Maroc

Assurance maladie obligatoire : peut mieux faire !

Le Maroc poursuit le chantier de la généralisation de l’assurance maladie obligatoire. Mais malgré des avancées jugées significatives, des défis structurels subsistent avec, en premier lieu, le nombre important d’immatriculés ayant un droit fermé. L’iniquité dans les remboursements entre les différents régimes représente également un handicap. Pire encore, les dépenses de santé à la charge de l’assuré sont telles que deux Marocains sur cinq se voient obligés de renoncer aux soins.

La Commission ministérielle chargée du pilotage de la réforme du système de protection sociale, présidée par le chef du gouvernement, est globalement satisfaite de l’avancée du chantier de généralisation de l’assurance maladie obligatoire (AMO).

La réunion de ladite commission, qui s’est tenue mardi, a été l’occasion de dresser le bilan des différents programmes réalisés. Les mesures pratiques adoptées en vue de la généralisation de la protection sociale ainsi que le suivi de l’avancement des inscriptions au Registre national de la population et au Registre social unifié ont également été examinés.

Toujours plus de bénéficiaires
Au niveau du bilan, le régime «AMO Tadamoun», dont les cotisations sont supportées par l’État, compte désormais plus de 11,1 millions de bénéficiaires en situation de précarité. Selon la commission, ces derniers continuent de bénéficier de la gratuité des soins médicaux et de l’hospitalisation au niveau des établissements publics de santé, ainsi que du même panier de soins qu’offre le régime d’assurance maladie obligatoire dans le secteur privé.

Dans ce sens, l’État prend en charge une partie des prestations facturées, soit en moyenne 30% du montant global. La commission a, par ailleurs, relevé la promulgation, dans un délai relativement court, de 28 décrets d’application des deux lois relatives au régime d’AMO pour la catégorie des professionnels, des travailleurs indépendants et des personnes non salariées exerçant une activité privée, ainsi qu’à la création d’un régime de retraite à leur profit (AMO TNS). Le nombre de bénéficiaires de ce régime a atteint, à fin octobre 2024, quelque 3,8 millions de personnes, dont 1,7 million de travailleurs non-salariés adhérents en tant que pensionnés principaux et 1,2 million d’ayant droits.

Principales lacunes
Concernant le programme d’aide sociale directe visant à améliorer le niveau de vie des familles et leur pouvoir d’achat, ainsi qu’à les préserver des risques liés à l’enfance et à la vieillesse, la commission a souligné que ce programme royal bénéficie, depuis son lancement en décembre 2023 jusqu’à fin octobre 2024, à quelque quatre millions de familles, englobant 5,4 millions d’enfants et 1,2 million de personnes âgées de plus de 60 ans.

En dehors du bilan, l’accent a été mis sur l’apport qualitatif attendu de l’Agence nationale de soutien social, en termes de contribution au développement et à la mise en œuvre des politiques de soutien social et de traitement des défis liés à la poursuite de la mise en œuvre du programme de soutien social direct. Et bien des défis persistent.

À en croire des spécialistes, bien que la phase relative aux lois et décrets y afférents se soit déroulée dans les conditions les plus favorables et avec la célérité nécessaire, la réalité du terrain reste préoccupante. Certes, le nombre d’assurés est voué à augmenter, mais cela ne garantit pas forcément une couverture, de par le nombre important d’immatriculés dont les droits sont fermés. Il s’agit de 8,5 millions qui ne bénéficient pas de l’AMO. Cela représente en soi un handicap majeur, selon Tayeb Hamdi, médecin et expert en politique et système de santé.

«Cette problématique s’étend également aux travailleurs non salariés dont les 2/3 sont dans la même situation en raison, principalement, du non-paiement de leurs cotisations, ce qui les exclut systématiquement de la couverture maladie. Une situation qui n’augure rien de bon. D’où l’importance de s’attarder sur l’aspect structurel. Par ailleurs, ceux immatriculés dont le droit est ouvert ne sont pas mieux lotis, plus de la moitié des dépenses réelles en soin restant à leur charge. Or, il est inconcevable pour, par exemple, un salarié qui assure sa cotisation mensuellement de payer autant. Des études ont montré que le Marocain supporte 60% des dépenses totales de santé alors qu’elles ne devraient pas dépasser les 25%», souligne l’expert.

Dans ces conditions, près du tiers des Marocains couverts renoncent aux soins. Les calculs indiquent, en effet, que deux Marocains sur cinq renoncent aux soins, qu’ils soient couverts ou pas. L’autre handicap est lié à l’iniquité dans les remboursements entre les différents régimes. De plus, la majorité des dépenses de l’AMO est captée par le secteur privé avec plus de 90% des dépenses. L’offre de soin est une autre paire de manches.

Pour l’expert, la réussite de l’AMO dépend de la mise en place des fondamentaux. Il s’avère également primordial d’améliorer les prestations ainsi que de valoriser les ressources humaines. Il met également l’accent sur la nécessité de disposer d’une offre préventive dans le système de santé, ce qui implique la révision des protocoles thérapeutiques. Enfin, rétablir la confiance entre le citoyen et le système de santé reste un must, sans parler de la nécessité d’instaurer une bonne gouvernance.

Tayeb Hamdi
Médecin et expert en politique et système de santé

«Cette problématique s’étend également aux travailleurs non salariés (TNS) dont les 2/3 sont dans la même situation en raison, principalement, du non-paiement de leurs cotisations, ce qui les exclut systématiquement de la couverture maladie. Une situation qui n’augure rien de bon. D’où l’importance de s’attarder sur l’aspect structurel.

Par ailleurs, ceux immatriculés dont le droit est ouvert ne sont pas mieux lotis, plus de la moitié des dépenses réelles en soin restant à leur charge. Or, il est inconcevable pour, par exemple, un salarié qui assure sa cotisation mensuellement, de payer autant. Des études ont montré que le Marocain supporte 60% des dépenses totales de santé alors qu’elles ne devraient pas dépasser les 25%».

Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO



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