Don de sang : Ramadan, un mois critique pour les réserves
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Au centre régional de transfusion sanguine de Casablanca, le constat est alarmant. Alors que les besoins restent constants, les donneurs se font rares, particulièrement en ce début de Ramadan. Entre horaires aménagés et manque de mobilisation, la situation inquiète les professionnels de santé.
«Il faudrait malheureusement une autre catastrophe pour que les gens viennent en masse», soupire, fataliste, le gardien du parking devant l’Agence marocaine du sang et de ses dérivés de Casablanca. Ce matin-là, devant l’établissement situé au cœur du Quartier des hôpitaux, le silence est pesant. Aucun donneur à l’horizon. Seules quelques personnes se pressent à l’entrée pour récupérer des poches destinées aux malades.
En temps normal, les centres de don de sang ouvrent à 9h du matin, ce qui peut déjà dissuader certains. Mais avec Ramadan, l’affluence est encore plus faible. Pour encourager les dons, les horaires sont aménagés, les centres restant ouverts après la rupture du jeûne, jusqu’à minuit. Pourtant, la fréquentation ne suit pas.
«Beaucoup pensent que donner son sang en période de jeûne est risqué, qu’ils vont se sentir faibles ou fatigués», confie une infirmière du centre.
Une idée reçue qui pèse lourd sur les réserves. Le problème est récurrent chaque année. Mais cette fois-ci, la situation est d’autant plus préoccupante que la demande reste constante. Victimes d’accidents, patients souffrant de maladies chroniques, personnes nécessitant des interventions chirurgicales…, chaque jour, des vies dépendent de ces poches de sang qui se font rares.
Un écart frappant entre les besoins et les dons
Chaque région du Maroc a des besoins spécifiques en matière de transfusion sanguine. Casablanca, en raison de sa densité de population et du nombre élevé d’hôpitaux, est particulièrement sous pression. «Nous avons besoin de 600 poches de sang par jour pour assurer un approvisionnement suffisant des hôpitauxdde», explique Dr Fatima Elkabbas, représentante de l’Agence marocaine du sang et de ses dérivés à Drâa-Tafilalet.
À titre de comparaison, «une région comme Drâa-Tafilalet a besoin d’environ 600 poches par mois», précise-t-elle. Un écart frappant qui illustre l’urgence de la situation dans la métropole économique du pays. Pour pallier cette baisse critique des stocks, des campagnes spéciales sont organisées pendant le mois Sacré.
«Nous travaillons en étroite collaboration avec le ministère des Habous pour encourager les dons dans les mosquées», explique Dr Elkabbas.
Ce partenariat vise à sensibiliser les fidèles sur l’importance du don de sang et à leur rappeler que cet acte de générosité peut sauver des vies. Mais l’un des moments les plus attendus reste la journée du 8 mars, qui tombe, cette année, en plein Ramadan. «C’est une date symbolique, car elle marque une forte mobilisation grâce aux associations. C’est aussi le jour où Sa Majesté le Roi Mohammed VI avait donné son sang, un geste qui continue
d’inspirer», souligne la spécialiste.
Lever les freins psychologiques
Si le don de sang est un acte solidaire et essentiel, il est souvent entouré de nombreuses idées reçues, surtout en période de jeûne. Pourtant, les experts sont formels, il est tout à fait possible de donner son sang durant Ramadan, sans mettre sa santé en danger.
«Il est impératif d’avoir mangé avant et après le don. Nous prélevons 450 ml de sang, et il faut compenser cette perte en buvant au minimum la même quantité d’eau», explique Dr Elkabbas.
Cette précaution permet d’éviter toute sensation de fatigue et de maintenir un bon équilibre hydrique. Le moment idéal pour donner ? Après la prière des Tarawih.
«C’est le moment où le corps est le plus reposé et où l’hydratation a déjà commencé après la rupture du jeûne», précise la spécialiste.
Autre point essentiel, être en bonne santé. «Donner son sang, c’est sauver une vie, mais il faut aussi penser à préserver la santé du donneur. Si une personne ne se sent pas bien, elle ne doit pas le faire», rappelle Dr Elkabbas.
Contrairement à certaines craintes, un don de sang n’impacte pas la capacité à jeûner.
«Après avoir donné son sang, on boit de l’eau et on peut poursuivre son jeûne normalement le lendemain», assure la docteure.
Et pour ceux qui hésitent encore, une bonne nouvelle, «les cellules sanguines se régénèrent en 48 heures, et donner son sang régulièrement améliore même la santé sur le long terme», précise notre interlocutrice.
Un appel urgent à la mobilisation
Si des milliers de Marocains ont répondu présents après le séisme d’Al Haouz, la mobilisation reste insuffisante au quotidien. Les stocks de sang ne doivent pas dépendre uniquement des catastrophes ou des appels de dernière minute. Chaque goutte de sang compte.
Aujourd’hui plus que jamais, les centres de l’Agence marocaine du sang et de ses dérivés ont besoin de donneurs réguliers. Le don de sang est un geste simple, rapide, sans danger, et qui peut sauver jusqu’à trois vies pour chaque prélèvement. L’appel est lancé !
Faiza Rhoul / Les Inspirations ÉCO