Crédits de TVA : la bonne affaire inattendue du factoring

L’amélioration des délais de remboursement de la TVA par le Trésor, à 60 jours, ouvre un boulevard aux sociétés de factoring et aux banques. Les avances sur crédits de TVA constituent aujourd’hui un des produits les plus commercialisés au guichet. A fin avril 2025, les arriérés de crédits TVA s’élevaient à 32,8 milliards de dirhams ! La convention de rachat de créances de TVA par les banques, signée en 2018, portait sur 11 milliards que l’État s’est engagé à rembourser en dix ans. Reste à clarifier l’imputation comptable de ce passif.
Lentement mais sûrement, le Trésor est en train de retrouver la «normalité» en matière de TVA en étant beaucoup plus diligent sur les délais de remboursement de crédits de TVA dus aux entreprises. Les délais moyens de remboursement s’élèvent actuellement à 2 mois, selon la DGI. La quasi-totalité des dossiers en souffrance ont été apurés sauf pour des cas présentant des pièces manquantes ou quelques irrégularités.
Du pain bénit pour les banques
À fin avril 2025, le fisc a remboursé 7 milliards de dirhams de crédits de TVA aux entreprises contre 3,64 milliards un an auparavant. C’est désormais une tendance lourde qui s’est installée depuis près de quatre ans. En effet, en 2024, les remboursements de TVA à l’intérieur avaient atteint le montant historique de 18,72 milliards de dirhams. L’année d’avant, ils étaient déjà à 16,43 milliards.
Aujourd’hui, les rares dossiers «à problème» sont ceux qui sont rejetés pour avoir été introduits hors délai. Les demandes de remboursement de TVA sont forcloses après l’expiration d’un délai d’un an, le compteur se déclenchant à partir de la fin du trimestre au cours duquel le contribuable a acquitté la TVA. D’autres demandes sont écartées, soit parce que la facture contient quelques irrégularités, soit parce qu’elles présentent des discordances sur les montants. Cette fluidité de traitement de créances de TVA par le fisc a créé une opportunité de business pour les filiales factoring des banques.
Au guichet des opérateurs d’affacturage, les avances sur crédits de TVA ont le vent en poupe, confirme un banquier. Ces créances sur le Trésor regagnent non seulement de la crédibilité, mais ce contexte augmente le pouvoir de négociation des entreprises vis-à-vis du factor. En janvier 2018, l’État, alors à court d’argent, avait conclu une convention avec les banques pour racheter, par affacturage, une première tranche de 11 milliards de dirhams d’arriérés de crédits de TVA dus aux entreprises.
Le tout en échange d’une rémunération de 3,5% de taux d’intérêt supporté par l’entreprise. Les banques se font ainsi rembourser sur une période de dix ans, c’est-à-dire jusqu’en 2027. Il n’y aura pas de reconduction de ce montage car, dès son installation, la ministre de l’Economie et des Finances avait décidé de ne pas le renouveler. Ceci dit, pour les sociétés de factoring et les banques, le marché de rachat d’arriérés de crédits de TVA est un gros générateur potentiel de revenu.
À fin avril 2025, les arriérés de remboursement de TVA s’élevaient à 32,8 milliards de dirhams après avoir culminé à 42,2 milliards en 2020. Sur le montant des créances de TVA en souffrance sur le Trésor, l’OCP concentre, à lui seul, plus de la moitié.
Divergences sur le traitement comptable
Ces arriérés de crédits de TVA, 32,8 milliards DH actuellement, constituent une épine dans le pied du gouvernement pour la sincérité des comptes de l’État. Leur imputation comptable crée des divergences d’interprétation.
Dans les états comptables annuels de l’État que la Trésorerie Générale du Royaume (TGR) communique au Parlement et à la Cour des comptes, les 32,8 milliards de dirhams apparaissent au passif, et, à ce titre, ils devraient s’ajouter à l’encours de dette du Trésor. Ce qui dégraderait un des indicateurs du fameux «cadre macroéconomique». C’est sans doute pour cette raison qu’à la direction du Trésor et des Finances extérieurs, pilote de la dette publique, on ne l’entend pas de cette oreille.
Dans les chiffres présentés dans le projet de Loi de Finances 2025, ces 32,8 milliards DH n’apparaissent nulle part dans la dette. L’accumulation des arriérés de crédits de TVA est le résultat de pathologies congénitales de cet impôt à la suite de marchandages politiques à son institution. On citera, entre autres, la mise hors champ d’application de plusieurs secteurs, l’application des taux différenciés en amont et en aval dans le même secteur, les restrictions à la déductibilité pour certaines activités, etc. Tous ces «accommodements» se sont traduits par l’accumulation de créances de TVA sur le Trésor dues, pour l’essentiel, aux grandes entreprises publiques. Plus elles investissaient, plus elles se mettaient en danger !
Abashi Shamamba / Les Inspirations ÉCO