importations : les fruits importés n’ont plus la cote
Les fruits importés peinent de plus en plus à trouver du succès. Outre une production locale variée et toujours en hausse, l’inflation et le pouvoir d’achat amoindri des ménages, plusieurs facteurs convergent pour affaiblir ce marché.
Les beaux jours sont là et la consommation de fruits frais bat son plein. Mais en ce moment, «aucun fruit importé n’a un véritable succès», affirme d’emblée El Yazid Bennouna, responsable import/export au sein d’EB Fleg. Lui et d’autres importateurs «s’accrochent pour vendre les mêmes quantités, mais certainement pas avec les marges», nous confie notre interlocuteur depuis le marché de gros de Casablanca, «où il y a peu de clients».
Revers de la médaille
En réalité, les importateurs «ont vécu une année difficile», affirme le professionnel du secteur. Pourtant, les importations de fruits ont battu un record en 2023, avec près de 123.000 tonnes, principalement du Costa Rica, de la Côte d’Ivoire et du Ghana. Loin devant, 28.000 tonnes de bananes ont été importées l’an dernier, elles sont suivies des poires, des mangues, des avocats et des ananas. Ces cinq fruits sont d’ailleurs les plus plébiscités et demandés sur le marché marocain «tout au long de l’année», explique Bennouna.
Pour le reste des fruits, «la fréquence de consommation est difficilement maîtrisable», mais lorsque «nous sommes face à un produit périssable, nous n’avons d’autre choix que d’écouler nos stocks».
«Nous, en tant qu’importateurs, nous cherchons à travers les quatre coins du monde les produits les plus abordables et qui pourraient convenir aux consommateurs marocains. Pour les pommes par exemple, elles se cultivent un peu partout dans le monde et au Maroc aussi, mais par moments, elles sont moins chères et de très bonne qualité en Autriche, en Italie ou encore en France. Et si on peut avoir une bonne qualité avec un prix qui se rapproche de celui au Maroc, alors nous pouvons en importer», explique le professionnel.
Les importateurs travaillent à contre-saison et évitent d’importer lorsque la production locale est déjà sur le marché. Mais même en prenant ces dispositions, «la demande n’est pas au rendez-vous», affirme l’importateur. Ce retournement de situation s’est produit récemment, selon ses dires. Après une année exceptionnelle durant la pandémie du Covid, le revers de la médaille a commencé à se ressentir.
«À cause de l’inflation, le pouvoir d’achat des Marocains a fortement diminué et nos marges aussi, inévitablement», se désole Bennouna.
«Certains achètent sans compter, tous types de produits, même les plus chers et les plus exotiques. Mais cela ne concerne qu’une petite catégorie. Nos volumes sont surtout écoulés grâce aux autres, dont le pouvoir d’achat a drastiquement diminué depuis la crise du Covid», explique notre interlocuteur.
De plus, «les consommateurs cherchent d’abord des produits locaux. C’est quand ces derniers sont chers ou ne sont pas disponibles qu’ils se tournent vers des produits locaux», admet-il.
Habitudes alimentaires bien ancrées
Mais la faute n’est pas uniquement à l’inflation. Cette tendance découle également d’habitudes alimentaires bien ancrées chez les Marocains. Un exemple parlant est celui de la consommation de pastèques.
«Le Marocain préfère avoir une pastèque de 10 kilogrammes que de prendre la même quantité en fruits variés», explique Bennouna, notant que même avec la hausse du prix de la pastèque, qui oscille entre les 6 et 8 DH/kg, «le Marocain ne peut s’en priver».
Mais au fil des décennies, certains produits ont pu pénétrer le marché marocain et sont même devenus incontournables. C’est le cas de l’ananas qui, en plus d’être un produit d’appel, est réellement devenu un produit phare dans les cuisines marocaines. C’est d’ailleurs le produit qu’importe le plus notre interlocuteur, aux côtés de la banane et de l’avocat. «L’importation de fruits ne cessera jamais, mais c’est aux professionnels de s’adapter face à ces aléas et de tenter de se renouveler pour proposer toujours des produits de qualité et qui pourraient plaire», conclut-il.
Faiza Rhoul / Les Inspirations ÉCO