Maroc

El Othmani épinglé pour le choix de la continuité

Interpellé par les parlementaires de la Chambre des conseillers sur l’épineuse question de l’emploi, le chef de gouvernement Saâd-Eddine El Othmani n’a pas visiblement convaincu l’opposition quant à son choix de la continuité alors que le précédent gouvernement était très critiqué sur ce dossier.

Le gouvernement d’El Othmani est très attendu sur le dossier de lutte contre le chômage. L’actuelle équipe gouvernementale est appelée à réussir là où les anciens gouvernements ont échoué en mettant sur les rails des choix judicieux et écoutant les propositions des différents acteurs. En tout cas, c’est l’espoir émis par les parlementaires de la Chambre haute, lors de la séance dédiée à la politique générale qui s’est déroulée sans étincelles et a été marquée par une grande absence des conseillers malgré l’importance des thématiques discutées. Il est temps de mettre en place de nouvelles mesures pour s’attaquer à ce dossier épineux. L’opposition appelle à rompre avec l’ancienne politique de l’emploi qui a montré ses limites. Mais, visiblement, le gouvernement ne compte pas la changer de fond en comble. En dépit des critiques, le chef de l’Exécutif entend simplement améliorer la fameuse stratégie de l’emploi qui a été adoptée par l’ancien gouvernement. À ce titre, une conférence nationale sera tenue pour adapter la stratégie aux nouvelles exigences du marché du travail.

El Othmani promet d’opter pour une approche de concertation avec les différents acteurs sur cette question dont les parlementaires et le secteur privé. Mais, l’opposition n’apprécie pas la politique de continuité du chef de gouvernement, à commencer par le modèle économique qui devra être revu pour booster le taux de croissance et l’emploi des jeunes. Le taux de croissance réalisé au cours des dernières années ne permet pas de résorber le chômage.

Le Maroc a enregistré la création nette de 42.000 emplois en moyenne par an, entre 2012 et 2015. Un chiffre jugé, on ne peut plus, insuffisant en raison des flux annuels des demandeurs d’emploi. Le président du groupe de la CGEM à la Chambre des conseillers, Abdelilah Hifdi estime le nombre des jeunes qui affluent chaque année au marché de l’emploi marocain à 650.000 dont 220.000 lauréats de la formation professionnelle, 250.000 de l’enseignement supérieur et les victimes de la déperdition scolaire. Les besoins de création de nouveaux emplois sont, ainsi, énormes alors que l’économie marocaine n’arrive pas à relever ce défi. Face à l’ampleur de l’enjeu de la promotion de l’emploi, comment le gouvernement entend-il s’attaquer à la problématique du chômage ? Outre «l’amélioration» de la stratégie de l’emploi, El Othmani compte sur le pilier économique en mettant en place les conditions nécessaires pour augmenter le taux de croissance et créer, ainsi, des postes d’emplois suffisants. La concrétisation de cet objectif passe par la promotion de l’investissement notamment dans le secteur industriel et celui des services.

L’Exécutif s’assigne aussi pour objectif d’évaluer les programmes de promotion de l’emploi. «On ne va pas inventer la roue», tient à souligner El Othmani. Ce choix n’est pas apprécié par l’opposition qui appelle à créer de nouveaux mécanismes et à améliorer ceux mis en place. La nécessité du renforcement de l’intermédiation a été au cœur des interventions des parlementaires. À ce titre, des critiques acerbes ont été adressées au rôle jugé timide de l’Agence nationale de promotion de l’emploi et des compétences (ANAPEC). Le développement des actions de l’agence, rappelons-le, se heurte à l’insuffisance des ressources humaines et des moyens financiers.

L’ANAPEC ne compte que 450 conseillers en emploi alors que des centaines de milliers de lauréats arrivent sur le marché chaque année. Les ressources humaines de l’agence restent insuffisantes pour répondre aux besoins surtout que l’agence envisage d’encadrer et d’accompagner les non-diplômés. L’élargissement du champ d’action de l’ANAPEC, aussi bien au niveau territorial que catégoriel, requiert des moyens humains et financiers.

