Maroc

Immobilier : reprise timide des activités

Porté par une baisse des taux directeurs, le secteur immobilier amorce en 2025 une reprise progressive, malgré un déséquilibre persistant entre une offre abondante et une demande encore timide. Tour d’horizon…

L’année 2024 aura été marquée par une reprise partielle de l’activité dans le secteur immobilier. Une tendance qui traduit un regain progressif de dynamique dans un marché encore marqué par les séquelles de la pandémie, ayant entrainé une stagnation durable des crédits immobiliers. Plusieurs éléments attestent de cette évolution. À commencer par les livraisons de ciment, reconnues comme un baromètre clé de l’activité.

Selon les données de l’Association professionnelle des cimentiers (APC), les livraisons de ciment ont affiché en 2024 une hausse notable de 15,19% en volume cumulé, par rapport à il y a un an, pour atteindre 13,6 millions de tonnes.

Ces données, fournies par les principaux acteurs du secteur – Asment Temara, Ciments de l’Atlas, Ciments du Maroc, LafargeHolcim Maroc et Novacim (membre depuis janvier 2024) – traduisent une conjoncture globalement favorable, soutenue par des investissements dans les infrastructures, un regain d’intérêt pour l’immobilier, sans oublier les efforts de reconstruction dans la province d’Al Haouz, sévèrement touchée par le séisme qui a ébranlé la région il y a plus d’un an.

Une demande timorée
Cela dit, l’écart persiste entre une offre relativement abondante et une demande qui peine à suivre. Selon les dernières statistiques conjointes de Bank Al-Maghrib et de l’ANCFCC relatives au troisième trimestre 2024, les prix des actifs immobiliers ont enregistré une baisse moyenne de 0,2% à l’échelle nationale.

À Casablanca, les terrains ont vu leurs prix reculer de 2,7%, tandis que les biens à usage professionnel ont diminué de 2,2%.

«Ces évolutions traduisent les difficultés d’un marché où la demande locale reste insuffisante pour absorber l’offre», estime un expert du secteur.

La ville ocre ne déroge pas à la règle. À Marrakech, l’attractivité du secteur repose sur des bases fragiles, la demande locale étant insuffisante pour assurer une stabilité à long terme. «L’essor du marché doit beaucoup aux investisseurs étrangers et aux acquéreurs de résidences secondaires», confie notre source.

À l’inverse, Tanger se distingue par une dynamique économique favorable qui soutient la légère hausse des prix résidentiels. La ville du Détroit bénéficie de projets structurants, comme l’extension portuaire et le développement de nouvelles zones industrielles.

Ces initiatives renforcent son attractivité, et soutiennent une légère hausse des prix résidentiels (+0,6%). Par contre, Rabat a enregistré un recul de 7,5% des prix des biens professionnels, reflétant une demande corporative en déclin. À Casablanca, la situation demeure également préoccupante. L’immobilier social, longtemps moteur du marché, connaît un ralentissement marqué.

«La nouvelle formule des logements à 300.000 dirhams peine à séduire, en raison d’un décalage persistant entre l’offre et les besoins réels des ménages. Malgré les efforts des promoteurs pour écouler leurs stocks à travers des offres promotionnelles, les résultats demeurent en deçà des attentes», précise cet expert.

Pourtant, d’après les données de Bank Al-Maghrib, l’encours des crédits aux promoteurs immobiliers a progressé à fin octobre de 7,7% pour atteindre 56,4 milliards de dirhams, témoignant d’un regain de confiance des investisseurs.

Ces chiffres traduisent une reprise apparente, mais ils masquent des défis structurels majeurs, comme la nécessité pour les promoteurs de s’adapter à des attentes désormais axées sur des logements mieux adaptés aux nouveaux modes de vie et aux impératifs écologiques, tout en répondant à une demande encore fragmentée. Les attentes des acquéreurs, marqués par le confinement, se tournent désormais vers des biens mieux adaptés aux nouveaux modes de vie.

«Les acheteurs privilégient des biens intégrant des espaces verts et des commodités modernes», explique un expert.

En réponse, les promoteurs s’efforcent d’adopter une approche plus qualitative, signe d’un marché qui s’accompagne d’un intérêt croissant pour des pratiques plus durables. Parallèlement, de fortes disparités territoriales persistent. Loin des grandes agglomérations qui captent l’essentiel des investissements, les zones rurales demeurent à l’écart des dynamiques en cours, leurs besoins étant encore trop peu pris en considération.

Optimisme modéré
En ce début d’année 2025, le secteur immobilier reprend globalement du poil de la bête, porté par des perspectives plus optimistes. La récente baisse de 25 points de base du taux directeur, annoncée par Bank Al-Maghrib, ouvre des perspectives encourageantes pour les crédits immobiliers, longtemps paralysés par une stagnation durable. Ce léger assouplissement monétaire vise à redynamiser un marché en quête d’un nouveau souffle, ce qui est de nature à inciter tant les ménages que les investisseurs.

Le programme Fogarim, longtemps présenté comme un catalyseur de l’accès au logement, notamment pour les ménages modestes, maintient une place symbolique dans ce paysage. Depuis son lancement en 2004, il a drainé le financement de plus de 208.000 prêts pour un montant cumulé de quelque 33 milliards de dirhams.

Toutefois, son impact s’essouffle depuis plusieurs années, reflet d’une offre insuffisamment adaptée aux besoins émergents et d’une demande affaiblie par des conditions économiques fluctuantes. L’immobilier, autrefois simple levier économique, tend désormais à s’imposer comme un acteur de transformation sociale marqué par les changements des habitudes de consommation. Conscients de cette évolution, les promoteurs amorcent un virage qualitatif, mais ces initiatives demeurent concentrées dans les grands centres urbains. Pendant ce temps, les zones rurales, souvent en marge des grands investissements, continuent de faire face à des carences chroniques en infrastructures et logements adaptés.

Prix des biens immobiliers : les disparités régionales persistent

Les derniers indices des prix des actifs immobiliers, publiés par Bank Al-Maghrib et l’ANCFCC, confirment une tendance générale à la baisse sur les principaux marchés urbains du Royaume. À Rabat, les prix reculent de 0,6%, tirés par une chute de 7,5% des actifs à usage professionnel, tandis que les transactions plongent de 25,1%.

Casablanca enregistre une baisse plus prononcée, avec des prix en retrait de 1% et des ventes en chute libre de 30,1%. Marrakech, pour sa part, affiche une diminution modérée des prix (-0,5%), mais un effondrement des transactions de 53,5%, particulièrement sur le résidentiel.

Seule Tanger se démarque par une légère hausse des prix (+0,1%), bien que les ventes y reculent de 9,6%. Ce ralentissement global témoigne d’un climat immobilier morose, marqué par des ajustements régionaux contrastés.

Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO



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