Maroc

Assurance-vie : les raisons de la ruée des ménages

La «pause» marquée par l’assurance-vie en 2023 (1,8% de croissance et 25,9 milliards de dirhams collectés) n’aura été que passagère. Portée par l’épargne à 81,2%, l’assurance-vie a repris sa marche en avant pour atteindre 27,16 milliards de DH en 2024, enregistrant une progression de 5,1%. Si le besoin de sécuriser son pouvoir d’achat à la retraite et l’attractivité fiscale expliquent le succès de ce placement, une nouvelle motivation émerge : la préparation de la succession.

Depuis plus de dix ans, les placements d’assurance-vie constituent le premier pourvoyeur de chiffre d’affaires du marché de l’assurance. Ils pèsent en moyenne 45,5% des primes, loin devant la branche automobile qui a drainé 15,27 milliards de DH l’an dernier. La très attractive niche fiscale adossée à ce placement n’est pas étrangère à ce dynamisme. Les ménages aisés et les classes moyennes supérieures se ruent sur l’assurance-vie pour leurs vieux jours, financer les études ou les projets futurs de leurs enfants ou de plus en plus, pour certains, préparer discrètement leur succession.

Dans cette population, on trouve, entre autres, des entrepreneurs, des cadres supérieurs, des commerçants et des professions libérales. La croissance est telle que les assureurs et les responsables de banque privée des établissements bancaires déroulent le tapis rouge à cette clientèle. Depuis peu, les caisses de retraite sont également entrées dans la bagarre pour attirer ces épargnants.

L’explosion de la branche Epargne est liée à l’attractivité des supports proposés par les assureurs par rapport aux autres alternatives de placement, explique un professionnel. Les produits d’assurance-vie proposent, en effet, des rendements attractifs et bénéficient par ailleurs d’un cadre fiscal très alléchant. Pour bénéficier de l’abattement de l’IR lors d’un retrait partiel ou total, il faut avoir cotisé pendant au moins huit ans.

Par ailleurs, la condition d’âge minimum a été revue : pour être éligible à l’abattement fiscal lors d’un retrait partiel ou total de son épargne, l’âge est passé de 50 ans à 45 ans.

Cette évolution est capitale, car beaucoup d’épargnants utilisent les placements d’assurance-vie comme des produits de trésorerie. Grâce à cette flexibilité, ils peuvent accéder à leurs économies bien avant l’âge légal de départ en retraite, sans pour autant perdre les avantages fiscaux. Cela leur permet de faire face aux imprévus ou de financer certains projets, voire les études supérieures ou le mariage de leurs enfants.

Contrairement à l’idée répandue, rien n’oblige l’épargnant à sortir au bout de huit ans, explique un professionnel. Bien souvent, de nombreux clients pensent qu’ils sont obligés de bloquer leur argent pendant huit ans alors que cette durée est une condition d’éligibilité à la défiscalisation. Mais après huit ans de détention du contrat, tous les dépôts qui y seront effectués bénéficient du même avantage fiscal, c’est-à-dire une exonération totale d’impôt sur la plus-value.

Le fait générateur de cet avantage est la date d’effet du contrat. Supposons que vous avez ouvert un contrat d’assurance-vie le 18 décembre 2021 en y versant 500.000 DH. Sept ans plus tard, le 18 décembre 2028, vous avez hérité de 100 millions de DH et vous décidez de les verser en totalité sur ce même contrat.

Ce versement bénéficie de l’antériorité du contrat et des avantages fiscaux qui lui sont adossés : l’intégralité de la plus-value générée par ce dépôt exceptionnel sera affranchie d’impôt dès la huitième année du contrat.

Rien n’oblige à racheter son contrat après huit ans
Les gestionnaires d’épargne déconseillent souvent de racheter l’intégralité du contrat au bout de huit ans afin de ne pas perdre l’antériorité ouvrant droit à l’exemption d’impôt sur la plus-value. En cas de besoin pressant d’argent, un rachat partiel – demande d’une avance – est toujours possible, mais pas plus de deux fois au cours de toute la durée de vie d’un contrat. Le troisième est obligatoirement une sortie totale comme l’exige la loi.

