Maroc

Exportation de miel : ouverture du marché européen aux apiculteurs marocains

Après des années d’efforts et de négociations, le Maroc vient de franchir une étape décisive en obtenant l’autorisation d’exporter son miel vers l’Union Européenne. Le règlement 2024/334, entré en vigueur le 11 février 2024, ouvre grand les portes du marché européen aux miels marocains qui répondent aux exigences sanitaires strictes de l’UE. Une avancée majeure pour la filière apicole nationale.

L’inscription récente du Maroc sur la liste des pays autorisés à exporter du miel vers l’Union européenne marque un tournant majeur pour la filière apicole nationale. En célébrant cette avancée lors du Salon international de l’agriculture de Meknès (SIAM) 2024, les autorités marocaines et européennes ont souligné l’importance de cette ouverture, à la fois pour les apiculteurs locaux et les consommateurs européens.

«Cette décision représente une nouvelle opportunité économique importante qui s’ouvre pour le Maroc, doté d’un potentiel apicole riche et unique grâce à sa diversité floristique, faunistique et paysagère», déclare Mohammed Sadiki, ministre de l’Agriculture.

Une affirmation partagée par Patricia Llombart Cussac, ambassadrice de l’UE au Maroc, qui a salué «un partenariat gagnant-gagnant où les apiculteurs marocains vont pouvoir bénéficier d’opportunités économiques considérables».

Accès au marché européen : Un levier de développement durable
Avec une consommation annuelle de miel dépassant le milliard d’euros, l’Union européenne représente le plus important débouché mondial pour cette denrée. Jusqu’à présent, l’UE devait importer 40% de ses besoins, ouvrant ainsi de vastes perspectives pour les exportations marocaines.

Au-delà des retombées économiques directes, cette ouverture pourrait constituer un levier de développement durable pour la filière apicole nationale. En effet, le Maroc abrite une riche biodiversité, avec plus de 4.200 espèces végétales réparties sur divers écosystèmes.

Cette diversité floristique exceptionnelle se reflète dans la variété des miels produits, offrant ainsi un avantage comparatif indéniable sur le marché européen. Cependant, pour tirer pleinement parti de cette opportunité, des efforts devront être déployés afin de renforcer la compétitivité et la qualité de la production nationale. «Le travail des apiculteurs est essentiel, tant pour notre plaisir gustatif que pour l’ensemble de l’agriculture et la biodiversité du Maroc», souligne Llombart Cussac, insistant sur l’importance de préserver cet écosystème fragile.

Une filière socio-économique cruciale
Avec plus de 36.000 apiculteurs répartis dans diverses régions, l’apiculture revêt une importance socio-économique capitale au Maroc. Cette activité constitue une source de revenus essentielle pour de nombreuses communautés rurales, tout en contribuant à la préservation de l’environnement par la pollinisation des cultures. Néanmoins, le secteur fait face à des défis majeurs, notamment liés au changement climatique et à la dégradation des écosystèmes.

Dans ce contexte, l’ouverture du marché européen pourrait encourager l’adoption de pratiques plus durables et respectueuses de l’environnement, afin de répondre aux exigences de qualité et de traçabilité des consommateurs européens.

Potentiel de croissance et diversification des débouchés
Avec une production annuelle avoisinant les 7.000 tonnes, le Maroc figure parmi les principaux producteurs de miel en Afrique et dans le bassin méditerranéen. En effet, en 2022, la production s’est élevée à 6.534 tonnes, en baisse de 10% par rapport à 2021 où elle était de 7.260 tonnes.

Cependant, l’essentiel de cette production était jusqu’ici destiné au marché intérieur et à quelques marchés d’exportation traditionnels. L’accès au vaste marché européen, qui importe chaque année plus de 200.000 tonnes de miel, ouvre des perspectives inédites de croissance et de diversification pour les apiculteurs et exportateurs nationaux.

