Fécondité : les aspirations parentales contrecarrées

Au cœur du débat démographique, le paradoxe du désir d’enfant est bien réel, mais souvent contrarié. Un rapport de l’UNFPA et du HCP met en lumière cette «véritable crise de la fécondité», où les barrières économiques et sociales empêchent de nombreuses familles de se construire comme elles le souhaitent.
À l’occasion de la Journée mondiale de la population, célébrée annuellement le 11 juillet, le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) au Maroc et le Haut-commissariat au plan (HCP) ont organisé conjointement une rencontre pour la présentation du rapport sur l’état de la population mondiale, édition 2025, de l’UNFPA.
Intitulé «La véritable crise de la fécondité : La quête du libre arbitre en matière de procréation dans un monde en mutation», le rapport met en lumière une problématique mondiale de grande ampleur. Des millions d’individus à travers le globe ne parviennent pas à réaliser leurs aspirations procréatives, non par un rejet de la parentalité, mais en raison d’obstacles économiques et sociaux profonds.
Le Maroc face à ses propres défis de fécondité
Intervenant à cette occasion, Chakib Benmoussa, Haut-commissaire au plan, a souligné l’importance de cette journée pour aborder les grands enjeux démographiques contemporains. Faisant écho aux conclusions du rapport de l’UNFPA, il a mis en exergue le «paradoxe d’un désir d’enfant toujours présent mais contrarié par des obstacles économiques, sociaux ou institutionnels».
Il a précisé que ces constats mondiaux résonnent particulièrement avec les résultats récents du Recensement général de la population et de l’habitat (RGPH) mené par le HCP, qui offre un éclairage précis sur la situation marocaine.
Benmoussa a également salué la «coopération exemplaire» avec l’UNFPA, dont le 50e anniversaire de présence au Maroc est célébré, la qualifiant de partenaire stratégique dans la modernisation des statistiques nationales. Il a ainsi appelé à un dialogue ouvert et éclairé, dépassant les lectures classiques, pour mieux comprendre les aspirations profondes des populations et les défis complexes qui façonnent les trajectoires individuelles et collectives.
Quand les femmes portent le fardeau des soins, «c’est la société qui en paie le prix»
Marielle Sander, représentante de l’UNFPA au Maroc, a exprimé son enthousiasme pour cet événement qui coïncide avec la célébration des 50 ans de partenariat de l’organisation avec le Royaume.
Elle a souligné que le rapport sur l’état de la population mondiale de cette année, «La véritable crise de la fécondité», ne se limite pas aux chiffres mais pose une question fondamentale : «Pourquoi les gens n’ont-ils pas le nombre d’enfants qu’ils désirent ?». Citant les données de l’enquête UNFPA/YouGov, elle a rappelé qu’au Maroc, une personne sur trois déclare avoir moins d’enfants que souhaité, souvent en raison de pressions financières.
Sander a mis en garde contre la perception des dynamiques démographiques comme un «déclin», les qualifiant plutôt de «signaux de changement». Elle a insisté sur l’importance du «dividende démographique» que le Maroc peut encore saisir en investissant dans l’éducation, en particulier des filles, et en favorisant l’intégration économique des femmes. Elle a conclu en soulignant que la famille reste un pilier central de l’identité marocaine et que les politiques publiques doivent soutenir tous les membres de la famille, reconnaissant que lorsque les femmes portent seules le fardeau des soins, «c’est la société qui en paie le prix».
Les obstacles à la fécondité choisie : une réalité chiffrée
S’appuyant sur des travaux de recherche universitaire et sur de nouvelles données issues d’une enquête UNFPA/YouGov réalisée dans 14 pays, dont le Maroc, le rapport apporte un éclairage sur la complexité de cette crise.
Au niveau national, les statistiques révèlent une réalité particulièrement parlante avec 33% des personnes de plus de 50 ans qui déclarent avoir eu moins d’enfants que désiré, et près de la moitié (47%) qui attribuent explicitement cette situation à des contraintes financières. Des défis significatifs sont également identifiés, tels que la mauvaise santé ou les maladies chroniques (19%) et les contraintes liées au logement (20%). De plus, 51% des personnes interrogées ont déjà vécu une grossesse non intentionnelle, et 37% n’ont pas pu avoir un enfant au moment souhaité.
Ces chiffres mettent en évidence que les entraves à la concrétisation des projets familiaux résident davantage dans des facteurs externes et structurels que dans un choix délibéré de ne pas avoir d’enfants, une option minoritaire (1% des hommes et 4% des femmes au Maroc).
Vers des politiques démographiques inclusives
Cet événement a été l’occasion d’approfondir la réflexion sur les dynamiques démographiques contemporaines et les défis qu’elles soulèvent.
Les discussions ont été substantiellement enrichies par la participation d’experts issus de diverses institutions académiques et de recherche de renom, notamment l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P), l’Organisation du monde islamique pour l’éducation, les sciences et la culture (ICESCO), l’Institut royal des études stratégiques (IRES), l’Université Mohammed V de Rabat et le Policy center for the new south.
Leurs analyses croisées ont permis de stimuler le débat et d’identifier des pistes d’action concrètes pour l’élaboration de politiques de population adaptées, compte tenu, notamment, des résultats du 7e Recensement général de la population et de l’habitat (RGPH) de septembre 2024.
Cinquante ans de partenariat au service du développement humain
La journée a également revêtu une signification particulière avec la célébration du 50e anniversaire de la présence de l’UNFPA au Maroc. Pour marquer cette étape, un visuel symbolique a été lancé par le Fonds, conçu comme un hommage au dialogue intergénérationnel, à la solidité des liens familiaux et à la richesse culturelle du Royaume.
Cette commémoration souligne le rôle de l’UNFPA, en partenariat avec les institutions nationales comme le HCP, dans l’accompagnement du Maroc à travers des décennies de transformation profonde et d’avancées importantes en matière de développement humain et de promotion du bien-être de sa population.
Mehdi Idrissi / Les Inspirations ÉCO