Maroc

Béni Mellal-Khénifra. Hassan Mounir : “La crise hydrique que traverse la région appelle à des réponses structurelles et durables”

Hassan Mounir
DG de Cosumar

La région de Béni Mellal-Khénifra connaît une situation hydrique des plus problématiques, si bien qu’au regard des enjeux induits tant au niveau économique que social, la mise en place d’une station de dessalement devient vitale. Pour Hassan Mounir, DG de Cosumar, cette infrastructure représenterait bien plus qu’une réponse à la crise hydrique. Il s’agira d’un levier de développement pour l’ensemble de la région. Entretien…

Quel est votre diagnostic de la situation hydrique actuelle à Béni Mellal – Khénifra ?
La situation hydrique dans la région de Béni Mellal – Khénifra est extrêmement préoccupante. Nous sommes actuellement dans la septième année consécutive de sécheresse, un phénomène qui met à rude épreuve l’ensemble des ressources en eau disponibles. Avant les récentes précipitations, la région n’avait pas enregistré une seule goutte de pluie pendant plusieurs semaines.

Cette sécheresse prolongée est particulièrement critique pour une région à forte vocation agricole. En l’absence de précipitations régulières, les retenues d’eau des barrages continuent de baisser dangereusement. Par exemple, le barrage Ahmed El Hansali, l’un des principaux ouvrages de la région, affichait récemment un taux de remplissage d’à peine 5%, avec un
stock d’eau de seulement 33,3 millions de m³.

Corrélé à votre activité, dans quelle mesure ce stress hydrique impacte-t-il la culture de la betterave sucrière dans la région ? Quelques chiffres ?
La sécheresse n’épargne aucune culture dans la région de Béni Mellal – Khénifra. Que ce soit les céréales, les cultures maraîchères, l’arboriculture ou encore la betterave à sucre, toutes les productions agricoles subissent l’impact de la raréfaction des pluies.

Pour les plantes sucrières, Cosumar a mis en place une stratégie visant à assurer un approvisionnement stable malgré ces conditions difficiles. Nous avons privilégié les partenariats avec des agriculteurs disposant de puits sur leurs parcelles, leur permettant ainsi de sécuriser un accès à l’eau même en période de forte sécheresse.

Grâce à une forte mobilisation des agriculteurs partenaires, aux efforts concertés des autorités centrales et locales, ainsi qu’à l’engagement du Groupe Cosumar, il a été possible de planter 7.000 hectares de betterave sucrière cette année, en augmentation significative par rapport à l’année précédente. Cela traduit un engagement collectif fort et l’efficacité des solutions mises en place pour préserver la filière.

Qu’en est-il alors des agriculteurs partenaires et des emplois directs et indirects liés à la filière sucrière ? Quelles conséquences potentielles à moyen et long terme ?
Malgré la réduction des surfaces cultivées, nous avons veillé à protéger les revenus des agriculteurs grâce à des mesures concrètes. Le prix d’achat des plantes sucrières a été revu à la hausse par décision gouvernementale, et des subventions ont permis de plafonner le coût des engrais. L’introduction de nouvelles techniques agricoles et une baisse des charges de près de 40% en 2023 ont amélioré la rentabilité des exploitations.

De plus, nos partenaires bénéficient de la sécurité sociale dans le cadre du contrat d’agrégation avec Cosumar, un engagement de long terme pour leur protection et celle de leur famille.

Au-delà des agriculteurs, l’écosystème sucrier génère une activité économique importante. Plus de 350 entreprises ont été créées à l’échelle nationale pour fournir des services aux agriculteurs partenaires, dont 60 dans la région de Béni Mellal – Khénifra.

Ces entreprises spécialisées interviennent dans plusieurs domaines, notamment la logistique, la mécanisation agricole et la fourniture d’intrants. Leur activité est étroitement liée aux rendements des cultures sucrières et, grâce aux efforts conjoints des différents acteurs, elles maintiennent aujourd’hui une dynamique stable, garantissant ainsi des emplois et une chaîne de valeur solide autour de la filière.

D’un point de vue opérationnel, quelles actions Cosumar a-t-il mises en place pour rationaliser l’usage de l’eau dans ses processus industriels ?
La gestion durable de l’eau est une priorité stratégique pour Cosumar. L’innovation y joue un rôle clé, notamment avec l’adoption de drones agricoles pour surveiller les cultures et optimiser l’utilisation des engrais, réduisant ainsi le gaspillage et l’impact environnemental.

