Maroc

Arrêté des comptes : les provisions, gros foyer de contentieux

Au regard de la situation des délais de paiement, les provisions pour créances en souffrance sont celles qui concentrent le plus de risque au plan fiscal. La règle reste la même : sans preuve d’action en justice contre le client défaillant, impossible de les déduire du résultat imposable. Sur la dépréciation des stocks, les professionnels des chiffres conseillent de choisir la «bonne» méthode et d’éviter des évaluations fantaisistes.

Pour les milliers de personnes qui travaillent dans les services financiers, les cabinets d’expertise comptable et d’audit, ou les «fiduciaires», le début du mois du Ramadan coïncide cette année avec les travaux de l’arrêté des comptes. Après la rupture du jeûne, il va falloir se remettre au travail car il faut boucler les travaux extra-comptables afin que le Conseil d’administration puisse se prononcer sur les comptes annuels et le résultat de l’exercice.

Pas de négligence
Dans ce processus, les dirigeants devraient se garder de ne penser qu’au chèque à signer avant le 31 mars pour le Trésor. Faire fi des règles comptables peut vous attirer des ennuis en cas de contrôle fiscal. Les exigences édictées par la réglementation comptable doivent être strictement observées sous réserve qu’elles ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l’assiette de l’impôt.

Mais, à la pratique, ce principe de connectivité du résultat comptable et du résultat fiscal n’est pas toujours respecté dans les PME. Les dirigeants auraient tendance à se soucier plus du montant de l’impôt à régler que de l’image fidèle des états de synthèse. Le principe général énoncé par le Code général des impôts (CGI) peut paraître, à priori, limpide.

En pratique, ce n’est pas toujours le cas. Ainsi, par exemple, les provisions sont déductibles lorsqu’elles sont constituées pour faire face à la dépréciation des éléments de l’actif (stocks, créances-clientèle) ou à des charges ou pertes potentielles que des événements en cours rendent probables.

Cette définition découle du principe de prudence, qui est un des piliers de «l’image fidèle» du patrimoine de l’entreprise que la comptabilité est censée refléter. Les dotations aux provisions pour dépréciation d’actifs font l’objet d’une surveillance particulière par les inspecteurs des impôts car il s’agit d’un vieux véhicule utilisé dans les entreprises afin d’alléger la charge fiscale.

Ainsi, dans le secteur bancaire et financier, ce sont surtout les provisions pour dépréciation des créances qui sont minutieusement scrutées par les inspecteurs des impôts. Les banques, les organismes de financement et les compagnies d’assurance sont pris en étau entre les règles prudentielles sectorielles et la doctrine fiscale qui, elle, conditionne la déductibilité des provisions pour créances douteuses à l’action de recouvrement judiciaire.

Foyers chauds
Mais le problème de créances en souffrance ne concerne pas que les banques. En raison des délais de paiement qui se dégradent pour les TPME, les provisions pour créances douteuses atteignent des niveaux inquiétants au point que certaines se risquent à réinventer la doctrine comptable en comptabilisant les encaissements plutôt que les facturations comme le prévoit la réglementation.

De manière générale, les provisions estimées sur la base des méthodes statistiques ou la rotation et l’âge des stocks font constamment l’objet de débat et de divergences avec l’administration fiscale. Voici quelques foyers «chauds» de contentieux.

• Provision pour dépréciation de stock : Les inspecteurs des impôts considèrent que seules les provisions sur les produits périmés sans valeur marchande par exemple sont admises. Celle sur le stock à rotation lente n’est pas admise en déductibilité de l’assiette imposable au motif que la méthode d’appréciation ne permet pas une évaluation précise de la provision ou bien que lesdits stocks peuvent toujours être revendus à un prix au moins égal au coût de revient, ce qui n’est pas souvent le cas, explique un praticien, responsable du pôle Fiscalité chez un big-four.

• Provision pour dépréciation des créances : C’est le cauchemar des services et départements comptables dans les entreprises. Quand bien même la créance aurait fait l’objet d’un recours judiciaire dans un délai de 12 mois, si la société ne mène pas à terme la procédure judiciaire et épuise tous les recours possibles, ladite provision pourrait être considérée par le fisc comme devenue sans objet.

