Conflit Russie-Ukraine : récit du calvaire des milliers d’étudiants marocains
Entre peur et désarroi, les milliers de Marocains, encore bloqués en Ukraine, tentent de rejoindre les frontières des pays limitrophes. L’ambassade du Maroc à Kiev, en étroite coordination avec celles établies dans les pays voisins, a mis en place un dispositif de transit pour nos ressortissants souhaitant quitter le sol ukrainien depuis les points de passage frontaliers pour rejoindre la Roumanie, la Hongrie ou la Slovaquie, où ont été installées des cellules d’accueil et d’accompagnement. À l’heure où nous mettions sous presse, l’opération de transit se déroule dans de bonnes conditions. Des centaines de Marocains, qui ont pu quitter l’Ukraine, attendent les vols spéciaux à destination de Casablanca.
Jeudi noir en Ukraine ! C’est le scénario redouté par tous qui a fini par se produire. Le président russe, Vladimir Poutine, a lancé une opération militaire contre le pays. Tôt dans la matinée, des bombardements retentissaient partout dans les grandes villes. Quant aux citoyens, qui se disaient pourtant prêts à une telle offensive, ils peinent à croire que le début de la guerre a bel et bien eu lieu. Depuis le début des frappes, les autorités marocaines se sont fortement mobilisées pour organiser le rapatriement de leurs ressortissants désireux de quitter le sol ukrainien. L’ambassade du Maroc à Kiev œuvre, en étroite coordination avec celles établies dans les pays voisins, à faciliter leur opération de transit vers des destinations sûres. Nos concitoyens ont été appelés à se rendre aux points d’accès frontaliers avec la Roumanie, la Hongrie et la Slovaquie, où des cellules d’accueil et d’accompagnement ont été mises en place. «En ce qui concerne l’accès à la zone frontalière entre l’Ukraine et la Slovaquie, plus de 300 citoyens marocains ont franchi le point de passage d’Oujhorod dans de bonnes conditions», annonce Azzeddine Farhane, ambassadeur du Maroc en Autriche, en Slovaquie et en Slovénie et Représentant permanent auprès d’organisations internationales à Vienne.
«Cette opération, menée en étroite collaboration avec les autorités slovaques, se déroule avec succès. Le personnel de l’ambassade est également sur place pour leur apporter l’assistance nécessaire. Jusqu’à présent, 36 étudiants sont arrivés à Bratislava et attendent de réserver leurs billets pour se rendre au Maroc», explique l’ambassadeur.
En effet, les autorités ont mis en place des vols spéciaux en étroite concertation avec Royal Air Maroc. «Dans un premier temps, trois vols seront opérés mercredi 2 mars, au départ de Bucarest (Roumanie), de Budapest (Hongrie) et de Varsovie (Pologne) à destination de Casablanca, au tarif fixe de 4.750 DH TTC. Ces vols sont exclusivement réservés aux Marocains établis en Ukraine et aux membres de leurs familles», précise un communiqué de RAM.
En Hongrie, le staff de l’ambassade du Maroc à Budapest ne lésine pas non plus sur les moyens avec des dizaines de voyages effectués entre Tchop (Ukraine) et Zahony (Hongrie) pour rapatrier nos ressortissants qui se trouvent sur place. Quelque 12.000 Marocains, essentiellement des étudiants, se sont réveillés sous les tirs russes jeudi matin.
«C’est la panique totale. Nous vivons depuis cinq jours sous le bruit des bombes et des explosions. Nous avons quitté nos maisons pour nous mettre à l’abri», explique Amine, un jeune étudiant marocain, vivant à Kharkiv.
Située à moins de 40 km de la frontière russe, la ville subit d’intenses et fréquentes canonnades depuis le début de l’invasion russe. Quant aux rues et aux habitations, elles ont été désertées, les gens ayant fui leurs maisons pour se réfugier dans les galeries de métro ou dans des abris anti-aériens. Des images tournées par des civils montrent des troupes russes déambulant dans la ville. «Nous avons tenté à plusieurs reprises de quitter les sous-sols de métro quand les bombardements semblaient se calmer. Toutefois, nos tentatives ont rapidement été freinées par les militaires qui se trouvent à tous les coins de rue», relate le jeune. Rappelons que l’ambassade du Royaume à Kiev a appelé tous les résidents marocains en Ukraine à respecter les directives et les mesures de sécurité édictées par les autorités compétentes. Alors que la capitale est plus menacée que jamais, l’armée russe s’est déployée dans tout le pays. Odessa, Kharkiv, Dnipro et d’autres villes du pays sont assaillies. Ce n’est que samedi matin qu’Amine, accompagné de plusieurs autres concitoyens, a pu prendre le train en direction de Lviv. Le voyage aura duré presque 24 heures. Après plusieurs péripéties, des bagarres pour monter à bord des wagons, des arrêts intempestifs, des coupures de courant et d’effroyables scènes en tête… ils arrivent enfin à Lviv. Le jeune étudiant en pharmacie a dû changer d’itinéraire et renoncer à son plan initial de se rendre aux postes frontaliers avec la Pologne. Pour cause, la majorité des personnes voulant quitter l’Ukraine se sont ruées vers ce point de transit et a priorité y a donc été donnée aux femmes et aux enfants. Dimanche soir, après quelques heures supplémentaires à bord d’un bus, il arrive enfin à Tchop, ville mitoyenne à la Hongrie. Depuis lundi matin, Amine attend, avec des centaines d’autres personnes, son tour pour passer la frontière. Quant à l’ambassade du Maroc en Hongrie, elle met tout en œuvre pour conduire, dans les meilleures conditions, les opérations de transit. Pour rappel, l’ambassade du Royaume du Maroc à Kiev avait appelé, le 13 février dernier, les Marocains à quitter le pays, en vue de préserver leur sécurité, compte tenu de la tension qui y prévalait. RAM avait alors mis en place des vols spéciaux à 4.750 DH, qui avaient été pris d’assaut par près de 3.000 de nos ressortissants.
Quid de la poursuite des études
Comme Amine, étudiant en 4e année en pharmacie, des milliers d’autres Marocains ont choisi l’Ukraine pour poursuivre leurs études. Grâce à ses frais de scolarité abordables et à ses liens avec l’Afrique, remontant à l’ère soviétique, ce pays de l’Europe de l’Est est devenu une destination de choix pour les étudiants optant pour un parcours en médecine générale, en pharmacie, en médecine dentaire et en ingénierie. À noter que les Marocains représentent la deuxième communauté d’étudiants étrangers dans le pays. Guerre oblige, ils sont donc contraints de fuir le pays pour leur sécurité. Mais qu’adviendra-t-il d’eux par la suite ? Des plans pour assurer la continuité de leurs études sont-ils prévus ?
Tilila El Ghouari / Les Inspirations ÉCO