Maroc

Energie : 2021, l’année de l’hydrogène vert (RETRO)

Malgré la brouille avec l’Allemagne, le pays européen qui lui a mis le pied à l’étrier dans ce domaine, le Maroc a continué à poursuivre fermement son chemin devant le conduire vers son fauteuil de champion régional dans la production et l’export de l’hydrogène vert et de ses dérivés. C’est ainsi que tour à tour, les autorités chargées du projet ont édifié une feuille de route 2020-2050, créé un cluster dédié et identifié l’espace à Jorf Lasfar qui va accueillir la plateforme de recherche et de valorisation de l’hydrogène. Même un événement d’envergure internationale dénommé «World Power To X Summit» existe. 

Au mois de mai dernier, le ministère de l’Énergie, des mines et de l’environnement a officiellement dévoilé la nouvelle stratégie nationale de développement de l’hydrogène vert. Et donc, malgré la brouille qui persistait avec l’Allemagne, principal partenaire de notre pays dans ce chantier hautement stratégique, le Maroc a décidé d’avancer. La nouvelle feuille de route, conçue après une large concertation, court sur la période 2020-2050. Elle est sectionnée en trois décennies, avec des objectifs clairs d’applications fixés pour chacune d’entre elles et des plans d’action.

Une stratégie scindée en trois parties…
C’est ainsi que sur la décennie 2020-2030, le ministère et ses partenaires visent trois principaux objectifs : utiliser les molécules vertes, notamment l’hydrogène, l’ammoniac et le méthanol, comme matière première dans l’industrie ; procéder à leurs exportations, principalement vers l’Europe ; et se lancer dans l’exploration de gisements d’hydrogène naturel. Ensuite, sur la seconde décennie 2030-2040, le Maroc a décidé de développer les premiers projets économiquement viables dans ce qui est également dénommé le Power-to-x (PtX) ; d’exporter des combustibles liquides synthétiques ; et d’utiliser l’hydrogène comme vecteur de stockage d’énergie. Sur la troisième et dernière décennie enfin (2040-2050), le ministère se lancera dans l’amélioration de la capacité nationale de production d’hydrogène, d’ammoniac et des carburants synthétiques verts pour booster les exportations ; et dans l’utilisation locale de l’hydrogène vert dans l’industrie, la production de chaleur, le secteur résidentiel, la mobilité urbaine et le transport aérien.

Et huit plans d’action thématiques
S’agissant des plans d’action, ils sont au nombre de huit adossés à des thématiques telles que le développement du contenu local, la recherche-innovation, le financement, la réduction des coûts, les exportations, les marchés intérieurs, le stockage et la création d’un cluster dédié à l’hydrogène. Pour le développement du contenu local, par exemple, quatre actions seront initiées. La première va consister à légiférer dans le domaine du power-to-x pour garantir des règles du jeu équitables aux acteurs nationaux et aux citoyens. Secondo, il est envisagé de renforcer la coordination université-industrie-recherche-formation. Tertio, le transfert de compétences à l’industrie et aux chercheurs sera institué.

Et puis, la coopération internationale et la création de joint-ventures seront favorisées. Pour ce qui est du financement, essentiel pour tout projet, il est envisagé de s’engager dans des PPP pour déployer l’infrastructure nécessaire, obtenir un soutien international, fournir un soutien indirect, favoriser accords et associations, favoriser les projets PtX intégrés et exploiter les outils internationaux de financement. Autres exemples d’actions envisagées pour les exportations : la mise en place d’un transport maritime de combustibles liquides synthétiques ; le déploiement d’infrastructures de production, de stockage et d’exportation et le déploiement d’infrastructures portuaires adaptées.

Certains projets sont déjà lancés
Sur ce dernier plan, il faut signaler que le travail a déjà commencé, depuis l’année dernière. En effet, une lettre d’entente a été signée par les autorités des ports de Tanger Med et de Hambourg, et des spécialistes allemands avaient déjà fait le déplacement pour aider le port marocain à mettre en place l’infrastructure nécessaire pour l’exportation du PtX. La lettre d’entente prévoyait également l’échange d’expériences et de bonnes pratiques en matière de cybersécurité portuaire et de digitalisation. Sur le plan d’action relatif à la création d’un cluster industriel aussi, un grand pas a été déjà franchi.

Création d’un cluster Green H2
En effet, le cluster GreenH2 a été mis en place en mars dernier. Ses objectifs vont consister, d’une part, à contribuer à l’émergence d’une filière de l’hydrogène vert compétitive, et de positionner le Maroc comme hub régional leader dans l’export de l’hydrogène vert et de ses dérivés. Et, d’autre part, à œuvrer à fédérer l’écosystème national autour d’objectifs communs et de co-construire un cadre réglementaire incitatif et équitable en faveur du développement de la filière. Ceci sans oublier qu’il sera dédié à l’innovation et à la valorisation industrielle de l’hydrogène, à travers le développement des technologies hydrogène et l’élaboration d’un schéma directeur des infrastructures correspondantes, notamment en s’appuyant sur les infrastructures de l’Institut de recherche en énergie solaire et énergies nouvelles (IRESEN), développées en partenariat avec l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P).