• Provision pour garantie : Celle-ci étant calculée sur la base de données statistiques. Elle est systématiquement contestée du fait que la méthode est considérée ne pas offrir une évaluation précise quant à l’engagement de la société. Or, il peut être démontré dans beaucoup de cas que le coût réel supporté durant l’exercice ou les années suivantes est très proche de l’estimation retenue par l’entreprise, explique un expert-comptable.

• Provisions relatives aux indemnités de licenciement ou de départ volontaire :Les provisions constituées pour faire face aux indemnités de licenciement sont déductibles lorsqu’elles restent dues à la clôture de l’exercice et concernent des licenciements ou des départs prononcés au cours de l’exercice. Leur déductibilité est subordonnée à la condition que les personnes, dont l’employeur prévoit de se séparer, aient été expressément informées, au cours dudit exercice, de la fin de leur mission ou de leur contrat dans les conditions prévues par le Code du travail.

• Provision pour dépréciation des actions non cotées : Souvent, le débat porte sur la méthode utilisée pour déterminer la valeur d’utilité des titres de participation et donc la dépréciation constatée. Dans la majorité des cas où la valeur mathématique est retenue, le fisc finit par l’admettre. Cependant, retenir une valeur inférieure à la valeur mathématique de l’action, qui peut se justifier dans certains cas, a du mal à passer même si elle est appuyée par un rapport d’un évaluateur indépendant.

• Provision pour grosses réparations : Si cette provision est observée généralement dans les grosses industries et sociétés de transport aérien et maritime, elle n’est pas admise en déduction par le fisc qui considère que le fait générateur de la déduction est l’engagement de la grosse réparation elle-même qui peut éventuellement être étalée sur les périodes futures.

• Provision pour pertes à terminaison : Sur le plan comptable, cette provision doit être constituée obligatoirement chez les entreprises qui exécutent des marchés de travaux ou de services s’étalant sur deux ou plusieurs exercices (appelés généralement contrats à long terme) et qui optent pour la méthode de l’avancement, seule méthode en principe admise sur le plan fiscal. Cependant, sur le plan pratique, les inspecteurs des impôts contestent souvent la déductibilité de cette provision même si son évaluation est correctement faite, relève un auditeur.

• Provision pour risques et litiges : Pour cette catégorie, l’administration rejette souvent la déductibilité invoquant que le risque est seulement éventuel et pas probable. Ainsi il faut justifier la déductibilité en démontrant l’existence d’un événement qui s’est produit avant la clôture de l’exercice et qu’un tel événement rend la société exposée à un risque probable d’assumer un passif. En général, en dehors des cas des litiges ayant fait l’objet d’actions judiciaires qui justifient souvent la constitution de provisions déductibles, les autres provisions sont souvent soit réintégrées par les contribuables eux-mêmes, soit remises en cause lors des contrôles.

• Provisions pour charges de personnel, congés payés : Ne sont admises que celles qui concernent certaines charges du personnel en raison d’engagements formels pris par l’entreprise.

N’oubliez pas la déclaration des clients défaillants !

Pour la première fois, les entreprises ou personnes physiques qui réalisent un chiffre d’affaires de plus de 50 millions de dirhams vont devoir joindre la déclaration des clients défaillants à la liasse fiscale annuelle de fin mars. Les exercices 2024 et 2025 constituent en effet une période transitoire avant de basculer à la cadence trimestrielle.

Cette déclaration contient les informations suivantes : la «carte d’identité» de l’entreprise déclarante (raison sociale, domicile fiscal, identifiant commun, numéro d’immatriculation au registre de commerce), la période concernée par la déclaration, le chiffre d’affaires global hors TVA au titre du dernier exercice, le montant total des factures TTC non payées dans les délais et le montant correspondant aux factures impayées totalement ou partiellement hors délai.

A ces éléments s’ajoutent le montant total des factures faisant l’objet de litiges judiciaires et le montant de l’amende pécuniaire et, éventuellement, des sanctions y afférents.

L’absence de factures non payées dans les délais légaux n’affranchit pas de l’obligation de déclaration, précise la Direction générale des Impôts (DGI) dans une circulaire.

Abashi Shamamba / Les Inspirations ÉCO



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