Maroc

Découpage administratif : les douars, une réalité territoriale porteuse d’histoire

Estimés à plus de 42.000, les douars marocains continuent de jouer une multitude de rôles indépendamment de leur inexistence institutionnelle. Dans le cadre de l’édition 2024 de «Parlons Territoires», de l’initiative citoyenne OTED, une table ronde a mis en lumière, d’une part, les différents rôles joués par les douars et leurs habitants, qui sont appelés en renfort lorsqu’il s’agit de résoudre des crises, et, d’autre part, les dynamiques des douars et leur évolution, mais aussi le renouvellement du modèle participatif de «jma3a».

Véritable unité de vie de base de l’organisation sociale au Maroc, le douar n’a, actuellement, pas d’existence institutionnelle ou une reconnaissance administrative claire comme «collectivité territoriale» au même titre que la commune ou la localité. Que représente le douar en termes d’existence et de maillage territorial ?
Quel est son statut ? Et quel modèle institutionnel imaginer pour ces espaces territoriaux qui sont recensés à hauteur de 42.000 douars au Maroc ? En effet, les récentes catastrophes naturelles qu’a connues le Royaume ont essentiellement mis en exergue les différents rôles joués par les douars et leurs habitants.

Le mode organisationnel et participatif ancestral des douars, notamment en milieu rural, est toujours appelé en renfort lorsqu’il s’agit de résoudre des crises relevant de phénomènes extrêmes ou d’évènements conjoncturels tels que les mouvements migratoires ou la succession des années sécheresses.

Pour débattre des douars entre patrimoine socioculturel au Maroc et dilution institutionnelle, l’initiative citoyenne OTED a initié, jeudi dernier, une webinaire dans le cadre de l’édition 2024 de «Parlons Territoires», sous forme de table ronde. Cette rencontre a mis en exergue les dynamiques des douars et leur évolution, mais aussi le renouvellement du modèle participatif de «jma3a» avec le concours des chercheurs et praticiens marocains qui ont appelé à résorber le déficit de connaissance en matière de diversité des douars en tant que gardiens du paysage rural et périurbain marocain.

Les douars sont perçus négativement
Selon Samira Mizbar, socio-économiste, docteur en dynamiques comparées des sociétés en développement, «nous avons une organisation territoriale qui n’a de sens que d’un point de vue gestionnaire et administratif. Et systématiquement, les douars sont perçus négativement, toujours arriérés et des antithèses à la modernité», explique-t-elle. En ajoutant que «malgré la politique des centres émergents au Maroc, ces espaces sont restés tels qu’ils étaient, il y a une vingtaine d’années, alors que l’aspect culturel des douars, qui demeure la force motrice de ces espaces de vie et qui ne peut pas être monétisé sur le plan statistique, n’a pas été pris en considération par les différentes politiques».

Au-delà de cette existence territoriale ancrée des douars dans la morphologie géographique et territoriale marocaine, Mohamed Tozy, professeur des universités et directeur délégué à la recherche à Science Po Aix, a rappelé qu’il y a un lien à faire entre la commune et le douar. «Au-delà d’un lieu d’habitation et de vie, le douar est une forme d’organisation politique. Il n’existe que quand il dispose d’un certain équipement comme la mosquée et le cimetière», affirme Mohamed Tozy qui a retracé sur le plan historique cette entité sociale et territoriale.

«À l’indépendance, le processus de construction de la nation s’est fait d’une façon implicite en évacuant et neutralisant les entités intermédiaires de l’État-nation, notamment les tribus et les douars qui sont cassés en tant que niveaux de représentation politique par les communes qui sont des structures politiques et administratives».

Les dynamiques d’évolution des douars
Mohamed Tozy a révélé que «malgré l’injection des douars sur le plan politique et administratif, ces espaces, qui ont surgi, tout d’abord lors du déploiement du dispositif scolaire via les écoles isolées et les classes en préfabriqué, ou même en tant qu’entités statistiques dans le recensement de la population il y a de cela trois décennies, sont remplacés par les districts. Le troisième moment où le douar s’est invité dans le déploiement des politiques est à travers le programme d’électrification rurale par l’ONEE qui va le prendre en tant qu’unité d’électrification alors que le dernier moment date du Nouveau modèle de développement qui va considérer le douar comme dispositif important pour la réussite de la politique publique.

Pour sa part, Mohamed Mahdi, professeur de sociologie rurale et membre de l’association Targa-Aide et du CRESC, a insisté sur l’importance des dynamiques d’évolution des douars.

«Ces derniers sont très différents, compte tenu de leurs emplacements géographiques ainsi que des facteurs climatiques et des déterminants historiques», explique-t-il.

Toutefois, «le douar est devenu dépendant d’un monde globalisé, soit en raison de l’immigration internationale et du transfert des MRE, du développement de l’activité touristique ou de l’orientation de l’agriculture vers l’économie du marché à la place d’une activité vivrière», ajoute Mahdi.

Il a insisté, également, au cours de ses interventions, sur le renouvellement du modèle participatif de «jma3a», qui continue à exister à travers, notamment, des entités associatives, et avec une mutation de ce modèle vers d’autres formes sous l’impulsion du développement des moyens technologiques.

Yassine Saber / Les Inspirations ÉCO


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