Outre ce volet de la plus haute importance, l’adaptation de la formation aux exigences du marché de l’emploi reste un vœu pieux. L’opposition sort l’artillerie lourde contre le système de formation professionnelle qui ne répond pas suffisamment aux exigences du marché du travail alors que le chef de gouvernement le défend bec et ongles.

Par ailleurs, tout le monde s’accorde sur la nécessité d’adopter une approche régionale de l’emploi dans le cadre de la régionalisation avancée. Des pistes sont déjà identifiées sur le plan régional, comme le développement de l’emploi dans les services d’utilité publique et sociale à travers des subventions aux associations, la promotion de l’emploi au profit des titulaires d’un diplôme de niveau licence et plus dans des spécialités qualifiées de non-porteuses, via des contrats aidés (incitations aux entreprises) ainsi que l’encouragement de l’auto-emploi pour les porteurs de projets sélectionnés par une commission d’experts à travers l’octroi de prêts d’honneur ou de subventions pour le démarrage de projets. Pour El Othmani, la promotion de l’emploi est érigée en priorité par le gouvernement, car il s’agit d’une condition sine qua non pour lutter contre la pauvreté et la vulnérabilité. Tout en saluant les efforts déployés par l’État (INDH, RAMED, Tayssir, programme d’un million de cartables, appui direct aux veuves…), le chef de l’Exécutif reconnaît que la pauvreté et la vulnérabilité touchent encore plusieurs familles notamment en milieu rural. En 2014, 1,6 million de Marocains étaient en situation de pauvreté absolue, dont 79,4% en milieu rural et 4,2 millions en situation de vulnérabilité, selon le Haut-commissariat au Plan. Le HCP propose au gouvernement une politique de ciblage basée sur les approches territoriale et sociale dans la lutte contre la pauvreté.

À cet égard, El Othmani s’engage à mettre en place un système global d’appui social en parallèle avec le parachèvement de la réforme de la Caisse de compensation. Une attention particulière sera accordée au milieu rural. Le gouvernement entend mettre en place une nouvelle approche basée sur la convergence de tous les programmes sectoriels destinés au milieu rural et aux zones montagneuses et forestières. De nombreux projets ont été, certes, mis en place au cours des dernières années. Mais ils n’ont pas permis d’atteindre les objectifs escomptés en raison du manque de coordination, de l’avis du chef de l’exécutif. Dans le cadre du nouveau programme du développement rural auquel est dédiée une enveloppe de 50 MMDH, les différents départements devront accorder leurs violons. Des commissions régionales composées des acteurs concernés dont les présidents de régions seront chargés de faire le suivi des projets d’investissements programmés.


Abdelilah Hifdi
                président du groupe de la CGEM à la Chambre des conseillers

«Le taux de croissance est très faible et n’est pas inclusif. Il s’avère impératif de réviser le modèle économique en réorientant l’investissement vers les secteurs prometteurs ayant un véritable impact sur la création de l’emploi. L’innovation devra être considérée comme un levier fondamental pour améliorer la productivité de l’entreprise qui crée la richesse et l’emploi. Toute incitation à l’entreprise est destinée à la promotion de l’emploi. À cela s’ajoute la nécessité d’évaluer l’impact des stratégies sectorielles sur l’emploi».

Aziz Benazzouz
président du groupe du PAM à la Chambre des conseillers

«Il faut faire des choix urgents à commencer par la création d’un mécanisme visant à unifier les chiffres et les statistiques et d’un fonds pour la garantie de l’emploi des jeunes dans chaque province avec la participation de l’État. Le Conseil d’administration de ce fonds devra être constitué de tous les intervenants dans le financement, dont les élus et le secteur privé. Il est aussi impératif de réviser les programmes de formation professionnelle et d’activer le contrat de travail primaire à travers des mesures incitatives relatives à l’IR et l’IS pour intégrer les jeunes diplômés».


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