Maroc

Histoire et traditions : de l’ère des Idrissides à aujourd’hui, un héritage préservé

Depuis plus de douze siècles, le Maroc célèbre le mois sacré de ramadan avec une ferveur inébranlable. Chaque dynastie ayant régné sur le Royaume a laissé son empreinte sur la manière dont cette période est vécue, entre traditions religieuses, coutumes populaires et transformations sociales. À travers cette série spéciale, nous plongerons dans l’histoire pour mieux comprendre comment les Marocains ont célébré cette période à travers les âges, mais aussi pour explorer l’évolution des pratiques culturelles et spirituelles qui rythment encore aujourd’hui la vie du Royaume.

Lorsque le croissant de lune illumine le ciel marocain, annonçant l’entrée dans le mois sacré du ramadan, une atmosphère particulière s’empare du pays. Les marchés s’animent, les maisons se parent de lumières et de senteurs épicées, tandis qu’une ferveur spirituelle s’empare des cœurs.

Cette scène, si familière aux Marocains d’aujourd’hui, aurait pu tout aussi bien se dérouler à Fès au IXe siècle ou à Marrakech sous les Almoravides, lit-on dans “L’histoire des dynasties du Maroc” de Mohammed El Mansouri (2015). En effet, si le Royaume a traversé les âges, les traditions ramadanesques ont su conserver leur essence.

«L’histoire du ramadan au Maroc se confond avec celle de ses dynasties. Des Idrissides, bâtisseurs du premier État islamique marocain, aux Alaouites, qui règnent encore aujourd’hui, chaque époque a marqué la manière dont ce mois est vécu et célébré», souligne El Mansouri.

Les premières traces de ces pratiques remontent aux Idrissides (VIIIe – Xe siècle), qui ont instauré les bases religieuses du jeûne et des prières nocturnes, influencées par la culture arabo-musulmane en plein essor.

À cette époque, Fès émerge comme un centre intellectuel et spirituel, où le ramadan devient un moment privilégié de retour aux sources, rythmé par l’étude du Coran et les rassemblements religieux. Les Almoravides (XIe-XIIe siècle), eux, ont renforcé l’orthodoxie religieuse en mettant l’accent sur l’accomplissement des Tarawih (prières nocturnes).

Sous leur règne, les mosquées deviennent des lieux centraux de la vie sociale durant le mois sacré, attirant des foules venues prier en communauté. Mais c’est sous la dynastie Alaouite (XVIIe siècle à aujourd’hui) que certaines traditions, toujours vivaces, ont été instaurées et consolidées, façonnant le ramadan tel qu’il est célébré aujourd’hui au Maroc.

Entre rites et coutumes populaires
Si le ramadan est avant tout un mois de spiritualité, il est aussi un temps de célébration sociale et de traditions séculaires. Certaines de ces pratiques, toujours observées aujourd’hui, trouvent leurs origines dans un passé lointain. Dès le mois de Chaâbane, qui précède le ramadan, les familles marocaines entament les préparatifs.

«La tradition de Chaâbana, toujours vivace dans plusieurs régions, symbolise cette transition progressive vers le mois sacré», explique Fatima Mernissi dans «Rituels et traditions du ramadan en Afrique du Nord» (2008).

Ce sont des rassemblements festifs, souvent accompagnés de musique et de chants religieux, permettant de se purifier spirituellement avant d’entamer le jeûne. Dans certaines villes, notamment Tétouan et Fès, il était coutume d’organiser de grandes cérémonies où l’on partageait des mets typiques comme la rfissa et le couscous.

Lorsque le ramadan débute, une autre figure emblématique entre en scène, le Neffar. Ce veilleur de l’aube, armé de sa trompette traditionnelle, parcourt les ruelles des médinas avant l’apparition du jour pour réveiller les fidèles, précise une étude anthropologique menée par l’Université de Fès (2021).

«Jadis, cette fonction était essentielle pour ceux qui ne possédaient pas d’horloge et comptaient sur ces appels sonores pour rythmer leurs journées», souligne cette même étude.

Aujourd’hui, si les réveils et les téléphones ont remplacé le Neffar, cette tradition persiste encore dans certaines villes du nord du pays, ajoute l’étude de l’Université de Fès. Autre coutume moins connue mais tout aussi fascinante, Gheyat reste un élément plus énigmatique du folklore marocain.

«Cette pratique, dont les origines restent à approfondir, était associée à des rassemblements de jeunes hommes chantant et récitant des vers religieux, renforçant la dimension collective du mois sacré», explique Mernissi (2008).

Une table riche de saveurs et de transmission
Le ramadan au Maroc est aussi une histoire de transmission culinaire. À la tombée du jour, la rupture du jeûne, ou Iftar, est un moment où les générations se retrouvent autour de mets hérités des siècles passés. Certains plats sont indissociables de cette période, et leurs recettes se transmettent de mère en fille.

La Harira, soupe riche à base de tomates, de pois chiches et de lentilles, remonte à des temps anciens et s’est imposée comme l’incontournable plat du ftour.

Les Chebakia, pâtisseries enrobées de miel et parsemées de graines de sésame, accompagnent ce rituel gustatif.

Ces recettes, bien que légèrement modernisées, sont identiques à celles qui régalaient déjà les habitants de Fès au Moyen-Âge ou les Marrakchis sous les Saâdiens. À côté de ces plats emblématiques, d’autres spécialités enrichissent la diversité culinaire du ramadan.

Le Sellou, un mélange énergisant à base d’amandes, de graines de sésame et de farine grillée, est préparé en grandes quantités dès le début du mois. Le Msemen ou la Harcha viennent compléter le tableau des saveurs ramadanesques. Des recettes aux origines parfois lointaines que nous aborderons lors d’un prochain épisode.

Une continuité culturelle à travers les âges
Au fil des siècles, le Maroc a su préserver et faire évoluer ses traditions liées au ramadan. «Ce mois sacré, au-delà de sa portée spirituelle, est aussi un moment où l’histoire et la culture se donnent rendez-vous», indique une article du ministère des Habbous.

«Si certaines pratiques ont disparu ou se sont adaptées aux réalités contemporaines, beaucoup demeurent et témoignent de cette richesse culturelle unique», analyse El Mansouri.

Aujourd’hui encore, malgré les évolutions modernes, le mois de ramadan reste un temps fort de la vie marocaine, où les échos des traditions passées continuent de résonner dans le présent, ajoute l’article du ministère des Habous.

Le Maroc, terre de spiritualité et de coutumes profondément enracinées, offre ainsi un exemple fascinant de la manière dont une civilisation peut préserver son identité tout en s’adaptant aux mutations du temps, lit-on dans l’ouvrage de Mohammed El Mansouri (2015).

«Après ramadan, la mémoire des ancêtres demeure vivante, inscrite dans les gestes, les saveurs et les rituels qui rythment ce mois sacré», conclut Mernissi.

Faiza Rhoul / Les Inspirations ÉCO



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