Maroc

Fès : les universitaires s’attaquent à la Loi de finances 2025

Près de 400 experts et chercheurs se sont réunis à Fès pour décrypter la Loi de finances 2025 lors de la 10e Caravane de communication du Forum des chercheurs. Entre tensions géopolitiques, défis climatiques et ambitions nationales, l’événement a exploré les enjeux économiques et fiscaux, mêlant théorie et pratique pour façonner l’avenir du pays.

Près de 400 universitaires, chercheurs, experts, étudiants et professionnels se sont rassemblés à la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales (FSJES) de l’Université Sidi Mohammed Ben Abdellah de Fès pour analyser en profondeur la Loi de finances 2025.

Organisée par le Forum des chercheurs du ministère de l’Économie et des Finances, en partenariat avec la FSJES, cette 10e édition de la Caravane de communication est intitulée «Loi de Finances : quel financement des chantiers structurants». Elle a permis aux participants de plonger dans les mécanismes économiques et les enjeux mondiaux du budget de l’État.

Face à un contexte de tensions géopolitiques et de défis climatiques, les discussions ont exploré les chiffres et les priorités pour mieux comprendre les choix qui façonneront le Maroc en 2025. Ben Elhaj Fouad, directeur du Laboratoire interdisciplinaire de recherche sur les dynamiques économiques, la finance et l’entrepreneuriat (LIRDEFE), a souligné que la Loi de finances n’est pas seulement un document technique, mais aussi un outil permettant d’engager un débat public sur les politiques de l’État.

«La Loi de finances est une opportunité pour évaluer les performances passées, anticiper les défis futurs et définir des mesures concrètes pour stimuler l’investissement et l’emploi», a-t-il expliqué, soulignant que cette collaboration entre le monde académique et les institutions gouvernementales vise à rapprocher théorie et pratique tout en impliquant les jeunes chercheurs dans ces discussions.

Entre optimisme marocain et fragilités mondiales
Lors de sa présentation autour des soubassements macroéconomiques et perspectives mondiales de la Loi de finances 2025, Mohammed Abdellaoui, professeur à la FSJES, a dressé un état des lieux précis du paysage économique global. Il a pointé une croissance mondiale limitée à 2,7% pour 2025-2026, freinée par des incertitudes géopolitiques, comme les risques d’escalade entre Israël et l’Iran, qui pourraient faire grimper les cours de l’énergie.

Il a aussi alerté sur les effets des hausses des droits de douane envisagées par l’administration Trump, estimées entre 10 et 20 points pour les produits importés aux États-Unis, et jusqu’à 60 points pour ceux venant de Chine, un choc potentiel pour les exportations marocaines. À l’échelle nationale, il a mis en avant des prévisions de croissance à 4,6% en 2025, dopées par une valeur ajoutée agricole en hausse de 11%, mais tempérées par une inflation projetée à 2%.

Abdellaoui n’a pas éludé les menaces qui planent sur ces projections. Il a insisté sur trois risques majeurs, dont la sécheresse, qui pourrait fragiliser l’agriculture (81% des surfaces cultivées dépendent des pluies) et peser sur les réserves d’eau des barrages ; la volatilité des prix des matières premières, dont une hausse d’un dollar par baril de pétrole gonflerait la facture énergétique de 1 milliard de dirhams ; et un éventuel ralentissement dans la zone euro, partenaire clé absorbant 60% des exportations du Royaume.

Une baisse d’un point de PIB dans cette région, a-t-il calculé, rognerait 0,4 point de PIB non agricole au Maroc et creuserait le déficit commercial de 1,1 point. Face à ces défis, il a appelé à une stratégie budgétaire solide pour protéger les ambitions de la Loi de finances 2025.

Les ajustements fiscaux pour une justice fiscale horizontale
Mohammed Nmili, expert en fiscalité et professeur à la FSJES, a présenté une analyse approfondie des ajustements fiscaux introduits entre 2023 et 2025, mettant l’accent sur leur impact en matière de justice fiscale horizontale entre le capital et le travail.

Dans son intervention, il a souligné que les réformes fiscales successives visaient à équilibrer les contributions des deux principaux facteurs de production – le capital et le travail – tout en tenant compte des standards internationaux en matière de fiscalité. Toutefois, selon lui, l’évaluation de ces mesures ne peut se limiter à leur dimension nominale inscrite dans les textes législatifs, mais devrait plutôt évaluer leurs effets concrets sur le terrain.

En comparant les pratiques adoptées au Maroc avec les meilleures pratiques internationales, Nmili a mis en lumière les écarts qui subsistent en termes d’équité fiscale. Il a rappelé que ces ajustements s’inscrivent dans un cadre plus large, marqué par les Journées nationales de la fiscalité, la loi-cadre de la réforme fiscale et les recommandations du Nouveau modèle de développement, qui appellent à une fiscalité plus juste et inclusive.

Pour lui, garantir une véritable justice fiscale horizontale reste un défi majeur, nécessitant une harmonisation accrue entre les impôts directs et indirects ainsi qu’une meilleure redistribution des charges entre les différents acteurs économiques. La conférence s’est achevée sur une note pragmatique, rappelant que la réussite des objectifs fixés dans la Loi de finances 2025 dépendra de la capacité du Maroc à maîtriser les risques externes et internes tout en poursuivant ses réformes structurelles.

Avec un taux de croissance prévu à 4,6% en 2025 et une inflation maintenue à 2%, les projections restent positives mais nécessiteront une gestion prudente des ressources publiques et une anticipation proactive des chocs économiques.

Mehdi Idrissi / Les Inspirations ÉCO



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