Maroc

Exclu. Abdelkader Amara nous dit tout sur le secteur portuaire

Entretien avec Abdelkader Amara. Ministre de l’Équipement, du transport, de la logistique et de l’eau

Vu l’évolution de la scène maritime internationale, le ministère est en train d’actualiser la stratégie de développement des ports marocains, basée, entre autres, sur les prévisions des trafics portuaires à l’horizon 2030, en vue de prendre en compte l’évolution du contexte économique national et international ainsi que les stratégies des départements sectorielles et les opérateurs portuaires.

Comment se porte le secteur portuaire national en général ?
Actuellement, le paysage portuaire marocain est le résultat d’une évolution étalée sur plus de dix années. Il a connu en 2006 une réforme importante qui a permis d’améliorer davantage le système de gestion et d’exploitation des ports, à travers la séparation des fonctions régaliennes assurées par l’État et celles d’exploitation assurées par les autorités portuaires. Suite à quoi, le Maroc a élaboré une stratégie portuaire nationale à l’horizon 2030 pour consolider cet effort, ce qui lui a permis de se doter d’un réseau d’infrastructures portuaires important aux normes et standards internationaux. Cette stratégie vise à positionner les ports nationaux comme des plateformes incontournables dans les chaînes logistiques du bassin méditerranéen et de l’Afrique de l’Ouest. En matière de connectivité maritime, selon le CNUCED, le Maroc a été classé en 2019 le 2e en Afrique et le 19e dans le monde. Cette large connectivité maritime a permis au Maroc d’ériger un hub et une plateforme logistique régionale. Je citerais dans ce cadre le Complexe portuaire de Tanger Med, qui assure aujourd’hui une connexion maritime directe vers 186 ports et 77 pays, ainsi que le port de Casablanca, relié à plus de 72 ports internationaux. Le Maroc a également élaboré un système intégré “Portnet”, comme guichet unique des procédures du commerce extérieur du royaume. Dans la même optique, il a mis en place l’Observatoire de la compétitivité portuaire et du domaine public maritime pour mettre à la disposition des investisseurs les informations nécessaires à même de réaliser des projets d’investissements. Sur le plan sécurité et sûreté portuaire et maritime, le Maroc œuvre pour que ses ports soient au diapason des dispositions internationales dans ces domaines. En tant que membre actif du conseil de l’Organisation maritime internationale (OMI) et de l’Association internationale de la signalisation maritime (AISM), nous œuvrons à améliorer notre réglementation afin d’intégrer les dispositions exigées au niveau international.

Où en est le déploiement de la mise en place de la stratégie portuaire nationale ?
La stratégie portuaire à l’horizon 2030 est mise en œuvre progressivement en fonction du développement du paysage portuaire. L’approche adoptée dans le cadre de cette stratégie est basée essentiellement sur l’adoption d’une planification «ouverte» des investissements portuaires, qui sont déclenchés en fonction de l’évolution effective de la demande portuaire et des indicateurs y afférents. Mais aussi la mise en place et le suivi des macro-indicateurs, en terme d’impact des stratégies sectorielles, d’opportunités externes, de saturation des infrastructures portuaires et d’aménagement du territoire. En effet, durant les 10 dernières années, cette mise en œuvre s’est traduite par la réalisation de projets structurants qui s’inscrivent dans trois principaux modes d’interventions : la construction de nouveaux ports, la réalisation de grandes extensions et l’intégration des ports dans leurs environnements urbains. Doté d’une enveloppe budgétaire qui s’élève à environ 24 milliards de Dirhams, la mise en œuvre concerne notamment : la construction du nouveau port Vraquier de Safi (1re tranche) ; l’extension du port de Tanger MED (Tanger Med 2) ; l’extension du port de Dakhla ; l’extension du port de Jorf Lasfar ; l’extension du terminal à conteneur du port d’Agadir ; la reconversion du port de Tanger Ville ; l’extension du port de Jebha (1re tranche) ; l’extension du port de Tarfaya ; et la construction d’un nouveau chantier naval au port de Casablanca.