Le miel marocain, réputé pour sa qualité exceptionnelle grâce à la richesse de la flore mellifère du Royaume, devrait séduire les consommateurs européens de plus en plus sensibles à l’origine et à la traçabilité des produits alimentaires. Les miels d’eucalyptus, de jujubier ou encore d’orangers, aux saveurs uniques, pourraient rapidement trouver leur place sur les rayons des supermarchés européens.

Un enjeu de compétitivité pour la filière
Toutefois, pour tirer pleinement parti de cette opportunité, la filière apicole nationale devra relever plusieurs défis de taille. Tout d’abord, elle devra s’adapter aux normes sanitaires et de traçabilité très strictes de l’UE. Seuls les établissements agréés par les autorités compétentes marocaines et répertoriés sur la plateforme européenne TRACES seront autorisés à exporter à partir du 29 novembre 2024. Un effort d’investissement et de modernisation des outils de production et de conditionnement sera donc indispensable pour de nombreux apiculteurs.

La mise en place de systèmes de traçabilité fiables représentera également un défi logistique et financier considérable pour cette filière, encore largement artisanale. La compétitivité des miels marocains sur le marché européen sera également un enjeu crucial. Confrontés à la concurrence d’autres pays exportateurs comme la Chine, l’Argentine ou encore l’Ukraine, les exportateurs marocains devront s’appuyer sur leurs atouts en termes de qualité, mais aussi travailler à optimiser leurs coûts de production et leur efficacité logistique.

Des retombées économiques et environnementales prometteuses
Au-delà des enjeux purement commerciaux, cette ouverture du marché européen représente une formidable opportunité de développement économique pour les régions rurales marocaines où l’apiculture est très présente. L’enjeu réside dans une source de revenus complémentaires pour de nombreux petits agriculteurs, avec un levier potentiel pour la création d’emplois dans les activités de transformation et d’exportation.

Sur le plan environnemental, la valorisation de la production apicole nationale pourrait également contribuer à la préservation de la biodiversité et des écosystèmes fragiles du Royaume. En effet, les abeilles jouent un rôle essentiel dans la pollinisation des plantes, et une filière apicole dynamique et durable constitue un gage de protection pour la flore mellifère locale.

Un jalon dans le Partenariat vert UE-Maroc
Cette avancée s’inscrit dans le cadre du Partenariat vert conclu en 2022 entre l’Union européenne et le Maroc. Cet accord vise à renforcer la coopération dans des domaines clés tels que la transition énergétique, l’adaptation au changement climatique, la protection de l’environnement et le développement d’une économie verte et bleue.

En permettant aux apiculteurs marocains d’accéder à un marché de premier plan, tout en encourageant des pratiques durables, cette ouverture constitue un jalon important dans la concrétisation des objectifs de ce partenariat. Elle démontre également la volonté des deux parties de favoriser une prospérité partagée, fondée sur une exploitation raisonnée des ressources naturelles.

Alors que le monde fait face à des défis environnementaux sans précédent, l’apiculture marocaine se trouve à un carrefour décisif. En saisissant cette opportunité d’accès au marché européen, tout en préservant son précieux capital naturel, elle pourrait devenir un modèle de développement durable, alliant croissance économique et respect de l’environnement.

Un partenariat prometteur

Cet accord commercial avec l’UE, dans la filière du miel, s’inscrit dans un partenariat économique et politique de longue date entre le Maroc et l’Union Européenne. Un partenariat qui devrait se renforcer dans les années à venir, notamment à la faveur de l’Accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA) en cours de négociation.

Pour le Maroc, l’enjeu sera de tirer le meilleur parti de cette ouverture des marchés, tout en préservant ses intérêts stratégiques et en veillant au développement durable de ses filières agricoles. Un défi complexe, quand on voit les récentes attaques des syndicats agricoles européens, notamment contre la tomate marocaine, mais qui représente une opportunité unique de s’affirmer comme un acteur incontournable du commerce agroalimentaire en Méditerranée et en Afrique.

Bilal Cherraji / Les Inspirations ÉCO



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