Pour anticiper les rachats partiels, les conseillers de Banque privée suggèrent aux clients de répartir leur épargne dans plusieurs contrats.

Au lieu de placer par exemple 500.000 DH dans une seule police par exemple, ce montant sera éclaté dans cinq contrats de 100.000 DH chacun. Ainsi l’épargnant peut, en cas d’urgence, procéder à un rachat partiel sur l’un des contrats sans se heurter à la limite de deux achats partiels autorisés par la loi.

Selon notre enquête, ce montage est aujourd’hui largement pratiqué sur le marché. A eux seuls, les avantages fiscaux n’expliquent pas le succès de l’assurance-vie. Le marché immobilier ayant perdu un peu de son lustre, alors que la bourse attire surtout des «initiés», beaucoup de gros épargnants considèrent l’assurance-vie comme un placement-refuge par excellence.

Une garantie au crédit bancaire pour des dirigeants de PME
Ce placement peut aussi servir de garantie au crédit bancaire. Un dirigeant d’une PME, souhaitant financer un projet, peut obtenir un prêt garanti par son épargne placée dans l’assurance-vie. Ce montage présente l’avantage de ne pas toucher à son capital.

La réglementation exige que cette avance soit remboursée dans un délai de cinq ans maximum. Une «révolution» culturelle silencieuse est en train de s’opérer dans la société. Certains éprouvent le besoin de préparer leur succession en épargnant d’éventuels conflits à leurs descendants.

L’assurance-vie est, dans ce sens, le seul produit de placement au Maroc qui donne le libre choix des bénéficiaires au propriétaire du contrat. Les autres types d’actifs – portefeuille d’actions, bons du Trésor, biens immobiliers, avoirs bancaires – obéissent aux règles de dévolution successorale prévues par la Charia. L’assuré est libre de choisir le ou les bénéficiaires de son assurance-vie en cas de décès.

Pour être valable sur le plan juridique, l’identité (nom, prénom, date de naissance et numéro de carte d’identité) du bénéficiaire doit être expressément mentionnée sur le contrat assorti d’une acceptation expresse de ce dernier. Cette clause bénéficiaire est capitale. Le bénéficiaire peut être changé à tout moment, mais il faut l’assentiment des bénéficiaires déchus.

En cas de refus, la seule option qui reste au propriétaire du contrat est le rachat. En son article 79, le Code des assurances stipule : «Les sommes stipulées payables lors du décès de l’assuré à un bénéficiaire déterminé ou à ses héritiers ne font pas partie de la succession de l’assuré».

Le bénéficiaire, quelles que soient la forme et la date de sa désignation, est réputé y avoir seul droit, à partir du jour du contrat, même si son acceptation est postérieure à la mort de l’assuré. Les règles successorales prévues en matière d’héritage dans le code de la famille ne sont pas applicables dans le cas d’espèce.

Par contre, si le ou les bénéficiaires ne sont pas désignés, ce sont automatiquement les règles de droit commun qui s’appliquent aux héritiers. C’est le cas de figure décrit dans l’article 78 du code des assurances : «Lorsque l’assurance en cas de décès a été conclue sans désignation d’un bénéficiaire, le capital ou la rente assuré fait partie du patrimoine ou de la succession du contractant».

Déduction des cotisations du revenu imposable

L’un des principaux avantages de l’épargne retraite tient à la déductibilité des cotisations. En effet, les versements effectués dans le cadre d’un contrat d’épargne retraite peuvent être déduits du revenu annuel imposable.

Ce pourcentage de retenue varie selon le statut : jusqu’à 50% du salaire imposable pour les salariés et 10% du revenu imposable pour les travailleurs non-salariés.

En plus des déductions partielles de cotisations concédées par le législateur, une partie de l’épargne retraite est exonérée d’impôts à l’échéance du contrat, grâce à un abattement.

Passé une certaine durée de cotisation (8 ans), on peut aussi profiter d’un allègement d’impôt sur les rachats partiels ou totaux, en fonction de la durée du contrat et du montant retiré. L’abattement peut atteindre 70% pour les retraits inférieurs à 168.000 dirhams et 40% pour les retraits supérieurs à ce montant.

Abashi Shamamba / Les Inspirations ÉCO



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