En plus de ces investissements, le secteur portuaire marocain connaît la réalisation et le lancement de deux nouveaux grands ports structurants, il s’agit du Nouveau port de Nador West Med (NWMED) et du Nouveau port de Dakhla Atlantique (NPDA) pour des enveloppes budgétaires avoisinant 10 MMDH chacun. Aussi, de grandes extensions des ouvrages portuaires existants sont planifiées, dont notamment l’extension de la jetée de la digue principale du port de Casablanca à hauteur de 1 MMDH. En plus de ces infrastructures portuaires ambitieuses, des zones industrialo-logistiques adossées à ces ports et s’étalant sur des superficies importantes, offriront des services logistiques et industriels de qualité, répondant aux standards internationaux. Je citerais à titre d’exemples: la zone actuelle de Tanger Med et les deux zones prévues au niveau des nouveaux ports de Nador West Med et de Dakhla Atlantique.

En parallèle, d’autres projets ambitieux sont en cours de réalisation pour augmenter la compétitivité des ports marocains dont notamment, le développement des chantiers pour la construction, la réparation et l’entretien des navires, comme le chantier naval du port de Casablanca en phase d’achèvement.

Comment jugez-vous la résilience du secteur portuaire national depuis l’avènement de la crise sanitaire ?
Les ports du Maroc ont enregistré une bonne résilience vis-à-vis de la crise sanitaire liée à la Covid-19. Le trafic portuaire entre 2019 et 2020 a enregistré une hausse d’environ 13%. Ainsi, la communauté portuaire et maritime au Maroc s’est mobilisée pour assurer la continuité de l’exploitation des ports, en vue de maintenir les chaînes logistiques d’approvisionnement, tout en veillant à la mise en place des mesures de prévention sanitaires requises pour la lutte contre la propagation de la pandémie. Cependant, certaines activités ont été impactées par les effets de cette crise, notamment les passagers et les croisières. L’année 2020 a connu un retour très modeste de nos compatriotes résidant à l’étranger.

Quelles ont été les actions mises en place par le ministère pour assurer la résilience du secteur portuaire ?
Conformément aux directives sanitaires adoptées à l’échelle internationale et nationale, et dès la déclaration des premiers cas de contamination par la Covid-19, le ministère a mis en place un certain nombre de mesures adressées à l’ensemble des parties prenantes dans le secteur des ports et du transport maritime (autorités portuaires, opérateurs portuaires, compagnies maritimes…), et ce, en vue de les mettre en œuvre dans l’ensemble des ports du royaume. Il s’agit du renforcement des mesures de sécurité sanitaire au sein des ports et à bord des navires ; la suspension temporaire de certaines lignes maritimes entre les ports marocains et les ports internationaux ; l’accélération de la dématérialisation des processus portuaires à travers la digitalisation de nouveaux services ; l’adaptation des processus opérationnels au contexte d’urgence sanitaire, le prolongement de la validité des documents et des autorisations des gens de mer, ainsi que le prolongement des déclarations de conformité au code ISPS des installations portuaires concernées, etc.

Que reste-t-il à faire pour assurer une meilleure croissance à ce secteur qui contribue fortement au développement économique et au rayonnement du Maroc à l’international ?
Il est évident que les ports marocains constituent un secteur vital pour l’amélioration de la compétitivité de l’économie nationale en assurant 98% des échanges externes du royaume. Mais pas que ça, puisque nous sommes sur un nouveau paradigme qui consiste à faire des ports des hubs logistiques et industriels créateurs d’emplois et de valeurs ajoutées, et pas uniquement des points de passage de marchandises. Les efforts réalisés font que les ports marocains sont désormais une porte d’entrée des marchés internationaux, permettant de desservir l’Europe, la Méditerranée et l’Afrique. Afin de maintenir la tendance de croissance positive que connaît ce secteur, le ministère de l’Équipement, du transport, de la logistique et de l’eau, poursuivra :
• La politique des grands chantiers de transport et de soutien du volume de l’investissement y afférent, à travers le développement et la modernisation des infrastructures portuaires (offre de service de qualité, ports profonds pour accueillir les navires de nouvelle génération, etc.) ;
• Le développement des services logistiques (zones logistiques, zones industrialo-logistiques) et de connectivité terrestre (routière, ferroviaire, autoroutière) ;
• L’amélioration de la connectivité maritime du Maroc ;
• Le renforcement des projets intelligents (SMART PORT) ;
• L’accélération de la digitalisation et de la dématérialisation des processus au profit d’une meilleure fluidité du transit portuaire ;
• Le renforcement de la coopération avec les ports, notamment les ports africains ;
• Le renforcement de l’intégration régionale des ports marocains.