Cosumar a généralisé l’irrigation goutte-à-goutte et introduit des variétés de betterave plus résistantes au stress hydrique. En parallèle, nos sucreries ont réduit leur consommation d’eau de 73% en dix ans grâce à l’optimisation des circuits hydriques et au recyclage des eaux industrielles via des stations d’épuration (STEP). Ces efforts reflètent notre engagement à préserver les ressources en eau tout en maintenant un niveau de production optimal.

Comment Cosumar travaille-t-il avec les autorités locales et les institutions pour faire face à cette problématique ?
Cosumar adopte une approche de collaboration étroite avec les autorités locales, les institutions publiques et les partenaires de la filière sucrière pour répondre aux défis liés à la raréfaction des ressources en eau et assurer la pérennité de la production agricole.

Dans chacune des cinq régions où nos partenaires cultivent les plantes sucrières, un Comité technique régional des cultures sucrières (CTRCS), présidé par l’ORMVA, est en place. Il réunit les autorités provinciales de la région, la Chambre régionale d’agriculture, l’Association régionale des producteurs des plantes sucrières, les sucreries implantées localement, ainsi que les représentants du Centre régional de l’INRA et de la Direction régionale de l’ONSSA.

Ce comité analyse la situation hydrique et prend des décisions concertées pour garantir un déroulement optimal de la campagne. En parallèle, Cosumar assure un suivi technique quotidien et mène des actions de formation et de sensibilisation pour accompagner les agriculteurs face aux contraintes climatiques.

Quels scénarios émergent de ces réflexions ? Par exemple, la mise en place d’une station de dessalement dans la région pourrait-elle être une solution ?
La crise hydrique que traverse la région appelle à des réponses structurelles et durables, qui ne se limitent plus à des mesures d’urgence conjoncturelles. Parmi les solutions envisageables, le dessalement de l’eau de mer est de plus en plus étudié comme une alternative sérieuse pour pallier le manque d’eau dans la région et assurer un approvisionnement stable sur le long terme. L’idée d’installer une station de dessalement pour alimenter la région en eau.

Sur le plan financier, le Conseil régional de Béni Mellal – Khénifra a déjà exprimé son soutien à l’installation d’une telle infrastructure, avec la possibilité de contribuer à hauteur d’un milliard de dirhams dans l’investissement global. Cet appui institutionnel marque une étape décisive, qui pourrait accélérer les choses. Si ce projet voit le jour, il ne se limitera pas à une simple réponse à la crise hydrique immédiate. Il constituerait un véritable levier de développement économique pour la région, avec plusieurs retombées stratégiques sur le plan agricole et industriel.

Quel serait, selon vous, le scénario idéal pour garantir la pérennité de la filière sucrière à Béni Mellal – Khénifra dans un contexte de raréfaction des ressources en eau ?
Chez Cosumar, la résilience et la pérennité de la filière sucrière sont au cœur de notre stratégie. Face aux défis climatiques et économiques, nous avons mis en place des solutions adaptées pour garantir la stabilité de la production et la sécurité d’approvisionnement. Cela passe avant tout par un accompagnement renforcé des agriculteurs, qui bénéficient de formations, d’un suivi technique et de l’introduction de pratiques agricoles modernes et durables.

L’adoption généralisée de l’irrigation goutte-à-goutte, l’utilisation de stations météo et de capteurs d’humidité, ainsi que l’amélioration continue des itinéraires techniques permettent d’optimiser les ressources en eau et d’améliorer la productivité des cultures sucrières malgré des conditions météorologiques difficiles.

Cette approche s’appuie également sur une modernisation constante des outils industriels, qui permet de réduire l’empreinte hydrique et environnementale de la filière. Grâce à l’optimisation des circuits de recyclage et de réutilisation des eaux industrielles, nous avons considérablement diminué notre consommation d’eau, renforçant ainsi la durabilité de notre modèle.

En parallèle, notre engagement dans l’économie circulaire et l’amélioration de nos processus de transformation contribuent à une filière plus efficiente et responsable. Cosumar reste ainsi mobilisé aux côtés de ses partenaires et des autorités pour anticiper les défis futurs, renforcer la compétitivité du secteur et garantir un développement durable et sécurisé de la filière sucrière au Maroc.

H.K. / Les Inspirations ÉCO



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