Maroc

Entreprises publiques. L’État-actionnaire au pied du mur

Le Trésor devrait encaisser 19,5 milliards de dirhams de dividendes cette année. Ces revenus proviennent d’un petit noyau de grands comptes : OCP, Maroc Telecom, l’Agence de la Conservation foncière et Bank Al-Maghrib. En parallèle, l’État-actionnaire devrait continuer la perfusion financière de l’ONEE et accompagner l’ONCF et Autoroutes du Maroc à affronter le mur de la dette. Le projet de Loi de finances, en cours de préparation, renseignera sur les premières orientations. 

Pour financer ses dépenses, le Trésor peut compter sur le cercle des habituels grands comptes de son portefeuille qui lui versent chaque année des dividendes en milliards de dirhams. Ainsi en 2022, l’État a reçu 14,14 milliards de dirhams en dividendes et contributions diverses sous formes de redevances. Ceci représente 4 milliards de plus que l’exercice précédent. Un rebond dû aux chèques plus généreux que prévu signés par l’OCP (1,131 MMDH supplémentaires), l’Agence nationale de la Conservation foncière (720 millions de plus) et Maroc Telecom (285 millions de DH de plus).

La capacité de financement en danger ?

Sous l’impulsion des mêmes grands comptes (OCP, Bank Al-Maghrib, Agence de la Conservation foncière et Maroc Telecom), cette embellie devrait se poursuivre cette année. Selon le ministère des Finances, à fin juillet, le Trésor a déjà perçu 7,74 milliards de dirhams, soit un peu plus du tiers de ce qu’il devrait engranger de son portefeuille des participations (19,5 milliards de DH) en 2023.

Mais à force de puiser dans la trésorerie de ses grandes entreprises – qui, de surcroît, sont engagées dans de lourds programmes d’investissement d’avenir-, l’État prend le risque d’affaiblir leur capacité de financement. À l’État-actionnaire de redéfinir sa politique de dividendes en plaçant le curseur au bon endroit. L’Agence qui gère le portefeuille stratégique du Trésor est attendue sur ce plan.

L’urgence de sécuriser les ressources pour financer la généralisation des allocations familiales et de l’assurance maladie peut expliquer en partie la démarche de l’État. Mais l’élaboration d’une stratégie lisible en matière de dividendes ne serait pas de trop, de l’avis de plusieurs experts.

L’ONCF affiche une dette de 43 milliards de dirhams

De toutes les entités du secteur public, l’ONEE est celle qui suscite le plus d’inquiétudes. Au ministère des Finances, on parle de « situation fragile ». Ce qui signifie « très grave » en langage moins diplomatique.

Alors qu’il n’était déjà pas au mieux de sa forme, l’énergéticien national a été sévèrement ébranlé en raison de la flambée des prix des combustibles en relation avec les effets des conséquences liées à l’invasion de l’Ukraine en plus de l’impact du déficit structurel de la branche Eau exacerbé par le renchérissement du coût de l’eau sous l’effet d’un stress hydrique qui s’installe durablement. Pour lui éviter un black-out financier et surtout contenir toute hausse du prix de l’électricité, l’ONEE a déjà reçu un premier apport d’argent frais sous forme de subvention et une garantie du Trésor d’un emprunt obligataire qui lui a permis de traverser la crise.

Mais les autorités sont conscientes que cette perfusion financière ne suffira pas. D’où le fait vert donné au management de l’ONEE par son conseil d’administration de céder une partie des actifs non essentiels à l’exploitation. Tout un travail d’inventaire est en cours, et dès qu’il sera achevé, les premiers arbitrages devraient intervenir. Si la majorité des entreprises publiques ne sont pas dans la situation de fragilité de l’ONEE, certaines, notamment l’ONCF et Autoroutes du Maroc (ADM) font face à un mur de la dette. C’est un dossier brûlant auquel le gouvernement devra apporter une réponse dans la prochaine Loi de finances.

Avec 43 milliards de dirhams de dettes, dues aux investissements massifs dans la ligne à grande vitesse, la rénovation du réseau et des gares, le Cheminot marocain va devoir trouver assez de liquidités pour honorer les échéances qui se font pressantes.

À eux seuls, les revenus dégagés par l’exploitation ne couvriront pas à court terme le service de sa dette colossale. C’est – entre autres – pour mobiliser de l’argent frais que l’ONCF s’est dessaisi d’une partie de ses actifs hôteliers logés désormais dans un holding appartenant au groupe OCP. Comme jadis lorsqu’il a fallu financer le transfert de son régime interne de retraite au RCAR, l’ONCF devrait, cette fois encore, céder une partie de son immense domaine foncier pour renflouer sa trésorerie.

L’autre cas à problème, Autoroutes du Maroc (ADM), affiche une dette (à fin décembre 2022) de 39 milliards de dirhams. Ici aussi, le diagnostic est le même : l’activité ne dégage pas assez de revenus pour couvrir la dette et assurer les futurs investissements, de rénovation et d’extension du réseau. Avec insistance, ADM a été priée de réfléchir sur une refonte de son modèle économique. Entre les lignes, cela veut dire que la société ne pourra plus compter sur le budget de l’État pour financer son réseau. Au mieux, elle peut espérer une garantie sur ses emprunts. 

Abashi Shamamba / Les Inspirations ÉCO



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