Enseignement. Ligne de fracture au sein du PJD
Le projet de loi-cadre sur l’enseignement a fait resurgir les tensions internes au sein du parti leader de la majorité. L’ancien SG, Abdelilah Benkirane, exhorte les députés du parti à ne pas le voter, poussant à la démission du président du groupe parlementaire.
Après son adoption en commission parlementaire, le projet de loi-cadre de l’enseignement faisait son passage hier à la plénière de la Chambre des représentants (à l’heure où nous mettons sous presse, le vote n’a pas encore eu lieu). Un événement qui a permis de mettre au grand jour les grandes divergences qui règnent au sein du PJD, parti leader de la coalition gouvernementale. Buttant sur l’article 2 lié à l’alternance linguistique des matières scientifiques et sur l’article 31 exigeant la maîtrise de la langue amazighe, les parlementaires de la majorité ont fini par voter néanmoins la loi avec des réserves sur ces deux dispositions. Il faut en effet rappeler que le projet de loi-cadre édictait, avant le passage en commission, que le bachelier devrait maîtriser l’arabe et être capable de communiquer en amazighe, les députés ont insisté sur le fait que l’amazighe pour qu’elle soit «maîtrisée» par les élèves à la fin de l’enseignement secondaire au même titre que l’arabe. Même les établissements des missions étrangères doivent s’engager à enseigner l’arabe et l’amazighe aux enfants marocains.
Dans une sortie sur les réseaux sociaux la veille du vote, l’ancien secrétaire général et chef de gouvernement, Abdelilah Benkirane, s’en est pris aux parlementaires de son parti. «J’ai beaucoup pensé à quitter le parti auquel je ne me sens plus honoré d’appartenir», commence-t-il par marteler avant de dresser un tableau peu reluisant sur sa formation politique, indiquant que «le parti est dans une très mauvaise position car ses principes mêmes ont été touchés». Et d’ajouter : «Nous sommes d’accord avec la loi-cadre parce qu’il y a plusieurs points positifs mais nous ne sommes définitivement pas d’accord avec le changement de la langue arabe pour ce qui est de l’enseignement des matières scientifiques avec la langue française» poursuivant que la question «a un lien direct avec l’identité marocaine», précise-t-il.
Pour lui, «la langue arabe constitue une question de principe. C’est une aberration qu’un parti avec une référence islamique abandonne l’arabe dans l’enseignement et la remplace par la langue du colonialisme. C’est un scandale».
Dans la foulée, le chef du groupe parlementaire du PJD au sein de la première Chambre, Driss Azami a présenté sa lettre de démission. Lors d’une rencontre avec les présidents des groupes de l’opposition au niveau des conseils des régions, des provinces, des préfectures, des communes et des chambres professionnelles, le chef de gouvernement, Saâd Dine El Otmani, dans une réponse à peine voilée à Benkirane affirme que «le PJD est un parti d’institutions et non un parti d’individus», mettant en garde contre «le non-respect des décisions prises par le secrétariat général du parti».
Cette division au sein du PJD rapproche la frange pro-Benkirane à l’Istiqlal tandis que ceux favorables à la loi-cadre sont aimantés par les autres partis de la majorité. Pour les premiers, les dispositions du projet de loi-cadre telles qu’elles sont faites aujourd’hui sont de nature à favoriser les langues étrangères principalement le français au détriment de la langue arabe. Les défenseurs de cette thèse brandissent l’article 5 de la Constitution du pays. Ce dernier édicte en effet que «l’arabe demeure la langue officielle de l’État. L’État œuvre à la protection et au développement de la langue arabe ainsi qu’à la promotion de son utilisation».
De son côté, le Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique a coupé la poire en deux, estimant qu’il faut enrichir les fondements de l’ingénierie linguistique, la politique linguistique et culturelle nationale doit viser à «renforcer la maîtrise des deux langues officielles, l’arabe et l’amazighe et l’exploitation de leurs acquis linguistiques et culturels dans l’enseignement préscolaire tout en offrant aux apprenants la possibilité d’acquérir les langues étrangères les plus importantes dans les domaines de la formation, de la recherche et de la communication».