Diplomatie : comment le Maroc marque des points
Sur le dossier du Sahara, axe-clé de sa politique étrangère, le Royaume a réussi un spectaculaire renversement des rapports de force. Le soutien de l’Espagne et des États-Unis sont les deux derniers faits majeurs d’une approche gagnante.
Pas un trimestre ne passe sans qu’un nouveau pays n’annonce l’ouverture d’un consulat dans les provinces du Sud, à Laâyoune ou Dakhla. À ce rythme, cette dernière pourrait prétendre bientôt au statut de «deuxième capitale administrative» du Royaume ! Le dernier en date est celui du Togo, ouvert le 21 juillet dernier.
À ce jour, le réseau des consulats ouverts dans la région comprend 27 représentations diplomatiques (15 à Dakhla et 12 à Laayoune). Et leur implantation n’a rien de symbolique. Elle consacre, en effet, la formidable réussite (reconnue y compris par les adversaires de Rabat) d’une stratégie africaine patiemment mise en œuvre depuis l’intronisation du Roi Mohammed VI. Une politique qui vient renforcer encore plus, si besoin était, la souveraineté du Royaume sur son Sahara, et place définitivement les sponsors du Polisario sur la défensive.
En vingt-trois ans, la diplomatie marocaine a réussi à inverser totalement les rapports de force diplomatiques en sa faveur, et ce, bien au-delà du continent africain. Le fait le plus spectaculaire enregistré cette année a été, sans aucun doute, la reconnaissance claire et nette par l’Espagne de la souveraineté marocaine sur son Sahara. Madrid a rompu avec la vieille position d’équidistance à laquelle se tenait sa diplomatie depuis des décennies sur ce dossier.
Cette clarification n’a rien d’anodin au regard de son statut d’ancienne puissance coloniale et de son poids dans l’Union européenne. Bien avant celui de Madrid, l’autre gros coup réussi par le Maroc a été la reconnaissance par les États-Unis de la marocanité du Sahara, et ce juste avant le départ de Donald Trump de la Maison Blanche, dans la foulée des «accords d’Abraham», au terme desquels plusieurs pays arabes, dont le Maroc, ont décidé de normaliser leurs relations avec Israël. Oui, même si une partie de l’opinion n’est peut-être pas d’accord avec la reprise opérée avec Tel-Aviv, il reste que les termes de l’échange sont clairement en faveur de l’intérêt supérieur du pays et de son intégrité territoriale autour de laquelle se retrouvent tous les Marocains.
Le rapprochement avec l’État hébreu, qui marque une évolution géopolitique majeure au niveau international, ne s’est aucunement opéré au détriment du soutien du Royaume à la question palestinienne. Bien au contraire, il a donné des arguments supplémentaires à Rabat, qui, historiquement, a toujours été un élément modérateur dans le conflit du Proche Orient. Le retour triomphal de Rabat au sein de l’Union africaine, en 2017, après une absence de 33 ans, et l’appui croissant des États africains à la reconnaissance de la marocanité du Sahara ont été le premier étage d’une fusée diplomatique dont le moteur n’a jamais faibli.
À la diplomatie du chéquier (pétrodollars) de ses adversaires, le Maroc a opposé une stratégie multidimensionnelle, fondée sur le partenariat. L’innovation de cette nouvelle approche fut la fin du boycott des États qui soutiennent le Polisario. Le Royaume déroula alors une vision fondée sur la solidarité, peu importe que le pays soutienne ou pas son intégrité territoriale. Le pilotage royal de la politique étrangère a joué un rôle central dans cette réorientation. En effet, la pérennité des accords de coopération reposait sur la caution symbolique apportée par le Roi à l’entretien de liens personnels avec les chefs d’État africains.
Ainsi, le Souverain a effectué une quarantaine de visites d’État en Afrique sub-saharienne, instaurant de nouveaux cadres de coopération multisectoriels avec les pays de la région. En appui de cette impulsion royale, l’ensemble des ministères, ainsi que le secteur privé, furent mis à contribution pour instaurer un cadre juridique, des normes et des règles de coopération propres à faciliter le travail des secteurs publics comme privés.
Dans le prolongement, ou en préparation des visites royales, les déplacements du ministre des Affaires étrangères permettaient d’assurer le bon déroulement des négociations. La reconnaissance des provinces sahariennes n’étant plus une condition à l’établissement d’un cadre de coopération, le champ était, désormais, plus libre. Le soutien à son intégralité territoriale n’était toutefois pas le seul leitmotiv de la stratégie africaine de Rabat. Depuis le début du règne de Mohammed VI, le Maroc s’est ouvert aux marchés mondiaux des capitaux, en quête d’une émergence via la croissance économique.
Cette stratégie s’est illustrée par des investissements considérables dans les infrastructures et par la transition vers la production industrielle, l’automobile et l’aéronautique en étant les deux success-stories les plus notoires. De nombreuses grandes entreprises souhaitent désormais offrir leurs services à l’extérieur des frontières marocaines et investir de nouveaux marchés en Afrique. C’est le cas, par exemple, de certains groupes bancaires, de Maroc Telecom et de plusieurs sociétés de BTP, devenues, aujourd’hui, des références sur le continent. À noter que les entreprises marocaines investissent majoritairement dans les secteurs des banques et assurances (41% des IDE), les télécommunications (35%), les Holding (10%) et l’immobilier (7%). Les principaux pays de destination des IDE marocains sont le Mali, le Sénégal, le Cameroun et la Côte d’Ivoire.
Promoteur de la paix
Le Maroc s’est également voulu un promoteur de la paix en Afrique en intervenant dans des conflits, comme médiateur, ou en participant aux opérations de maintien de la paix, un domaine où il détient une expertise reconnue : en Côte d’Ivoire, le Maroc a contribué à l’opération des Nations Unies (ONUCI) depuis le 4 avril 2004. En 2007, les FAR participent à l’opération conduite conjointement par l’Union Africaine et les Nations Unies au Darfour. En République Démocratique du Congo, le Maroc participe, depuis 1999, à la mission des Nations Unies pour la paix et en 2010, à la MONUSCO, (Mission de l’ONU pour la stabilisation en République démocratique du Congo) puis à la MINUSCA, en Centrafrique.
Plus récemment, en 2013, les FAR interviennent dans la mission MUNISMA pour la stabilisation du Mali. Le Maroc se pose ainsi comme un acteur modéré, contribuant à la paix entre les peuples, et ce dans un rôle actif au sein des instances multilatérales. Cela lui permet de développer des réseaux d’alliances et une réputation de médiateur, ce que certains auteurs qualifient, justement, de politique de «puissance relationnelle».
Abashi Shamamba / Les Inspirations ÉCO