Une commission technique nationale active
Signalons que cette feuille de route est le fruit du travail de la Commission technique nationale Power-To-X, mise en place par le ministère de l’Énergie, des mines et de l’environnement en 2019. Cette commission était notamment scindée en trois groupes de travail. Un groupe chargé de décliner la feuille de route en un portefeuille de projets concrets, pilotes et de déploiement des technologies Power-to-x. Un groupe chargé d’élaborer une approche appropriée pour développer les exportations de molécules vertes, afin de saisir les opportunités offertes au Maroc et qui s’illustrent déjà par l’intérêt exprimé par les partenaires européens du royaume. Tandis que le travail du troisième portait sur le renforcement de la recherche-développement dans les différents domaines liés au Power-to-x.

Le Maroc pourrait capter jusqu’à 4% de la demande mondiale en PtX d’ici 2030
Bref, ces derniers ont travaillé sous la houlette de l’ancien ministre de l’énergie, avec en ligne de mire, l’importance des technologies PtX pour le tissu économique marocain, en particulier le secteur industriel pour lequel le Maroc est appelé à adopter les meilleures solutions et à mobiliser tous les moyens nécessaires pour renforcer davantage sa compétitivité et faire face aux nouvelles exigences, notamment de nos partenaires dans l’objectif de promouvoir nos exportations.

A cet effet, les technologies PtX permettraient d’avoir une économie décarbonée, particulièrement dans les secteurs industriel et du transport. En effet, deux études présentées en 2019 par trois instituts de recherche allemands Fraunhofer (IMWS, IGB et ISI) ont révélé que, grâce à sa situation géographique privilégiée et son potentiel exceptionnel en énergies éolienne et solaire, le Maroc pourrait capter une part non négligeable de la demande de PtX, estimée entre 2 et 4% de la demande mondiale dès 2030. A cet horizon, l’ammoniac vert offrirait d’importantes opportunités au pays pour satisfaire les besoins de son industrie locale des engrais et celle du marché international à long terme.

Un événement international dédié
Fonçant vers cette perspective, qui demande de lever beaucoup de moyens financiers, les autorités ont mis en place un événement d’envergure internationale qu’elles organisent chaque année. Dénommée World Power To X Summit, sa première édition s’est déjà tenue en décembre en 2020 en mode virtuelle. C’était une plateforme régionale d’échange, dédiée à l’hydrogène vert et à ses applications (filière «Power-To-X»). Plusieurs ministres, secrétaires d’état, dirigeants d’entreprises, représentants d’organismes nationaux et internationaux (CESE, AIE, IRENA, Dii,..), chercheurs et experts y avaient pris part. Lors de la session inaugurale, l’ex-ministre de l’Énergie avait rappelé que l’hydrogène vert constitue une réelle opportunité pour notre pays, et que le partenariat international est un facteur clé pour l’émergence de cette filière. Poursuivant dans cette dynamique, la seconde édition était envisagée en novembre, mais la fermeture des frontières décidée par les autorités pour contenir le variant Omicron a finalement eu le dessus.

Une plateforme de recherche technologique en cours d’édification à Jorf Lasfar
L’événement a été donc reporté à une date ultérieure, mais cela n’a nullement affecté l’élan de construction de la filière puisqu’en début décembre, l’Iresen, l’UM6P et OCP annonçaient qu’ils allaient édifier la plateforme technologique Green H2A, dédiée à la R&D et à l’innovation dans la filière de l’hydrogène vert et ses applications à Jorf Lasfar. Un accord-cadre de coopération a été signé dans ce sens. Bref, le Maroc avance vers ce créneau où la réalisation de la feuille de route a besoin de partenaires comme l’Allemagne par exemple. Sur ce plan-là, il est réjouissant de constater que les relations entre nos deux pays se rétablissent progressivement. La volonté est en tout cas affichée des deux côtés et ce qui se profile à l’horizon est très réconfortant !

Les actions envisagées d’ici 2050

– La mise en place de mesures nécessaires pour l’intégration industrielle locale de la filière hydrogène à travers la formation des ressources humaines et le transfert d’expertise auprès des compétences marocaines ;
– L’élaboration d’un plan national de stockage ayant pour objectif de valoriser l’utilisation de l’hydrogène et de ses dérivés en tant que source d’énergie ;
– Assurer le financement nécessaire au développement de l’hydrogène et aux activités de production associées en renforçant la coopération internationale avec nos partenaires internationaux, ainsi que la création de nouveaux partenariats en vue de saisir les opportunités offertes par la filière hydrogène ;
– Le développement d’un marché national de l’hydrogène, en invitant les opérateurs et les investisseurs à utiliser une énergie propre basée sur l’hydrogène vert ;
– La réduction des coûts tout au long de la chaîne de valeur de la filière de l’hydrogène vert et de ses dérivés ;
– La création d’un pôle de recherche et développement (R&D) marocain et régional dont l’objectif est de renforcer l’engagement dans les activités de R&D et de proposer un ensemble de projets pilotes afin de consolider la position de notre pays en tant que centre d’’expertise en nouvelles technologies ;
– La création des conditions favorables à l’exportation de l’hydrogène et de ses dérivés, avec une priorité donnée à son exportation vers l’Europe, où la demande est prévue d’être forte dans les années à venir.

Aziz Diouf / Les Inspirations ÉCO


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