Auto-entrepreneur : le régime fiscal entre LF 2014 et LF 2023
Par Belahouaoui Rida
Consultant et doctorant, chercheur en fiscalité.
La loi de Finances 2014 a institué le régime de l’auto-entrepreneur dans l’objectif de réduire l’informel, développer l’esprit entrepreneurial et faciliter l’accès au marché du travail, pour les jeunes, grâce à l’auto-emploi et ce, à travers l’octroi d’avantages sociaux et fiscaux. En vertu de l’article 42 du Code général des impôts (CGI), les personnes physiques exerçant une activité professionnelle, à titre individuel en tant qu’auto-entrepreneurs, conformément à la législation et à la réglementation en vigueur, sont soumises à l’impôt sur le revenu en appliquant au chiffre d’affaires annuel encaissé, l’un des taux réduits visés à l’article 73 du CGI :
• 0,5% du chiffre d’affaires encaissé, dont le montant ne dépasse pas 500.000 DH, pour les activités commerciales, industrielles et artisanales ;
• 1% du chiffre d’affaires encaissé dont le montant ne dépasse pas 200.000 DH, pour les prestataires de services.
Pour rappel, l’option pour le régime de l’auto-entrepreneur est subordonnée aux conditions suivantes :
1- Le montant du chiffre d’affaires annuel encaissé ne doit pas dépasser les limites suivantes :
• 500.000 DH, pour les activités commerciales, industrielles et artisanales ;
• 200.000 DH, pour les prestataires de services.
2- Le contribuable est tenu d’adhérer au régime de sécurité sociale prévu par la législation en vigueur.
Sont exclus de ce régime, les contribuables exerçant des professions, activités ou prestations de services fixées par voie réglementaire. Au fil des années précédentes, un effet d’éviction a été constaté par l’administration fiscale, relatif au détournement du statut de l’auto-entrepreneur par certains contribuables pour favoriser l’évasion fiscale. Selon les données de la Direction générale des impôts (DGI), le nombre d’auto-entrepreneurs a dépassé, en quatre ans, 373.663 adhérents à fin 2021.
Ainsi, plus de 60.000 salariés ont migré vers ce statut, ce qui permet aux employeurs de soulager leurs trésoreries en payant moins d’impôts et charges sociales. Pour lutter contre ces pratiques, la CGEM a proposé en octobre 2022 de relever la limite du chiffre d’affaires de ce statut à 1 million de dirhams, mais ça n’a pas été effectué, car le chiffre d’affaires moyen d’un auto-entrepreneur au Maroc ne dépasse pas 8.800 DH.
Cependant, le PLF 2023 a prévu une rationalisation de l’application du régime fiscal de l’auto-entrepreneur, à travers l’instauration d’une retenue à la source de 30% sur le surplus du chiffre d’affaires annuel des prestataires de services dépassant 50.000 DH, réalisé avec le même client. Cette limite a été augmentée par la suite à 80.000 DH, dans le cadre de la loi de Finances 2023 (Article 42 bis, CGI2023).
Cette mesure a entrainé beaucoup de débats, surtout en matière d’équité fiscale entre les différentes catégories de contribuables soumises à l’IR (dont 73% des recettes sont supportées uniquement par les revenus salariaux). Néanmoins, cette disposition reste inefficace et inéquitable, surtout pour les vrais auto-entrepreneurs qui réalisent un chiffre d’affaires de plus de 80.000 DH avec les mêmes clients, et qui vont retourner vers le secteur informel.
J’estime qu’il faut maintenir le même régime fiscal initial pour les véritables auto-entrepreneurs et/ou opter pour la création d’un statut cumulant entre auto-entrepreneur et salarié sous conditions, comme c’est le cas de quelques pays (la France à titre d’exemple). Tout cela nécessite une vraie réforme concernant l’équité fiscale en matière d’alignement des taux d’imposition entre les différentes catégories de contribuables soumises à l’IR, et surtout en faveur de la classe moyenne, avec le renforcement des efforts de l’administration fiscale en ce qui concerne la sensibilisation d’une culture fiscale et l’amélioration d’un climat de confiance avec les contribuables.