Maroc

Coût de la vie : à qui profite le retour de la désinflation ?

Les taux réels demeurant positifs, les épargnants devraient être les premiers bénéficiaires de l’accalmie confirmée sur le front de l’inflation et, pour d’autres raisons, ce sera aussi le cas des ménages les plus modestes et des détenteurs de revenus fixes (salariés, retraités et attributaires d’allocations diverses). Mais le Trésor a aussi des raisons de jubiler au regard de l’impact sur le coût de la dette.

La désinflation confirmée – avec 1,1% à fin août dernier, 1,4% attendu à la fin de l’année et 2,5% projetés en 2025 – ne signifie pas pour autant que les prix à la consommation baissent. Ce serait plutôt le coût de la vie qui ralentit.

À l’évidence, la courbe de l’inflation est en train de s’inverser après une longue période de désinflation qui aura duré près de trois décennies. On est ainsi loin des 6,6% de 2022, le plus haut niveau relevé depuis 1992, selon les autorités monétaires.

L’inflation évolue à des niveaux modérés depuis le début de l’année, reflétant essentiellement la baisse des prix des produits alimentaires à prix volatils et le ralentissement de sa composante sous-jacente. Cette dernière, après s’être établie à 5,6% en 2023, oscillerait autour de 2% en 2024 et en 2025.

Érosion du pouvoir d’achat
Pour les ménages, le reflux de l’inflation signifie en principe un plus pour le pouvoir d’achat même si le ressenti dépend de la structure des dépenses dans le budget. Un ménage qui consacre 40% de son revenu à l’alimentaire n’aura pas la même perception de l’inflation que celui qui n’y consacre que 20% par exemple.

Théoriquement, les ménages modestes, ceux qui affectent le gros de leur revenu à l’alimentaire, sont les premiers gagnants de l’accalmie actuelle sur les prix à la consommation. S’y ajoutent les détenteurs de revenu fixe : salariés, retraités, attributaires d’allocations diverses, etc. Mais tout est relatif, car l’inflation telle que mesurée par le Haut-Commissariat au Plan (HCP), agglomère des situations très différentes.

Ce qui compte pour le citoyen Lambda, c’est moins l’indicateur statistique que l’érosion de son pouvoir d’achat car, en dépit de la désinflation qui s’amorce, la pression des dépenses dites contraintes sur le budget des ménages reste forte.

Dans ce paquet, figurent entre autres, le logement, l’eau et l’électricité, le téléphone, la connexion Internet, l’aide familiale, les remboursements d’emprunts et pour une partie des classes moyennes, les frais de scolarité des enfants dans le privé.

Les autres «gagnants» de la désinflation sont à chercher du côté des millions de Marocains qui placent leur épargne dans les comptes sur carnets bancaires. À 2,48% au cours du second semestre 2024, même amputé de 1,4% d’inflation, le taux de rémunération réel de ce placement restera en territoire positif pour la première fois depuis très longtemps.

Par ailleurs, les états-majors des banques devraient se sentir soulagés en observant la courbe de l’inflation car les taux d’intérêt réels resteraient à un niveau qui ne leur fait pas perdre de l’argent.

Le taux directeur de Bank Al-Maghrib (2,75%) étant revenu à un niveau bas, la rémunération des dépôts et des produits d’épargne de façon générale reste basse et diminue en valeur réelle.

Un contexte propice pour le Trésor
Par ailleurs, le rendement des emprunts obligataires du Trésor demeure également à des niveaux bas. Cette situation pourrait induire une certaine réticence des investisseurs à investir dans de la dette longue de l’État au niveau actuel des taux. C’est peut-être le moment où jamais pour le Trésor de changer de braquet en indexant ses obligations sur l’inflation, suggèrent des analystes financiers.

Pour ces derniers, le contexte est en effet propice pour générer une forte demande de la part des investisseurs et des épargnants. Ce faisant, le marché financier aurait acquis un nouvel instrument contribuant davantage au développement de son efficience et sa profondeur. Les États optent pour la dette indexée sur l’inflation autant pour des raisons d’efficience des marchés que pour des considérations liées à la gestion active de la dette. En effet, émettre des emprunts obligataires liés à l’inflation peut permettre de réduire le coût de la dette si les anticipations d’inflation par le marché sont exagérées.

Ainsi, les gouvernements émetteurs paient un coupon inférieur s’ils réussissent à maintenir une inflation en dessous du niveau anticipé par le marché. De plus, en complétant leurs besoins de financement par un instrument de dette supplémentaire, qui répond mieux au besoin des investisseurs en termes de protection contre l’inflation, les gouvernements évitent d’exercer une pression à la hausse sur la courbe des taux nominale.

Cette orientation – pas facile à trancher – a aussi le mérite de fournir des indicateurs sur l’anticipation d’inflation par les marchés pour les besoins de politique monétaire et budgétaire La comparaison des prix d’échange des obligations indexés à ceux des obligations nominales permet de renseigner davantage les autorités financières sur les anticipations du marché quant à l’inflation future et par ricochet le taux d’intérêt réel. De telles informations seraient potentiellement utiles au pilotage de la politique monétaire et fiscale, mais aussi pour donner de la matière aux stratégies d’investissement des acteurs du marché.

Abashi Shamamba / Les Inspirations ÉCO



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