Maroc

Caisse de compensation: subventionner les denrées alimentaires, à quel prix ?

L’État débloque chaque année plusieurs milliards pour subventionner certaines denrées alimentaires afin de garder les prix  à un niveau raisonnables pour le consommateur. Une enveloppe qui devrait connaitre une hausse importante au vu de la conjoncture et de la crise politique en Ukraine. Jusqu’où l’État doit et peut-il aller ?

Le gouvernement a pris récemment une série de mesures pour tenter de soulager les agriculteurs face au fléau de la sécheresse, et aider les ménages sur le long terme, en mobilisant une enveloppe de 10 MMDH. Une aide qui vient s’ajouter à d’autres appuis de l’Etat mis en place  bien avant cette conjoncture. Il s’agit, notamment, de la compensation de certaines denrées alimentaires comme le gaz butane, le sucre et le blé. Ainsi, la charge de compensation relative au sucre s’est élevée à 1.146 millions de dirhams (MDH) pour la période allant du mois de janvier à avril de l’année 2020 contre 1.189 MDH pour la même période en 2019. L’évolution de la charge de compensation du sucre, aussi bien en quantité qu’en valeur, relative aux quatre premiers mois de l’année 2020, a connu une diminution de 4% comparée à la même période de l’année 2019. S’agissant de la subvention du gaz butane, durant la même période, elle s’est élevée à 3.923 MDH, contre 3.450 MDH comparée à la même période de l’année 2019, soit une augmentation de 14%.

Cette augmentation est due essentiellement à la hausse des cours du gaz butane au premier trimestre 2020 et, par conséquent, à l’augmentation des prix de la subvention unitaire. Cette hausse a été accompagnée de celle des volumes distribués de l’ordre de 10%, suite à la forte demande exceptionnelle de butane au début de confinement. Enfin, pour le blé, l’Etat a dépensé, en 2021, 2 MMDH  pour maintenir les prix à un niveau raisonnable. Il faut ajouter à cela un arrêt des droits à l’importation, lequel a pris effet sur deux phases, à savoir entre février et mai 2021 et novembre 2021 et avril 2022, avec une perte de recettes occasionnée estimée à  550 millions DH.

En gros, l’État débloque une enveloppe conséquente chaque année pour limiter l’impact de la flambée des prix sur le marché mondial. Une enveloppe appelée à exploser dans les mois à venir. La question qui se pose est de savoir jusqu’où le gouvernement peut aller pour supporter toutes ces charges, lesquelles vont connaitre une hausse sensible avec la crise ukrainienne et la faiblesse des rendements agricoles de la présente campagne agricole. Difficile de répondre à cette question tant l’horizon paraît encore flou.

En attendant, «Au vu des charges que le gouvernement est appelé à supporter via la Caisse de compensation, il faudrait trouver dès maintenant de nouveaux marchés et de nouveaux partenaires, comme le font beaucoup de pays cherchant à garantir à leurs populations un approvisionnement correct en denrées alimentaires, d’autant plus que personne ne peut deviner jusqu’où la conjoncture, conjuguée à la crise politique en Ukraine, peut nous amener», souligne l’économiste Khalid Ben Ali  pour qui la situation actuelle doit nous pousser à réfléchir davantage sur la manière de limiter notre dépendance à l’extérieur.

«La situation actuelle interpelle tous les pays du monde, et le Maroc en particulier, où il est nécessaire d’encourager les investissements massifs dans le secteur agricole et dans le domaine des énergies, de manière à limiter notre dépendance vis-à-vis des importations. », insiste l’expert international rappelant l’importance pour le gouvernement de ne pas perdre de vue, en parallèle, les grandes ambitions du Nouveau modèle de développement.

Un jeu d’équilibriste qui n’a rien d’un long fleuve tranquille. En d’autres termes, s’il est crucial de répondre aux besoins urgents des citoyens, en termes d’alimentation, le gouvernement ne doit pas perdre de vue certains chantiers du Nouveau modèle de développement qui accorde une importance cruciale aux grands chantiers d’infrastructures, aux programmes de modernisation économique et de développement social ainsi qu’aux choix stratégiques pour renforcer le rayonnement du Maroc à l’échelle régionale et internationale. Si certains projets sont déjà condamnés à être relégués au second plan, les chantiers comme celui de la relance de la création d’emplois dans le pays, ajoute le spécialiste, demeurent des questions de l’heure, du moins pour l’instant. Car personne ne sait ce que nous réserve la conjoncture mondiale alors que la guerre entre la Russie et l’Ukraine, grands exportateurs de gaz et de pétrole, pourrait sévèrement impacter le marché mondial des céréales et des énergies. Toutefois, si sur le terrain la guerre fait rage au moment où nous mettons sous presse, l’espoir d’un retour au calme n’est pas à exclure. La présidente de la Commission européenne, Ursula Von Der Leyen, était attendue vendredi, à Varsovie, à un sommet des présidents de pays d’Europe centrale et orientale, consacré à l’attaque russe contre l’Ukraine. Sept présidents (Pologne, Estonie, Lituanie, Lettonie, Slovaquie, Bulgarie, Hongrie) sont présents en personne à ce sommet, alors que les forces russes resserrent leur étau autour de Kiev, avec des combats dans et aux abords de la capitale de l’Ukraine, au deuxième jour de l’invasion russe. Poutine, de son côté, a fait savoir qu’il était disposé à dialoguer.

Khalid Ben Ali
Économiste, expert international

«La situation actuelle interpelle tous les pays du monde, et le Maroc en particulier, où il est nécessaire d’encourager les investissements massifs dans le secteur agricole et dans le domaine des énergies, de manière à limiter notre dépendance vis-à-vis des importations».

Khadim Mbaye / Les Inspirations ÉCO



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