bien que les efforts d’investissement du Royaume demeurent suffisants d’un point de vue quantitatif, il reste encore du chemin à parcourir pour arriver au niveau des pays développés et atteindre, par ricochet, un véritable décollage économique». Pourquoi ? «Parce que les investissements ont une faible rentabilité dans notre pays. Entre 2000 et 2019, l’indice principal, à savoir le coefficient marginal du capital (ICOR), qui équivaut au nombre de points d’investissement nécessaires à la réalisation d’un point de croissance économique, s’est situé en moyenne à 9,4 points», a-t-il conclu.

Le taux d’investissement plus élevé que celui de la croissance
Pour résumer, selon le wali de BAM, l’investissement s’est accéléré au cours des vingt dernières années, avec un taux d’accroissement moyen de 6,7% par an entre 2000 et 2019. Quant à la croissance économique, elle a évolué à un rythme inférieur, c’est-à-dire à une moyenne annuelle de 4,1% sur la même période (voir graphique). C’est ce décalage persistant au Maroc, en termes de progression entre ces deux variables, mesuré, entre autres indicateurs, par le coefficient marginal du capital (ICOR : Incremental Capital Output Ratio), qu’il faut arriver à gommer. Comment ? Le wali de BAM estime qu’il faut lever les divers goulots d’étranglement qui impactent l’investissement au Maroc. Pour commencer, il recommande d’améliorer la qualité des mécanismes institutionnels ainsi que l’exécution des contrats et des droits de propriété, d’abaisser le niveau d’incertitude, de supprimer l’inégalité des revenus et de réadapter la politique monétaire qui impacte l’investissement à travers les canaux du crédit bancaire, des taux d’intérêt, etc. Jouahri suggère aussi de relever la capacité d’investissement chez les très petites entreprises (TPE), laquelle demeure encore très faible dans notre pays.

En effet, seules 29,4% des TPE ont affirmé avoir réalisé des investissements, entre 2016 et 2018, contre 49,5% pour les PME et 50% pour les grandes entreprises. La structure de l’investissement dominée par le secteur des BTP Enfin, le patron de BAM a pointé du doigt les délais de paiement qui asphyxient les entreprises. Selon lui, «l’allongement des délais de paiement constitue encore un frein majeur au développement des entreprises au Maroc et continue d’affecter leur santé, en plus de réduire les liquidités et d’accroître le niveau des créances douteuses de celles-ci. Il est donc impératif de renforcer les moyens de paiement en vue de leur meilleure maîtrise». Jouahri a totalement raison de plaider en faveur des TPE, qualifiées, sous d’autres cieux, de startups. Ces dernières, qui opèrent majoritairement dans les services, n’ont pas facilement accès au crédit bancaire et ne réalisent, par conséquent, pas suffisamment d’investissements.

Pourtant, ce sont elles qui innovent et vendent des produits à très haute valeur ajoutée et qui devraient donc drainer d’importants investissements pour remettre la structure de l’investissement marocain sur les rails. En effet, telle qu’elle a été révélée par le Haut Commissariat au plan (HCP) en 2016, la structure de l’investissement manque cruellement d’intensité au Maroc. Au lieu d’être portée par le secteur des services, qui continue malgré tout d’enregistrer un taux de croissance élevé (plus de 10% par an sur la période 2000-2019), la Formation brute de capital fixe (FBCF) est dominée par le BTP. L’investissement dans ce secteur a, en effet, représenté 47,3% par an en moyenne de la FBCF totale en dirhams courants sur la période 2000-2014. Il est suivi par l’industrie (38%), les services (12%) et l’agriculture (2,7%).

Plus l’ICOR est faible, plus l’efficacité de l’investissement est forte

Selon les calculs du HCP, le coefficient marginal du capital au Maroc était de 7,2 points en 2014 (6 points en moyenne au cours des cinq dernières années). Cela signifie qu’il fallait 7 unités d’investissement pour réaliser 1 unité de croissance. Le benchmark réalisé par le HCP montrait que des pays comme la Turquie (5,2), le Chili (4,2), la Malaisie (3,5) et, mieux encore, la Corée du Sud (2,9) avaient un ICOR moins élevé que celui du Maroc, donc une efficacité des investissements plus grande. Avec un taux d’investissement d’environ 28% du PIB, notait le HCP, des pays émergents et en développement ont réalisé un taux de croissance économique, sur les quinze dernières années, supérieur (6% par an en moyenne) à celui du Maroc (4,4%), alors même que celui-ci a maintenu tout au long de cette période un taux d’investissement supérieur à 30% du PIB.

Aziz Diouf / Les Inspirations ÉCO



Gouvernance des EEP : une réforme en profondeur se prépare


Recevez les actualités économiques récentes sur votre WhatsApp Suivez les dernières actualités de LESECO.ma sur Google Actualités

Rejoignez LesEco.ma et recevez nos newsletters




Bouton retour en haut de la page