CNSS : un dossier traîne depuis des années
La mise en conformité juridique des polycliniques relevant de la CNSS s’impose, selon le gouvernement. L’Exécutif a échoué, à plusieurs reprises, à résoudre la problématique légale de ces unités. Il a été décidé que la CNSS élabore un cahier des charges afin de sélectionner une banque d’affaires pour étudier séparément la situation de ces cliniques. Trois scénarios seraient en vue : la gestion déléguée, le partenariat public-privé et la cession.
C’est un dossier qui traîne depuis des années en dépit des multiples réunions tenues entre les acteurs concernés pour mettre fin au blocage juridique. L’externalisation de la gestion des polycliniques de la Caisse nationale de la sécurité sociale (CNSS) qui s’impose en vertu des dispositions de la loi 65-00, revient au-devant de la scène et suscite plusieurs interrogations quant à l’avenir de ces unités médicales et leur relation avec les usagers.
À plusieurs reprises, le gouvernement a été pointé du doigt, en raison de sa volonté de se désengager de la gestion des polycliniques de la CNSS qui pourrait être confiée au secteur privé dont l’image est écornée auprès de l’opinion publique en raison notamment des tarifs pratiqués. Or, l’Exécutif ne voit pas ce dossier de cet œil.
Dans une mise au point, le ministère du Travail et de l’insertion professionnelle a souligné la nécessité de la mise en conformité de la situation des polycliniques de la CNSS avec les dispositions de la loi 65-00. Actuellement, la CNSS est gestionnaire de l’assurance maladie obligatoire de base des salariés du secteur privé et gère aussi les polycliniques qui offrent des prestations de soins. Cependant, ces deux missions sont incompatibles, comme l’a déjà relevé la Cour des comptes.
L’article 44 de la loi n° 65-00 dispose que : «Il est interdit à un organisme gestionnaire d’un ou de plusieurs régimes d’assurance maladie obligatoire de base des salariés du secteur privé de cumuler la gestion de l’assurance maladie obligatoire de base des salariés du secteur privé avec la gestion d’établissements assurant des prestations de diagnostic de soins ou d’hospitalisation».
Ce même article précise que les organismes qui disposent de l’un de ces établissements, doivent se conformer, soit en déléguant la gestion à un autre organisme, soit en optant pour un autre mode jugé approprié par les organes délibérants des organismes gestionnaires concernés, sous réserve du respect de la législation et de la réglementation en vigueur en matière de dispensation des soins. Rappelons à cet égard que les tentatives du gouvernement de mettre en œuvre ces dispositions juridiques ont été, jusque-là, vouées à l’échec.
Comme l’explique le département d’Amakraz, l’option de la gestion déléguée pour la CNSS a été proposée, mais sans qu’elle puisse aboutir à deux reprises, en 2007, faute de caution de la part de l’adjudicataire et en octobre 2012 en raison de l’incompatibilité des offres. Le gouvernement n’a pas, non plus, pu approuver un nouveau projet de loi visant à proroger le délai du 31 décembre 2012 au 31 décembre 2014, qui a été amendé au Parlement.
Pour faire avancer le dossier, le conseil d’administration de la CNSS a décidé de renvoyer la question de la mise en conformité juridique de ses polycliniques au département du chef de gouvernement, pour y trancher. Quatre réunions ont été tenues en 2019 et la dernière rencontre a eu lieu en janvier 2020, en présence de représentants du département du chef de gouvernement, du ministère du Travail et de l’insertion professionnelle, du ministère de l’Économie, des finances et de la réforme administrative, du ministère de la Santé, du Secrétariat général du gouvernement, de l’Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale (ACAPS) et de la Caisse nationale de sécurité sociale. Lors de la réunion de juin 2019, une note a été préparée comprenant trois scénarios : la gestion déléguée, le partenariat public-privé et la cession. Rien n’est encore tranché.
Selon le ministère du Travail, il a été décidé que la CNSS élabore un cahier des charges pour sélectionner la banque d’affaires à qui sera confiée la tâche de revoir séparément la situation des cliniques, en proposant les meilleures solutions appropriées pour chaque établissement, ainsi que les conditions et le calendrier de leur mise en œuvre, en adoptant des critères objectifs et accompagnant la mise en œuvre des solutions convenues. Soulignons à cet égard qu’une étude finalisée en 2016 a fait ressortir plusieurs scenarii. Le conseil de la CNSS a opté pour le partenariat public-privé (PPP) ou l’abrogation de l’article 44 de la loi 65-00. Le cabinet d’étude a proposé un plan de mise à niveau des polycliniques relevant de la CNSS au niveau des ressources humaines et sur le plan financier ainsi qu’au niveau organisationnel et administratif. Ce plan devrait être accompagné d’un plan d’action stratégique étalé sur cinq ans, selon l’étude, afin de doter ces structures médicales qui pâtissent de nombre de dysfonctionnements des moyens financiers pendant la première et la deuxième année pour l’acquisition de nouveaux matériaux médicaux. Il s’agit aussi de procéder au recrutement de ressources humaines qualifiées et de moderniser certaines polycliniques afin d’améliorer le taux d’occupation pour un meilleur rendement en vue d’absorber le déficit et assurer l’équilibre financier escompté. Le gouvernement réussira-t-il, cette fois-ci, à faire passer la réforme juridique qui aura un impact sur le volet financier des polycliniques de la CNSS et sur leur mode de gestion ? Ce dossier risque de déclencher une grande polémique en cette année préélectorale.
Jihane Gattioui / Les Inspirations Éco