Emploi : les priorités seront revues au Maroc
Les priorités gouvernementales en matière d’emploi seront redéfinies à cause des répercussions de la pandémie sur le marché du travail. Une réunion de la Commission ministérielle de l’emploi est prévue en mars. L’Exécutif est appelé à présenter un bilan détaillé de sa stratégie nationale.
La Commission ministérielle de l’emploi, qui a dû ajourner sa réunion programmée en février 2020 à cause du spectre de la pandémie, devra plancher, en mars, sur le dossier de la redéfinition des priorités du marché du travail sur la base des conclusions des commissions techniques. En ces temps de crise, il s’avère nécessaire de revoir la stratégie de l’emploi et d’ajuster les mesures pour s’adapter aux nouvelles contraintes imposées par la pandémie. Le gouvernement est appelé, avant tout, à dresser un bilan détaillé du plan national de l’emploi qui a été lancé en 2018, en évitant de brandir la carte de «force majeure» pour justifier son incapacité à honorer l’ensemble des engagements tracés à l’horizon 2021. Les chiffres de l’emploi font froid dans le dos, à commencer par le taux de chômage qui a atteint 11,9%. Sauf que le ministre du Travail et de l’Insertion professionnelle, Mohamed Amakraz, qui a été interpellé par les députés sur ce dossier, ne voit visiblement pas les choses du même œil. Il considère ce taux comme un «exploit» après les premières prévisions du Haut-commissariat au Plan (HCP) qui s’attendait au pire, soit 14,8%. Le responsable gouvernemental défend le bilan gouvernemental bien que les chiffres du marché du travail attestent que l’on est encore loin du compte, alors que le mandat gouvernemental tire à sa fin.
Selon les statistiques du ministère de tutelle le gouvernement a créé, entre 2017 et 2019, quelque 486.435 emplois dans le secteur privé (nombre des nouveaux déclarés à la CNSS, sans compter les cas de régularisation) et 142.572 dans le secteur public au cours de la même période, soit un taux de réalisation de 52% de l’objectif de 1.200.000 emplois, fixé par le plan national de promotion de l’emploi, baptisé «Moumkin». Ces chiffres officiels du gouvernement sont pris avec des pincettes par les députés de l’opposition. Il faut dire que la polémique sur les chiffres n’est pas encore tranchée. Il existe en effet un grand écart entre les chiffres du gouvernement et ceux du HCP en matière de création d’emploi en raison de la différence dans la méthode de calcul entre les deux parties ainsi que de l’angle de traitement du dossier et des indicateurs adoptés. On reproche à l’Exécutif de se baser, dans ses calculs, sur les nouvelles inscriptions à la CNSS sans prendre en considération ni les pertes d’emploi qui n’impliquent pas une désinscription immédiate de la CNSS ni la destruction des emplois non-enregistrés au niveau de cette caisse. Les enjeux sont de taille pour booster l’emploi. Il s’avère primordial d’agir sur plusieurs fronts, à commencer par la promotion du taux de la croissance. Le gouvernement n’a pas pu, jusque-là, résoudre la problématique de la baisse considérable du taux de croissance sur la création de l’emploi qui est passé de 30.000 postes par point de croissance entre 2000/2008 à seulement 10.500 postes. À cela s’ajoute le ralentissement de la croissance au cours des dernières années. Or, sans promotion de croissance, il s’avère difficile de donner un coup de fouet à l’emploi surtout au niveau territorial. Le renforcement de la dimension régionale fait partie des axes stratégiques de la stratégie de l’emploi.
À ce titre, les diagnostics territoriaux ont été finalisés et des programmes régionaux d’insertion professionnelle des jeunes ont été lancés. Reste à savoir si ce programme a porté ses fruits. Le gouvernement est très attendu pour faire le point sur ce dispositif censé s’adapter aux besoins de chaque région. Par ailleurs, la valorisation des ressources humaines et l’adaptation de la formation aux exigences du marché du travail s’imposent. À cet égard, les efforts déployés sont jugés insuffisants et sans grand effet sur le marché de l’emploi. Une évaluation minutieuse du contexte des structures économiques nationales s’avère également indispensable car l’offre d’emploi reste en majorité sans qualification et peu rémunérée.
S’agissant des programmes actifs de l’emploi, ils nécessitent une révision globale en vue de les améliorer de manière périodique et d’évaluer leur impact sur les bénéficiaires. Certes, des efforts sont déployés en la matière, mais ils restent insuffisants par rapport aux défis actuels. L’heure est à une analyse profonde de ces programmes pour décider s’il faut maintenir le même dispositif ou créer de nouveaux mécanismes pour rectifier le tir. Le dossier épineux du secteur informel n’est pas en reste. Il s’agit non seulement d’assurer l’intégration de ce secteur dans l’économie nationale, mais de garantir des conditions de travail décentes et sécurisées aux travailleurs, pour éviter des drames, tels que celui de l’usine de Tanger.
Des objectifs utopiques
La stratégie gouvernementale de l’emploi à l’horizon 2021 prévoit la création de quelque 1.200.000 opportunités d’emplois à l’horizon 2021. Un objectif très ambitieux sur le plan quantitatif car il s’agit de la création de 240.000 postes d’emploi par an. Un chiffre jamais réalisé au cours des vingt dernières années. Dès son annonce, il a été considéré comme utopique par le secteur privé et les observateurs. Les parlementaires continuent de le pointer du doigt. Le gouvernement misait sur nombre de mesures pour atteindre les résultats escomptés (formation, incitations au profit des entreprises, optimisation de l’impact des investissements publics sur l’emploi, réforme législative…), mais il s’avère difficile de mettre en œuvre toutes les mesures gouvernementales visant la promotion de l’emploi. La situation s’est compliquée davantage en 2020 en raison de la crise sanitaire. Ainsi, le plan quinquennal de promotion de l’emploi sera étendu jusqu’en 2030.
Jihane Gattioui / Les Inspirations Éco