Indemnité pour perte d’emploi: une réforme ajournée malgré la crise
La réforme de l’indemnité pour perte d’emploi n’a pas eu lieu au cours de l’actuel mandat gouvernemental qui tire vers sa fin. Le prochain gouvernement est très attendu pour réformer le système de l’IPE qui piétine depuis son démarrage et qui devra être généralisé d’ici quatre ans.
En 2025, l’Indemnité pour perte d’emploi (IPE) devra être généralisée à l’ensemble des travailleurs ayant un emploi régulier, conformément aux nouvelles dispositions relatives à la généralisation de la protection sociale. Mais, avant de mettre en place cette réforme globale, une révision législative des dispositions actuelles s’impose. Le gouvernement était très attendu, dès les premiers mois de son investiture, pour assouplir les conditions d’éligibilité à l’IPE, jugées trop draconiennes surtout en cette conjoncture de crise sanitaire qui a frappé de plein fouet le marché de l’emploi. Ceci, d’autant plus que le chef de gouvernement, Saad Dine El Otmani s’était engagé en 2017 à amender la loi pour que les travailleurs ayant perdu leur emploi puissent accéder sans peine à cette indemnité instaurée en 2014. Aujourd’hui, alors que quelques semaines nous séparent de la fin du mandat gouvernemental, cette révision législative se fait toujours attendre, bien qu’un projet de loi modifiant la loi 03-14 modifiant et complétant le dahir portant loi relatif au régime de sécurité sociale soit fin prêt. Plus encore, tout porte à croire que ledit texte ne verra pas le jour au cours de cette législature, pour s’ajouter au leg que le gouvernement El Otmani laissera derrière lui. Le prochain exécutif devra, ainsi, plancher sur ce dossier épineux dont la réforme devra prendre en considération la nécessité du maintien de l’équilibre financier du système.
Une question d’équilibre
Le projet de loi, qui est actuellement entre les mains du Secrétariat général du gouvernement, a été élaboré sur la base des conclusions de l’étude menée par la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) en 2018 en vue d’évaluer le régime pendant la période 2015-2017. Étude, rappelons-le, qui avait proposé trois scénarios de réforme.Au départ, Saad Dine El Otmani avait opté pour le premier scénario visant à atteindre quelque 58.553 bénéficiaires à l’horizon 2027. Ce scénario prévoit le maintien de la première condition d’éligibilité (780 jours déclarés à la CNSS durant les 36 mois précédant la perte d’emploi) et l’augmentation de 0,04 % de la cotisation de 0,57 % à 0,61 % à raison des deux tiers pour l’employeur et un tiers pour le salarié. En fin de compte, c’est le deuxième scénario qui a été sélectionné à cause des répercussions de la pandémie de la Covid-19 sur l’équilibre financier de la CNSS.
Ce scénario s’assigne pour objectif de toucher quelque 68.611 bénéficiaires à l’horizon 2027. Il porte sur l’abaissement du nombre des jours déclarés à la CNSS de 780 jours à 636 jours pendant les 36 derniers mois et de 280 jours à 212 jours au cours des 12 derniers mois. Il faudra, dans ce cas-là, augmenter les cotisations de 0,18 % et débloquer un financement supplémentaire de 232 MDH par an.Il faut dire que l’augmentation des cotisations est incontournable pour éviter tout déséquilibre financier à l’horizon 2027.
Le montant des cotisations s’ajoute au fonds d’amorçage mis en place par l’État. Jusque-là, le gouvernement a injecté quelque 254 MDH dans le fonds et compte débloquer annuellement 54 MDH. Dans le cadre de la réforme en cours de la généralisation de la protection sociale, la généralisation de l’Indemnité pour perte d’emploi nécessitera la mobilisation d’une enveloppe annuelle d’un milliard de dirhams.
En 2020, le montant dépensé est de 327,517 millions DH au profit de quelque 23.000 bénéficiaires. Le nombre de ces derniers a augmenté par rapport aux années précédentes ayant enregistré une moyenne annuelle ne dépassant pas 16.000 bénéficiaires alors que l’objectif de départ était de faire bénéficier 30.000 personnes par an. Quant à l’année en cours, elle a été marquée par une hausse considérable du nombre des bénéficiaires ,qui est passé à 93.826 (jusqu’au 14 juin) avec un montant dépassant le milliard et 256 millions DH.Le prochain gouvernement est très attendu sur ce dossier pour, non seulement, assouplir les conditions d’éligibilité à l’IPE, mais aussi augmenter le montant de l’indemnité qui est jugé modeste par les parlementaires et les partenaires sociaux. Rappelons à cet égard qu’actuellement, l’indemnité est calculée sur la base de la moyenne des 36 derniers mois précédant la date de perte d’emploi, dans la limite du plafond en vigueur. Elle ne dépasse pas 70% du salaire journalier moyen de référence, sans excéder le SMIG.
Le montant de l’IPE a été fixé selon des paramètres préétablis suite à l’étude actuarielle effectuée à cet effet (taux et durée de cotisation). Lorsque l’IPE était à l’étude, deux autres scénarii ont été proposés dont les taux de cotisations et les montants de l’indemnité ont été élevés. Mais finalement, on a préféré jouer la carte de la prudence en choisissant le scénario le moins cher pour démarrer le projet dans la perspective de l’évaluer après trois ans de mise en œuvre.
Jihane Gattioui / Les Inspirations Éco