Qu’en est-il de l’état d’avancement de la mise en place des deux grands projets: Nador West Med et Dakhla Atlantique ?
Les travaux de construction du Nouveau Port de Nador West Med (NWMED) sont en cours de réalisation, et ils ont atteint 52%. Ce port, qui jouera le rôle de complémentarité avec le port de Tanger Med, a pour objectif de renforcer le rôle maritime et portuaire du Maroc dans la région de la Méditerranée occidentale, notamment dans la rive sud et tirer bénéfice de sa position géographique pour drainer une partie de l’activité maritime mondiale.
Pour ce qui est du Nouveau port de Dakhla Atlantique (NPDA), la procédure relative au lancement de l’appel d’offres avec présélection est lancée. La première réunion de la phase de présélection des entreprises s’est déroulée le 28 janvier 2021. Ce projet vise à soutenir le développement économique, social et industriel régional dans tous les secteurs productifs et également doter les quatre régions du sud du royaume d’un outil logistique moderne et évolutif à la hauteur de leurs ambitions de développement, en plus de la valorisation des produits de la pêche maritime. Étant un port en eau profonde, ce projet va également jouer un rôle important pour l’Afrique de l’Ouest.

Quels sont, selon vous, les impératifs au développement de la compétitivité portuaire nationale ?
Aujourd’hui, vu l’évolution de la scène maritime internationale, les systèmes portuaires et l’ensemble de la chaîne logistique subissent une forte pression concurrentielle avec l’évolution du transport maritime, l’augmentation de la taille des navires, la fusion des grands transporteurs maritimes ainsi que les enjeux de la sécurité et la sûreté des installations portuaires et les exigences environnementales. Aussi, les états côtiers sont appelés à mettre en place des stratégies qui prennent en considération les mutations que connaît le secteur, en vue de s’y adapter et maintenir leurs ports compétitifs. Et comme il est précisé précédemment, le ministère a adopté une stratégie de développement de ses ports, basée, entre autres, sur les prévisions des trafics portuaires à l’horizon 2030, que nous sommes en train d’actualiser, en vue de prendre en compte l’évolution du contexte économique national et international ainsi que les stratégies des départements sectorielles et les opérateurs portuaires. Notons aussi que le développement de la compétitivité des ports ne peut se faire sans :
1. Un développement harmonieux et une modernisation des ports ;
2. De meilleures conditions de gestion, de coûts, de délais et de sécurité ;
3. Le renforcement des compétences de l’ensemble des personnels de la communauté ;
4. L’usage pertinent des Nouvelles technologies de l’information et de la communication.

Ainsi, le ministère, via les autorités portuaires, œuvre à l’amélioration de la qualité des services, à la sécurité des opérations portuaires et à la réduction des coûts de passage et des coûts logistiques, pour une optimisation de la compétitivité de l’économie nationale en général et des ports en particulier.
Aussi, et afin d’assurer la durabilité de la performance des opérateurs économiques, des plateformes de dématérialisation des flux documentaires et d’échanges d’informations entre la communauté portuaire ont été mises en place, en l’occurrence «Portnet» (pour l’ensemble des ports du royaume) et Port Community System (au niveau du port de Tanger Med). Le Maroc a adhéré, récemment, à l’association internationale «Port Community System», afin de bénéficier et de participer au rôle vital que joue cette plateforme dans la facilitation du commerce mondial, des transports fluides et des opérations logistiques dans des centaines de ports maritimes, d’aéroports et de ports intérieurs. Sur un autre plan, une Stratégie nationale de transformation numérique des ports (SMART PORT), pilotée par l’Agence nationale des ports, est en cours de lancement, dans le but d’actualiser et d’améliorer la compétitivité logistique des ports. Selon cette stratégie, un ensemble de projets à valeur ajoutée pour les différents acteurs portuaires est en cours de mise en œuvre.

Sanae Raqui / Les Inspirations Éco



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