Dialogue social : 2025, une année sous haute tension
L’année 2025 démarre sous le signe de la contestation. En dépit de l’accord historique du 29 avril, les tensions ne semblent pas s’apaiser avec une colère croissante des syndicats. Manifestations, grèves et sit-ins se multiplient, dénonçant notamment la loi sur la grève, la réforme des retraites et la fusion des régimes sociaux. Le fragile équilibre atteint en 2024 semble désormais vaciller, laissant présager une année mouvementée.
Le climat social pour l’année 2025 ne s’annonce pas sous de bons auspices. Si le gouvernement peut se targuer d’avoir réussi à apaiser les syndicats, grâce à l’accord signé en avril 2024 avec les employeurs et les partenaires sociaux, plusieurs dossiers chauds continuent de planer sur cette paix sociale.
Entre engagements non tenus et manque de concertations avec les parties prenantes, les antennes syndicales montent au créneau et expriment leur désarroi face à cette situation qui, pour elles, n’augure rien de bon. L’ire est telle que des manifestations de la Confédération démocratique du travail (CDT) ont eu lieu dimanche dernier sur l’ensemble du territoire. Et tous les slogans brandis lors des manifestations contestent les contours de la loi sur la grève, la fusion de la CNSS et la CNOPS ainsi que le système de retraite.
«Plusieurs points mentionnés dans les accords conclus avec le gouvernement n’ont pas abouti aux résultats escomptés. Pire encore, la tournure que prennent les choses actuellement n’a fait qu’enfoncer le clou. Je fais allusion notamment à la loi sur la grève qui revient sur des acquis. La tension risque de monter davantage avec la réforme des retraites. Les conventions collectives sont une autre paire de manches. Quoi qu’il en soit le combat continue.», s’indigne Younes Firachine, membre de la CDT.
Quiproquos
Cette colère a touché au préalable les médecins qui ont repris leurs grèves, en ce début d’année, considérant que le gouvernement tarde à respecter ses engagements pris le 23 juillet 2024, date à laquelle un accord avait été signé, pour calmer la colère des blouses blanches.
Le successeur de Khalid Ait Taleb au ministère de la Santé, Amine Tahraoui, s’est déjà entretenu avec les représentants syndicaux de son département, mais ceux-ci se montrent impatients de voir déployés ses engagements du gouvernement, ce qui perturbe à nouveau le système sanitaire. Le ton est à présent donné par les médecins grévistes en ce début d’année, via des sit-ins et grèves.
Pour l’heure le principal objet de divergences entre gouvernement et centrales syndicales, est bien celui portant sur l’adoption du projet de loi organique sur le droit de grève. A ce sujet, les syndicats se montrent opposés aux dispositions de ce projet de loi organique, dont l’adoption avait été attendue depuis des décennies.
Ces dispositions, telles qu’adoptées par les députés, sont très loin de satisfaire les syndicats. Plusieurs d’entre eux appellent d’ailleurs à son retrait. Pour la CDT, face à ce mutisme et à cette ignorance des pouvoirs publics, l’option d’une grève nationale est envisageable.
Paradoxe
Même son de cloche du côté de l’Union marocaine du travail (UMT) qui s’attend à une année chaotique et sous haute tension.
«Tous les indicateurs montrent que le gouvernement mise sur d’autres enjeux. Et les conditions dans lesquelles la loi sur les grèves a été votée sont révélatrices. Au lieu de créer une loi permettant un équilibre pour pouvoir obtenir des résultats probants, c’est une loi qui interdit la grève et par conséquent revient sur des acquis. C’est un retour en arrière que nous observons. Ce rapport de force des syndicats s’estompe, ce qui ferme la porte aux négociations», regrette Idriss Ada, secrétaire général délégué de la Fédération nationale du secteur agricole (FNSA) relevant de l’UMT.
Et les syndicats ne sont au bout de leur peine. D’autres dossiers brûlants risquent de perturber le climat social. Pour ces centrales syndicales les plus représentatives, ce dossier sur le droit de grève n’est pas le seul point d’inquiétude.
En effet toutes se demandent aussi si les acquis contenus dans l’accord signé avec le gouvernement en avril 2024, notamment la hausse des salaires, auront un impact sur le pouvoir d’achat des travailleurs.
Pour l’UMT, l’écart persiste entre le SMIG et le SMAG alors qu’il était question d’atteindre un équilibre. La réforme des établissements et entreprises publics n’est pas non plus sans conséquence. Les centrales syndicales s’attendent à des dégâts sociaux. Le retour des contractuels dans la fonction publique engendrera également des tensions. Le régime de retraite sera forcément synonyme de résistance.
D’ailleurs, le représentant de l’UMT souligne le paradoxe constaté dans cette démarche, surtout que le gouvernement impose ce triangle maudit qui consiste à faire grimper les cotisations, rallonger l’âge de retraite jusqu’à 65 ans et réduire en parallèle les pensions. Autant de sujets cruciaux qui requièrent un dialogue social établi sur de bonnes bases.
Idriss Ada
Secrétaire général délégué de la FNSA relevant de l’UMT
«Tous les indicateurs montrent que le gouvernement mise sur d’autres enjeux. Et les conditions dans lesquelles la loi sur les grèves a été votée sont révélatrices. Au lieu de créer une loi permettant un équilibre pour pouvoir obtenir des résultats probants, c’est une loi qui interdit la grève et par conséquent ôte des acquis. C’est un retour en arrière que nous observons. Ce rapport de force des syndicats s’estompe, ce qui ferme la porte aux négociations».
Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO