Diaspora de l’Oriental : entre retour aux sources et dynamisme économique
Ils sont plus de cinq millions à porter les couleurs de leur pays à l’étranger, dont une part significative provient de la région de l’Oriental. Plus que de simples ambassadeurs culturels, les Marocains résidant à l’étranger (MRE) sont des acteurs majeurs du développement économique, attachés à leurs racines. À l’occasion de l’opération Marhaba, focus sur nos MRE de l’Oriental…
Depuis quelques décennies, les premières chaleurs de juin annoncent le retour annuel des MRE dans leur région d’origine. Majoritairement installés en Europe, ils affluent entre juin et septembre, générant l’un des plus importants flux migratoires saisonniers au monde. En 2023, ce mouvement a dépassé les trois millions de retours au niveau national.
Opération Marhaba : Un dispositif bien rodé
Depuis 2001, le Maroc organise l’opération Marhaba pour encadrer ce déplacement massif. En collaboration avec les pays européens de résidence, ce dispositif inclut des infrastructures d’accueil telles que des bureaux d’informationet des points médicaux, et mobilise des moyens de transport supplémentaires.
La région de l’Oriental, en raison de sa position stratégique et de l’importance de sa diaspora en Europe, accueille une part considérable de ce flux via le port Nador Beni Nsar, le poste frontalier Bab Melilla, ainsi que les aéroports de Nador et d’Oujda Angad.
À ces points d’entrée, les MRE bénéficient de sites d’accueil mobilisés tout au long de l’opération, offrant des services d’assistance sociale et médicale grâce à un personnel qualifié composé de cadres de la Fondation Mohammed V pour la solidarité, de médecins, et de volontaires.
Retour aux sources
Le retour des MRE est marqué par des retrouvailles sociales et un tourisme culturel. En revisitant le patrimoine de leur terre natale, ils deviennent des touristes dans leur propre pays. Le littoral méditerranéen, de Sid El Bachir à Saïdia, en passant par Tcharrana et autres, offre une multitude de sites naturels et de plages prisées. Les gorges de Zegzel et les grottes environnantes attirent également de nombreux visiteurs. Culinaire, leur séjour est une redécouverte des saveurs traditionnelles telles que les Kaak, Bakbouka, et Karane, dégustées dans les ruelles de l’ancienne médina d’Oujda ou les souks de Figuig.
La reconnexion avec les sources touche aux cinq sens, et atteint son apothéose à l’occasion d’événements culturels spéciaux, à l’image des festivals ou, particulièrement, des fêtes de mariage, qui restent un moment de parfaite immersion dans la richesse musicale de la région de l’Oriental (Raï et Reggada), qui se joint à celle gastronomique et vestimentaire.
Mais ce n’est pas tout, car le retour des MRE est également motivé par des raisons religieuses, particulièrement durant le mois de Ramadan et Aïd Al-Adha. Les chiffres enregistrés dans les premières semaines de l’opération Marhaba 2024 en attestent. Soulignons que la région de Madagh, près de Berkane, attire chaque année des pèlerins à la Zaouiya Qadiriya Boutchichiya, tandis que Debdou est un lieu de pèlerinage important pour les Juifs venant visiter les mausolées et monuments de leurs ancêtres.
Dynamique économique
Que cela s’opère via les dépenses locales, l’immobilier ou l’entrepreneuriat, les Marocains résidant à l’étranger font de l’investissement et de la consommation des sources de richesse pour la région de l’Oriental, et pour le Royaume. Globalement, les transferts de fonds par les MRE vers le Maroc ont quadruplé en 23 ans, passant de 22,96 milliards de DH en 2000 à 115,15 milliards en 2023. La région de l’Oriental capte à elle seule un quart de ces transferts, soutenant ainsi l’économie locale.
Le rapport du Haut-Commissariat au Plan (HCP, 2022) sur les Déterminants des Transferts et des Investissements des Migrants Marocains à l’Étranger, précise que les MRE ont traditionnellement privilégié de se tourner vers leurs familles et proches résidant au Maroc, puisqu’environ les trois-quarts de l’argent transféré au niveau national est consacré aux dépenses courantes du ménage du migrant.
Au niveau régional, lesdites sommes sont directement intégrées dans le circuit de l’économie, à travers une consommation qui stimule le commerce de détail, appuie les entreprises locales et apporte un soutien aux secteurs de la santé et de l’éducation. En termes de tendances, les chiffres officiels ont souligné que 10% des transferts vont annuellement à l’investissement : l’immobilier se positionne en pole position avec 40,7% des parts. L’agriculture est placée durant cette période dans la deuxième position, avec 19%, suivie de la construction (16,6%), du commerce (5,5%), de la restauration et des cafés (4,5%) et des autres services (6%).
Le HCP fait ressortir à ce sujet des préférences sectorielles divergentes selon la catégorie des pays d’accueil, puisque ceux habitant dans les «anciens pays européens d’immigration» (France, Belgique, Pays-Bas et Allemagne) préfèrent plus investir dans l’immobilier, alors que ceux relevant de «nouveaux pays européens» (essentiellement l’Espagne et l’Italie) s’intéressent plus à l’agriculture. L’étude précise que la partie de l’Amérique du Nord (États-Unis et Canada), représentant 2,9% du total de la communauté des MRE (2020), sont leaders dans les domaines de la construction et des services, tandis que ceux installés dans les pays arabes ont une préférence pour la restauration et les cafés.
Encouragement de l’investissement
Aligné avec les orientations royales, le Maroc a mis en place des mesures pour encourager l’investissement des MRE, en simplifiant les procédures administratives et en offrant des incitations financières. La nouvelle charte de l’investissement, publiée en décembre 2022, est un cadre légal soutenant les investisseurs nationaux et étrangers, y compris les MRE. Elle met en avant les secteurs prometteurs comme le digital, les énergies renouvelables et l’industrie.
Le Fonds Mohammed VI pour l’investissement, lancé en 2020, et le fonds MDM Invest, offrent des financements et des accompagnements adaptés pour les MRE souhaitant lancer des projets au Maroc. Ainsi, les MRE de l’Oriental, traditionnellement tournés vers l’immobilier et l’agriculture, explorent désormais de nouveaux horizons économiques. Ils s’orientent vers des secteurs diversifiés tels que le digital, le tourisme, l’aquaculture, et les énergies renouvelables, participant activement au développement économique de leur région d’origine.
Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO