Concertations au sommet pour sauver Ouarzazate
Ouarzazate veut en finir avec l’attentisme et réclame des mesures concrètes et urgentes pour sortir la ville de son marasme économique et social. Retour sur les moments forts de la journée d’étude organisée le samedi 04 novembre à Ouarzazate auquel ont pris part des centaines de participants représentant l’administration, le secteur privé et le monde associatif.
L’événement a été marqué par la présence du ministre du Tourisme, du Transport aérien, de l’Artisanat et de l’Economie sociale, Mohamed Sajid, du ministre de la Culture et de la Communication, Mohamed Laarej et de la secrétaire d’Etat en charge du Tourisme, Lamia Boutaleb.
L’aérien, le Smig des priorités
Le président du Conseil du développement et de la Solidarité (CDS) et co-organisateur de l’événement, Mohamed Benamour, appelle à la mise en place de mesures incitatives d’ordre financier, logistique et autres, en vue de relancer le tourisme et l’industrie cinématographique, deux secteurs au potentiel énorme. « L’essor de Ouarzazate dépend d‘un facteur déterminant, celui du désenclavement et de l’accessibilité de la destination», dit-il. Le Smig des priorités serait de résoudre le problème de la desserte aérienneen relevant la fréquence des vols domestiques (Ouarzazate actuellement desservie six fois par semaine à partir de Casablanca) et en réduisant les tarifs (l’aller-retourde/vers Casablanca aujourd’hui à 600 DH). Benamour propose de lancer de nouvelles lignes internationalesà fréquence quotidienne reliant Ouarzazate aux principales capitales émettrices de touristes (Paris, Londres, Milan).
De son côté, le ministre du Tourisme, Mohamed Sajid, insiste sur la nécessité de hiérarchiser les priorités. «Faut-il privilégier la desserte locale ou bien les lignes internationales? Nous sommes prêts à voir si Ouarzazate peut servir de base aérienne. Nous pouvons dans le cadre du co-marketing mobiliser le soutien nécessaire pour intéresser une société de transport (la RAM ou bien une compagnie lowcost) à venir desservir la ville», affirme Sajid.
20 MDH pour soutenir l’aérien en 2018
«Le conseil régional a approuvé à l’unanimité la mobilisation d’un budget de 20 MDH en 2018 pour soutenir les liaisons aériennes», annonce LahbibChoubani, président du conseil régional de Drâa-Tafilalet. Une convention sera signée à ce titre avec la RAM. Celle-ci prévoit entre autres une baisse des tarifs de 600 à 400 DH pour les vols reliant Casablanca à l’ensemble des aéroports de la région. «Nous sommes prêts à miser plus, quitte à ce qu’on double notre contribution pour passer à 40 MDH», renchérit Choubani. Ce dernier affirme avoir programmé un soutien de 10 MDH en 2018 pour financer 70 à 100 festivals à dimension locale et nationale.
Le tourisme, ça évolue en dents de scie
La crise du Golfe dans les années 90, le drame du 11 septembre 2001 à New York, la crise économique en 2008, ces évènements marquent avec tristesse l’évolution du tourisme à Ouarzazate. Le Printemps arabe est venu accentuer la crise. Plusieurs opérateurs sont aujourd’hui placés en redressement judiciaire traînant des arriérés de salaires, d’impôts et de cotisations sociales. «Ouarzazate est passée de la troisième à la seizième place dans le classement des destinations à l’échelle nationale. Le nombre de nuitées est passé de 591 mille avant le 11 septembre 2001 à 415 mille en 2010. La situation s’est aggravée davantage après l’accident d’avril 2012 entre Marrakech et Ouarzazate. Les 12 plus grandes agences de voyages ont depuis déserté la ville», regrette le maire de la ville, Abderrahmane Drissi.
La confiance d’abord, l’investissement suivra
Le ministre Sajid est conscient que la capacité d’hébergement est modeste, mais ce n’est pas cela qui le préoccupe le plus. Avec les rares établissements hôteliers qui existent et résistent encore à la crise, le taux d’occupation est limité à 20%, contre une moyenne nationale de 40%. La priorité selon lui doit être donnée à ceux qui continuent de fonctionner. «Nous allons voir ensemble les mesures concrètes à entreprendre pour leur redonner espoir et confiance», promet le ministre. Avant de penser à de nouveaux investissements, il va falloir investir dans la rénovation des unités à l’arrêt et créer une dynamique de confiance et d’espoir chez les hôteliers en difficultés. «Soyons pragmatiques, travaillons progressivement, étape par étape pour donner le signal à d’autres projets», ajoute l’ancien maire de Casablanca.
Le passage «raté» du SMIT
Les propos de la directrice stratégie et planification à la Société marocaine d’ingénierie touristique (SMIT), JihaneTouzani, n’ont pas été du goût des opérateurs et des élus de la ville. La crise du tourisme selon elle serait liée à la qualité de l’offre qui «manque de rafraîchissement et de renouvellement face au changement des tendances de consommation». Les visites de sites historiques, poursuit-elle, proposent toujours la même expérience en offrant aux touristes un mode de consommation à l’état brut. Ces propos ont provoqué l’ire de Mohamed Benamour (l’un des instigateurs de la vision 2010 du tourisme) qui y voient une complète déconnexion avec la réalité du terrain. «Je suis étonné de voir quelqu’un du SMIT en train de remettre en cause la qualité du produit touristique du Sud-Est marocain», lance le président du CDS. «Le produit est important mais ça reste un luxe. La priorité serait de trouver les moyens nécessaires pour accompagner les hôteliers qui ont des problèmes avec les banques, etc», soutient la ministre Boutaleben prenant le soin de bien préciser l’objet de sa visite : «Nous sommes ici pour une mission de reconnaissance. Nous ne sommes pas venus pour apporter la bague magique, mais pour vous écouter. Dites-nous ce qu’il faut faire pour le faire».
Bientôt un centre culturel
La journée d’étude a été marquée par la signature d’une convention entre le ministère de la Culture et le président du conseil communal portant sur la création du Centre culturel de Ouarzazate. «Ce projet s’inscrit dans le cadre de la nouvelle vision d’une -culture de proximité, en partenariat avec les communes», souligne Mohamed Laarej, ministre de la culture et de la communication.
L’un des moments forts de la journée a été l’octroi de la carte de l’artiste à quatre troupes Ahwach, signe de reconnaissance du rôle de cet art dans la promotion culturelle de la ville. En tant que ministre de la Communication, Laarej affirmé avoir signé récemment un arrêté donnant naissance à une Direction régionale de son département à Draâ Tafilalet.
Le PDR sera prêt d’ici avril 2018
LahbibChoubani appelle à redoubler de vigilance dans la mise en place du Plan de développement régional(PDR) lequel va orienter l’action du conseil de la région durant une période de cinq ans. Accusant déjà plusieurs mois de retard (en comparaison avec les autres régions), le PDR de Drâa-Tafilalet doit être prêt d’ici avril 2018. Pour cela, le conseil a fait appel au cabinet international Roland Bergerqui a été sélectionné suite à un appel d’offres (l’ordre de mission lui a été soumis le 1er novembre).
La Chine, un marché porteur
Le président du conseil régional annonce la visite en mars prochain d’une délégation chinoise composée de 100 opérateurs touristiques. La région, insiste-t-il, doit avoir sa quote-part dans l’évolution remarquable des arrivées des touristes chinois depuis la suppression du visa des visas pour les ressortissants chinois. En septembre 2018, le conseil de la région Drâa Tafilalet effectuera à son tour une visite en Chine au pays de Mao au cours de laquelle un accord de jumelage sera signé avec une région chinoise.
Désenclavement fiscal
LahbibChoubani défend l’idée de désenclavement fiscal. Il plaide pour une distribution équitable des bienfaits du Plan d’accélération industrielle de sorte à ce que ce plan puisse bénéficier aux cinq provinces de la région. «Nous demandons à ce que toute la région soit dotée d’un statut de zone franche»,lance-t-il. Mieux encore, l’ancien ministre en charge des relations avec le parlement réclame «une régionalisation des normes et de la législation». «En l’absence de précautions législatives susceptibles de préserver les ressources, l’eau, le sable, la situation peut se compliquer au risque de se transformer en crise socio-économique.